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Pourquoi Trump veut-il se battre à mains nues?

Pourquoi Trump veut-il se battre à mains nues?
image: getty, montage: watson

Pourquoi Trump veut-il se battre à mains nues?

Vendredi soir, il a été condamné à verser 83,3 millions de dollars pour diffamation, à l'auteure E. Jean Carroll. Dans le monde réel, c'est une peine astronomique. Or, Donald Trump a déployé une arme infaillible pour effacer cette cuisante défaite: son attitude, son poing, son pouce et... ses cheveux.
29.01.2024, 14:3529.01.2024, 14:42
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83,3 millions de dollars. Vendredi, dans un tribunal de Manhattan, Donald Trump a été délesté de sa plus grande passion (après lui-même et le pouvoir): son argent. Bien que les avocats de l'auteure E. Jean Carroll considéraient que seule une peine pécuniaire pouvait «inciter Trump à la fermer», ils en espéraient huit fois moins. Une défaite vertigineuse, monumentale.

Pourtant, pas l'ombre d'une photographie du condamné à la mine abattue, le regard et le moral dans les chaussettes. Ni avant, ni pendant, ni après le verdict. Au lieu de ça, le poing, fièrement levé, le visage déterminé et les pupilles en direction du public: «On ne lâche rien».

NEW YORK, NY - JANUARY 25: Donald Trump is seen on January 25, 2024 in New York City. (Photo by GWR/Star Max/GC Images)
GC Images

Par ce geste, Donald Trump intime non seulement à ses partisans de ne pas abandonner la bataille contre cet acharnement qu'il croit subir, mais contrôle l'information qui sera propagée dans la presse et les réseaux sociaux. Quand un média annonce qu'il «a été condamné», les seules images récentes disponibles dévoileront invariablement un homme conquérant.

De manière générale, il est d'ailleurs difficile de trouver une photographie de Trump qui évoque la défaite, l'abandon ou la faiblesse. Bien entendu, tout cela est savamment construit et ne date pas d'hier. Dès ses premiers rendez-vous avec la justice l'année dernière, son pouce et son poing sont ses meilleurs alliés.

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Et le même Donald Trump le 17 janvier, dans le cadre du procès contre E. Jean Carroll.Image: AP

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles l'accusé tient tellement à se déplacer personnellement à ses différents procès. Même lorsque sa présence n'est pas expressément demandée. Et quitte à devoir s'extraire quelques heures d'un meeting de campagne à l'autre bout du pays. Sans avoir à prononcer le moindre mot, Trump parvient à perturber le sens véritable de ce qui sera diffusé et vu en premier par le public: les photographies et les vidéos des médias, mais aussi les séquences capturées à la volée par les badauds aux abords des tribunaux. Ces détracteurs y compris.

De quoi adoucir également la poignée d'images qui le dévoilent dans la salle d'audience, assis (et donc vulnérable), cerné par les avocats et les policiers. Sans oublier les dessinateurs judiciaires, que ses partisans accusent depuis vendredi de ridiculiser leur héros, en le croquant «avec de petites mains atrophiées, comme un enfant».

In this courtroom sketch, former President Donald Trump, prior to taking the witness stand, gesticulates and makes loud statements to his attorney Alina Habba, right, during his civil trial Thursday,  ...
Image: FR171643 AP

Le résultat est là: si Trump a perdu 83,3 millions de dollars, il n'a pas perdu la guerre. Si l'astuce est diablement efficace, elle se révèle capitale dans sa course à la légitimité électorale. Une manière de «transformer un terrible revers juridique en un acte de bravoure politique», rappelle Slate USA. S'il montre des signes de faiblesse, c'est tout le mouvement MAGA qui risque de percer d'un coup sec son ballon de motivation.

La spécialité de Trump

Cette manie n'est pas récente. A ses débuts, le promoteur immobilier à succès, qui avait forcé New York à devenir son terrain de jeu préféré, avait besoin de signifier visuellement ses victoires. Pour ne citer que cet exemple, le 2 avril 1990, ce fut son poing qui inaugura le Taj Mahal d'Atlantic City, qu'il a très vite considéré comme la «huitième merveille du monde». A l'époque déjà, cette cravate rouge trop longue qui allait graver le 45ᵉ président dans l'histoire des Etats-Unis.

(Original Caption) Atlantic City, New Jersey: Donald Trump raises his fist in a salute as he presides over opening ceremonies of the formal opening of his Taj Mahal, which he calls the 8th wonder of t ...
Image: Bettmann

Si Donald Trump a toujours été l'homme au pouce et au poing levé, c'est bien son entrée fracassante en politique qui le popularisera. Depuis sa victoire face à Barrack Obama, ce geste raconte l'agressivité avec laquelle il gagne (et compte bien conserver) le pouvoir. Lors de son investiture en 2016, mais aussi le 4 juillet qui suivra son élection, le poing s'est accompagné d'un message qui a le mérite d'être clair.

«Il nous faut combattre ce fascisme d’extrême gauche qui exige une allégeance absolue»
Donald Trump

Trump sait pertinemment que cette arme ne lui appartient pas. Un pied de nez plutôt qu'une carence historique. Empoigné par l'anti-fascisme, l'anti-racisme et la lutte contre les oppressions de toute sorte, ce poing est encore brandi par le mouvement Black Lives Matter ou les Femen et signifie «la résilience et la puissance à travers chaque triomphe et chaque lutte». Aux Etats-Unis, c'est «Big Bill» Haywood, fondateur du syndicat Industrial Workers of the World, qui va projeter le geste aux yeux du monde, à l'occasion de la grève de la soie de Paterson dans le New Jersey, en 1913.

Son message? «Chaque doigt en lui-même n'a aucune force. Regardez maintenant», assénera-t-il en fermant lentement son poing.

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Hélas, et malgré le pouvoir de ce poing à gauche de l'échiquier politique, les présidents démocrates ont toujours refusé de se l'approprier, que ce soit en campagne ou en exercice. Alors que Joe Biden préférera toujours le doux et traditionnel salut de la main, le vide a pu être rapidement comblé par un Donald Trump passablement opportuniste. A l'instar du drapeau américain (mais aussi suisse ou français), totalement abandonné par la gauche et récupéré par l'extrême droite, le poing dressé est aujourd'hui le signe de ralliement des partisans MAGA.

Poing d'exclamation

Le mot d'ordre est implicite. Dès que Donald Trump lève le poing à un moment crucial de son existence, la photographie est partagée à très large échelle au sein de son clan, inondant les réseaux sociaux d'un sentiment de puissance qui est, du moins sur le moment, difficile à contrer. A l'instar du tueur de masse Anders Behring Breivik, qui avait serré les phalanges lors de son entrée à la Cour d'Oslo, pour évoquer «la force, l'honneur et le défi aux tyrans marxistes» (selon son propre manifeste), le candidat MAGA entérine ici son rôle de martyr endurant.

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Enfin, et pour l'anecdote, le 6 janvier 2021, ce n'est pas le poing de Donald Trump qui va attirer toute l'attention. Devant le Capitole, ce jour-là, celui du sénateur du Missouri Josh Hawley va bruyamment trahir sa solidarité envers les émeutiers. La photo fera le tour du monde, avant d'atterrir sur un écran géant durant les auditions du Comité du 6 janvier et... de finir sa course sur des tasses à café. Alors que le propriétaire du cliché (le journal Politico) tente de lui interdire d'utiliser son travail pour sa propagande, Josh Hawley continue de vendre des mugs en son honneur.

WASHINGTON, DC - JULY 21: A photograph of Sen. Josh Hawley (R-MO) pumping his fist toward the rioters on January 6, 2021 is shown during a prime-time hearing of the House Select Committee to Investiga ...
Getty Images North America
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A mesure des procès qui l'attendent de pied ferme, le poing et le pouce de Donald Trump pousseront comme des champignons devant les tribunaux. Point.

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Video: watson
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