Lunettes d'aviateur sur le pif, longue chevelure lissée au poil près, foulée de femme d'affaires et invariablement tirée à quatre épingles, Margo Martin attire toute la lumière derrière les barrières qui séparent les New-Yorkais du procès pénal de Donald Trump. Il faut dire aussi que l'accusé n'a pas trimballé toute son armée avec lui. A la louche, on dira qu'ils sont une grosse vingtaine à graviter autour de l'accusé le plus scruté de l'année.
Ses avocats bien sûr: Todd Blanche, Emil Bove, Susan Necheles, Alina Habba, Christopher Kise et Clifford Robert. Mais aussi l’assistante Natalie Harp (jamais sans son imprimante) et quelques gardes du corps. Sans oublier une poignée d'hommes de main, notamment chargés de piller le fast-food du coin à la pause-déj'.
Le Daily Mail raconte qu'au troisième jour du procès, cette petite délégation junk-food a dépensé 700 dollars au McDonald's de Manhattan, histoire de nourrir la smala Trump. Au menu, 27 royal cheeseburgers, 27 portions de frites, des Filet-O-Fish pour l'oméga 3 et une large brouette de nuggets. Et pas l’ombre d’un pourboire.
Les allées et venues qui rudoient le parvis du tribunal n'ont rien à envier au Jour de la marmotte: on prend les mêmes et on recommence. Dans le flot d'humains qui s'affairent, hormis les gesticulations de l'accusé et la cravate mauve du conseiller principal de la campagne, c'est Margo Martin que les photographes ne manquent jamais d'immortaliser. Avec son regard et son allure en titane, l'actuelle cheffe adjointe de la communication semble avoir tout piqué à une certaine Melania Trump. Sans doute parce que cette collaboratrice lui ressemble comme deux étoiles sur le drapeau américain.
Bluffant, n'est-ce pas? Tellement, que la chaîne Fox News, pourtant rompue aux bobines de la dynastie de Mar-a-Lago, s'était mélangé les pinceaux en direct, le 13 juin 2023, alors que le républicain plaidait non-coupable dans l’affaire des documents confidentiels. Quelques minutes après avoir cru montrer l'épouse de Donald déboulant au tribunal de Miami, le présentateur John Roberts fut contraint au mea-culpa.
Cette confusion monstre, ajoutée au fatras en provenance des réseaux sociaux, lui offrira un surnom dont elle se serait sans doute bien passé. Margo Martin allait devenir «Fake Melania» aux yeux d'un grand public qui n'avait peut-être pas fini de faire connaissance avec cette alliée de longue date du 45e président. Une endurance plutôt remarquable, d'ailleurs, puisqu'elle fait aujourd'hui partie des rares collaborateurs à ne pas avoir abandonné le patron il y a quatre ans, au moment de l'élection de Joe Biden.
Le 19 janvier 2021, Margo Martin s'adressera une dernière fois au nom du 45e président des Etats-Unis, dans un appel à la presse qui sera filmé par son entourage.
.@WhiteHouse press aide Margo Martin calls the last lid at the Trump White House at 8:35p on January 19, 2021. The president will fly to Florida in the morning, his final day in office. pic.twitter.com/kWUpkK0j9q
— Arden Farhi (@ArdenFarhi) January 20, 2021
Si la plupart des alliés ont retourné leur veste au moment de l'assaut du Capitole, «MM» n'a pas bougé d'un cil. Cinq jours après la fin de mandat de son employeur, c'est elle qui adressera également un email discret à un avocat, histoire d'être sûre que Trump pouvait bidouiller le sceau présidentiel, afin de se l'approprier et surfer sur son tout frais passé de chef d'Etat: «Ils ont dit qu'ils avaient modifié quelques éléments pour éviter les problèmes», pouvait-on lire dans ce courriel, selon le New York Times.
Avant d'empoigner la direction adjointe de la communication, elle fera un court passage au sein de son comité de soutien baptisé Save America PAC. Sur les réseaux sociaux, son départ de la Maison-Blanche fut moqué, à l'image de l'internaute Moody, qui s'inquiétait ironiquement de sa recherche d'emploi. Comme souvent dans l'entourage de Donald Trump, le travail de Margo Martin semble à la fois dérisoire et foutrement indispensable.
De ces personnalités qui ont une aura, mais pas de page Wikipédia. Quand cette gamine née dans l'Oklahoma a foulé l'aile ouest de la Maison-Blanche pour la première fois, elle avait 20 ans tout rond. C'est jeune pour tutoyer le toit du monde. Et il y avait de quoi rendre les vieux briscards de Washington dubitatifs. D'autant qu'elle n'a pas fait irruption dans le quotidien du président dans la peau d'une énième stagiaire prometteuse.
Chargée d'une partie de sa communication dès l'élection du magnat, Margo sera souvent le petit grain de folie ou de sel dans la machinerie Trump. Au point qu'on la retrouvera bien plus tard au carrefour de plusieurs routines judiciaires brûlantes. Et notamment l'affaire des dossiers classifiés, où sa voix résonnera dans une bande audio centrale, enregistrée sur un petit appareil qu'elle enclenchera elle-même, révélait CBS News le 31 mai 2023. Une tâche qu'elle avait l'habitude d'assumer, «juste au cas où Trump voudrait contester les dires de ses interlocuteurs», apprend-on du Washington Post.
Avait-elle l'envergure suffisante pour s'immiscer dans les méandres de certaines réunions? Certains médias américains en ont longtemps douté. Ce qui n'empêchera pas le procureur spécial Jack Smith de s'intéresser de près à cet étonnant rouage de la 45ᵉ présidence des Etats-Unis. Margo sera interrogée et son matériel informatique confisqué. Comme le disait joliment Newsweek, «son ordinateur doit contenir un trésor d'enregistrements de Donald Trump».
Margo Martin n'est pas vraiment la porte-parole de Trump et ne sera jamais Melania. Quoiqu'en disent les théories du complot, qui l'ont longtemps fait passer pour le sosie d'une première dame mystérieusement disparue.
Comme en 2017, point culminant de la conspiration, lorsque le couple présidentiel visitait un centre d’entraînement des services secrets, dans le Maryland:
A 28 ans, la principale intéressée s'en fiche et se concentre sur sa mission. Comme la plupart des aides de camp du candidat républicain, la loyauté et la fierté priment. Sur Instagram, Margo Martin gratifie quotidiennement ses 40 000 abonnés d'une vie aux quatre coins du monde, au soleil, au golf, aux côtés de Donald Trump. Un souvenir y est épinglé depuis près de quatre ans: «Happy birthday, 45 🇺🇸».
Sur la photographie, Margo, en rouge et noir, dans le Bureau ovale. Une nostalgie qui a encore toutes ses chances de redevenir réalité, le 5 novembre prochain.