Ce week-end, Nikki Haley a gagné. Une bataille. Une petite primaire. Washington D.C., largement quadrillé par les électeurs démocrates, a offert une médaille en chocolat à la dernière adversaire du bulldozer Donald Trump. Un peu de baume au cœur, à défaut d'une réelle secousse dans cette primaire républicaine vidée de son sens et de son suspens. Cette nuit, à l'occasion du Super Tuesday, quinze Etats vont très certainement ramper devant le gourou MAGA, lui construisant du même coup une autoroute pour la Maison-Blanche.
De quoi ruiner définitivement les chances d'une Nikki Haley qui n'a pourtant jamais voulu abandonner la guerre, persuadée que le parti républicain (et le pays) mérite mieux qu'un autocrate empêtré dans ses affaires judiciaires.
Son endurance et sa ténacité ne sont d'ailleurs pas passées inaperçues ces dernières semaines. Non seulement auprès des électeurs conservateurs un poil plus modérés, mais au sein même du GOP. Si le parti n'a jamais eu le cran d'abandonner Donald Trump sur le bord de la route, effrayé à l'idée de laisser le Bureau ovale à l'ennemi Joe Biden, certains membres considèrent que la perte prochaine de Nikki Haley est un beau gâchis. Il faut dire que «perdre», dans le cas de l'ancienne gouverneure de Caroline du Sud, c'est tutoyer les 40% à chaque étape des primaires.
Autrement dit, sa seule existence permet d'asseoir l'idée que les conservateurs ne sont pas tous friands des délires paranoïaques et narcissiques du milliardaire de 77 ans.
Ce sentiment de gâchis s'explique facilement. Déjà, les derniers sondages révèlent que face à Joe Biden, elle gagnerait plus franchement que Trump. Et puis, moins extrême que son adversaire, mais néanmoins très à droite, Nikki Haley aurait (dans le vrai monde) toutes les qualités pour incarner l'avenir du parti républicain, dont l'idéologie et les fondations se fissurent à vue d'œil. Hélas pour elle, ce monde est aujourd'hui bousculé par une importante grappe d'Américains suffisamment en colère pour utiliser Trump comme «boulet de démolition», parce que «notre système doit être brisé» et qu'il est «le seul homme capable de le faire», racontait un électeur à Politico, le mois dernier.
Est-ce le désespoir ou la peur qui poussent aujourd'hui, qui plus est en plein Super Tuesday, certains républicains à penser que Nikki Haley a un plan secret? Qu'elle ne va pas se laisser faire et qu'elle prépare un coup d'éclat inédit? Sans doute un peu des deux. Ce qui est sûr, c'est qu'une rumeur tenace se propage autour de la dernière adversaire du milliardaire: Nikki Haley s'apprête à trahir le Grand Old Party, hypnotisé par Trump, pour se lancer en solo.
Une douce insurrection qui, si elle a peu de chances d'aboutir, semble suffisamment alléchante pour que tout le monde ait envie de s'exprimer sur le sujet, la candidate en tête: «Je n’ai pas réfléchi une seconde à une candidature indépendante, parce que je suis républicaine. C'est ce que j'ai toujours été».
Bottant les rumeurs en touche, elle précise qu'elle n'a pas non plus eu le moindre contact avec le mouvement No Labels, qui cherche toujours activement son candidat. No Labels? «Des Américains pleins de bon sens qui poussent nos dirigeants à s'unir pour résoudre les plus grands problèmes de notre pays». Son leader national, Joe Cunningham, affirme notamment dans The Hill qu'il serait «tout à fait ouvert à la discussion», si Nikki Haley faisait un pas vers lui.
S'il est impossible de savoir d'où proviennent ces rumeurs, tous les regards se tournent lentement vers No Labels, à qui profiterait majoritairement le crime. Quoiqu'il en soit, le ferme démenti de l'ex-ambassadrice américaine à l'ONU n'a pas eu pour résultat de dégonfler ces folles spéculations. En d'autres termes, l'idée que Nikki Haley abandonne juste après le Super Tuesday est une perspective insoutenable pour les plus féroces électeurs anti-Trump.
D'autres stratèges républicains, plus terre à terre, sont persuadés que si Nikki Haley n'abandonne pas, malgré ses maigres chances d'atterrir au sommet de la primaire, c'est qu'elle a un plan à moyen terme. A 52 ans, près de trente de moins que les deux favoris à l'élection présidentielle, la candidate serait simplement en train de viser 2028. Comme si elle utilisait sa campagne actuelle pour gagner du temps, des soutiens et de l'argent. Elle aurait d'ailleurs reçu près de 20 millions de dollars rien qu'en février.
Sur ce sujet, en revanche, la principale intéressée reste muette. De quoi rendre plus crédible encore cet éventuel marathon de quatre ans pour, qui sait, ramasser un pays en lambeaux après la tornade Trump.