La première chose qui frappe, c’est une faute. De frappe. En parcourant le site internet de ce nouveau et mystérieux club basé dans le quartier de Georgetown, à Washington DC, on tombe assez vite sur une coquille qui fait mal au patriotisme américain. «America», écrit «Amercia», ça peut faire mauvais genre pour un mouvement obsédé par l’idée de rendre sa grandeur à l’Amérique.
Sans compter que la mise d’entrée pour pouvoir espérer infiltrer cet antre politico-financier mériterait une mise en scène impeccable: devenir membre fondateur de l’Executive Branch Club coûte la bagatelle de 500 000 dollars. Un montant à verser en bitcoins et qui n’inclut pas la cotisation annuelle. Notamment fondé par Donald Trump Jr, le «Club du pouvoir exécutif» a pour vocation «de mettre en relation les bonnes personnes et les bonnes organisations».
Plus crument, disons que le sol en marbre accueillera exclusivement de très riches personnalités pro-Trump.
A terme, moins de 200 membres pourront batifoler au bar de l’Executive Branch Club, planqué derrière les murs du centre commercial haut de gamme de Georgetown Park. Les journalistes, mais également les vieilles huiles républicaines de Washington, en seront privés. C’est en tout cas ce que promet David Sacks, membre fondateur et responsable des cryptomonnaies à la Maison-Blanche, sur son podcast All-In dernièrement: «S'il existe des clubs républicains à Washington, ils ressemblent davantage à ceux de l'ère Bush qu'à ceux de l'ère Trump».
Car les niches privées pour happy few ne manquent pas dans la capitale des Etats-Unis. Sauf que le Ned ou le Metropolitan Club ne dépouillent pas ses membres dès l’adhésion. Quand une grosse dizaine de «fondateurs» se déleste d’un demi-million de dollars, c’est l’assurance de démarrer sur de bonnes bases financières. Le magazine Forbes a récemment opposé le nouveau joujou lucratif du fils Trump au Trump International Hotel, qui faisait office de salon MAGA lors du premier mandat du milliardaire de Mar-a-Lago et qui enregistrait des «pertes d'exploitation nettes, trois années sur quatre».
Pourtant, comme l’explique notamment le New York Times, l’entrée de ce club n’a «rien de grandiose». Pas de bâtisse historique ou de façade tape-à-l’œil. On y accède soit par un petit escalier qui ne paie pas de mine, soit par le parking souterrain. Pour Donald Trump Jr. et ses associés, c’est tout bénéf’. Cet ancien pub à nachos et karaoké, transformé en planque MAGA au moyen d’une déco piquée à l’hôtel de luxe Aman New York, va pouvoir accueillir les puissants de ce monde dans une totale discrétion.
Les tech bros et les Saoudiens? «Non, ce n'est pas réservé à n'importe quel homme d'affaires saoudien», jurait un porte-parole du club, anonymement, au New York Times. Les membres, a-t-il ajouté, veulent simplement un endroit «où ils ne soient pas importunés».
Le quotidien local The Washingtonian a récemment pu se frayer un chemin jusqu’au vigile, posté devant deux lourdes portes noires, et prendre une photo en coup de vent avant d’être poliment éconduit.
I went to scope out Executive Branch, the Georgetown private club for the MAGA elite.
— Jessica Sidman (@jsidman) May 30, 2025
Here’s the pic I took right before getting stopped by security and told not to take photos.
More below! pic.twitter.com/FTr7bSpsAC
Si David Sacks, le responsable des cryptomonnaies à la Maison-Blanche, est l’un des membres fondateurs, il n’a pas pu devenir copropriétaire en raison de son mandat auprès du président. Il n’est bien sûr pas tout seul, si l’on en croit le New York Times:
En fouillant un peu sur LinkedIn, on apprend que le chef du nouveau stamm de Don Trump Jr. n’est autre que Salvatore Brucculeri, l’actuel chef de cuisine du Carriage House. Un club privé de Palm Beach que fréquente assidûment la nouvelle girlfriend de Trump Jr., Bettina Anderson, selon Vanity Fair, et dont l’adhésion ne coûte pas moins de... 400 000 dollars.
Si personne ne sait à quoi ressemble le menu de l’Executif Branch Club de Washington, on sait au moins que les offres d’emplois poussent en ce moment comme des champignons:
Si les clubs privés ne sont pas nouveaux, l’ambiance «bunker du pouvoir» de ce nouveau venu interroge. De la part d’un mouvement politique qui fustige ce qu’ils appellent «l’Etat profond», l’opacité qui règne autour du club le plus exclusif de l’histoire de Washington, selon Axios, surprend les commentateurs américains. Si l’adhésion et le don d’argent n’assurent pas forcément une rencontre avec les décideurs de l’Aile Ouest de la Maison-Blanche, le site internet du club n’exclut pas des contacts avec Donald Trump en personne.
Qui? Comment? Dans quel but? Mystère.
Pour Diana Kendall, professeure de sociologie et auteure du bouquin Members Only: Elite Clubs and the Process of Exclusion, citée par le New York Times, c’est «à la fois stupéfiant et consternant. Lorsque le président dînait au Trump International Hotel, il y a dix ans, il était au moins relativement visible».
On parie qu’on aura droit à un premier scandale avant la fin de l’année?