En 2023, la «Heritage Foundation», un laboratoire d'idées conservateur, a publié sur plus de 900 pages ses recommandations pour une nouvelle présidence Trump. Ce n'est de loin pas le seul institut à vouloir porter ses propositions au futur président, mais c'est clairement celui qui défraie la chronique. Le document, connu sous le nom de «Project 2025», propose entre autres de licencier des milliers de fonctionnaires, d'étendre les pouvoirs du président, de dissoudre le ministère de l'Education et de réduire globalement les impôts.
Bien que la Heritage Foundation ait fait part de sa «proposition» dès avril 2023 – et que le public soit donc au courant depuis longtemps des projets délirants de certains conservateurs – elle reprend évidemment de l'ampleur maintenant que Trump est officiellement le 47e Président des Etats-Unis.
Google Project 2025.
— Joe Biden (@JoeBiden) July 9, 2024
Surtout, ce sont les déclarations du président de la Heritage Foundation, Kevin Roberts, qui ont retenu l'attention – bien que l'on sache déjà que ce groupe de réflexion est désormais extrêmement fidèle à Trump. Début juillet, Roberts était invité à s'exprimer dans le podcast «War Room», fondé par le tristement célèbre ancien conseiller de Trump, Steve Bannon.
Dans ce podcast, Roberts a notamment déclaré que les républicains devraient se sentir encouragés par la décision de la Cour suprême sur l'immunité présidentielle. Selon lui, la décision de la Cour suprême de début juillet – qui accorde au président une large immunité contre les poursuites judiciaires – est «vitale». Ceci afin de s'assurer qu'un président n'ait pas à «réfléchir deux ou trois fois» à chaque décision qu'il prend durant son mandat.
Mais la déclaration suivante de Roberts, par laquelle il a sous-entendu qu'une «révolution» violente pourrait avoir lieu, a sans doute suscité une véritable inquiétude:
Steve Bannon évoquait Kevin Roberts auprès du New York Times comme une option possible pour le poste de chef de cabinet de Trump, toutefois c'est sa directrice de campagne qui sera nommée.
Alors que les démocrates s'efforçaient de convaincre l'opinion publique qu'un second mandat Trump aura l'allure décrite dans les plans du «Project 2025», l'ex-président lui-même disait qu'il «n'en sait rien». C'est du moins ce qu'il laissait entendre avant son élection sur son réseau social, Truth Social:
Il ajoutait: «Quoi qu'ils fassent, je leur souhaite bonne chance, mais je n'ai rien à voir avec eux».
Il est difficile de croire Donald Trump, lorsqu'il affirme ne rien savoir du «Projet 2025». Et pour de nombreuses raisons:
Olivia Troye, une ancienne conseillère de l'ancien vice-président de Trump (Mike Pence), a récemment déclaré à CNN: «La tentative de Trump de prendre ses distances avec le ‹Project 2025› est due à sa prise de conscience que ce programme politique profondément controversé pourrait faire échouer sa candidature».
🧵Donald Trump is denying any ties to Project 2025—an extremist policy agenda masquerading as a traditional conservative platform. Trump has realized that this is a liability for him with voters, but the cat’s out of the bag. As someone who worked with these people when they…
— Olivia of Troye (@OliviaTroye) July 5, 2024
Interrogée sur la crédibilité du démenti de Trump, Troye a répondu:
En effet, l'Heritage Foundation elle-même écrit que «Project 2025» a été rédigé par plusieurs anciens représentants de Trump et reflète les contributions de plus de 100 organisations conservatrices.
Le document «Project 2025», dont le nom complet est «Mandate for Leadership – The Conservative Promise» (Mandat pour le leadership – La promesse conservatrice), compte 900 pages. A l'intérieur, différents chapitres, par différents auteurs. Vous pouvez consulter le document original ici.
La «promesse conservatrice» esquisse plusieurs objectifs principaux. Parmi eux, recentrer la vie américaine autour de la famille, démanteler généreusement l'État administratif, défendre la souveraineté et les frontières des États-Unis ainsi que garantir les droits individuels «donnés par Dieu» de vivre en liberté.
Un aperçu des propositions les plus radicales:
Les conseillers économiques du projet proposent qu'une deuxième administration Trump réduise les impôts sur les sociétés et les revenus. La Réserve fédérale – c'est-à-dire la banque centrale américaine – devrait être supprimée et même un retour à une monnaie indexée sur le prix de l'or serait à envisager.
En revanche, les auteurs ne sont pas d'accord sur le libre-échange: le document est divisé sur la question de savoir si le prochain président devrait essayer de promouvoir le libre-échange ou, au contraire, d'augmenter les barrières à l'exportation.
Le président devrait toutefois «mettre fin à la guerre contre le pétrole et le gaz naturel», entre autres en réduisant les fonds publics destinés à la promotion des énergies renouvelables.
Selon le «Project 2025», tous les employés du gouvernement devraient désormais être directement subordonnés au président – y compris les institutions traditionnellement indépendantes dans une démocratie, comme le ministère de la Justice. Plusieurs agences fédérales devraient être drastiquement remaniées, comme le FBI, décrit comme une «organisation hypertrophiée, arrogante et de plus en plus hors-la-loi».
Et certaines institutions, dont le ministère de l'Éducation, doivent être purement et simplement supprimées.
Les propositions prévoient également la suppression de la protection de l'emploi pour des milliers de collaborateurs du gouvernement – qui pourraient alors être remplacés par des personnes nommées par les politiques.
Le document ne demande pas l'interdiction de l'avortement à l'échelle nationale. Il propose toutefois de retirer du marché la pilule abortive mifepristone.
Le mur à la frontière avec le Mexique, l'un des «projets de prestige» de Trump, doit être achevé et financé de manière plus généreuse. Les différents services américains de l'immigration doivent être consolidés et dotés de pouvoirs massivement accrus.
Parmi les autres propositions figurent l'augmentation des frais pour les immigrés et l'autorisation de demandes accélérées pour les migrants qui paient une prime.
Les auteurs du «Project 2025» demandent l'interdiction de la pornographie. Les entreprises de technologie et de télécommunication qui permettent l'accès à de tels contenus doivent être fermées. En outre, il s'agit de lutter contre ce que l'on appelle la «propagande du woke»: le document demande à ce que les parents puissent librement choisir l'école pour leurs enfants, et qu'ils aient plus de contrôle sur les écoles elles-mêmes.
Il est proposé de supprimer une longue liste de termes de toutes les lois et réglementations fédérales, notamment «orientation sexuelle», «diversité», «égalité et intégration», «égalité des sexes», «avortement» et «droits reproductifs».
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci