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Joe Biden a besoin de Donald Trump

Le président américain est sur le point d'obtenir ce qu'il veut: un nouvel affrontement contre son ennemi de toujours, Donald Trump.
Le président américain est sur le point d'obtenir ce qu'il veut: un nouvel affrontement contre son ennemi de toujours, Donald Trump.watson/getty
Analyse

Joe Biden a désespérément besoin de Donald Trump

La nomination quasi certaine de Donald Trump à l'issue des primaires républicaines est une bonne nouvelle pour Joe Biden et lui fournit l'adversaire dont il rêvait. Cynique? Absolument. Mais logique.
26.01.2024, 11:5226.01.2024, 12:57
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C'était une affaire rondement menée. Rapide, nette, efficace, impitoyable. En l'espace de quelques semaines, le rouleau compresseur Donald Trump a écrabouillé tous les obstacles censés l'incommoder sur sa route vers l'investiture du parti républicain. Les uns après les autres, ses rivaux se sont laissés happer, écraser, recracher, aussi solides qu'une poignée de cure-dents face à un bulldozer.

Maintenant qu'il ne reste plus que la résistante Nikki Haley, la nomination du milliardaire n’est plus qu’une question de temps. Avec une avance sans précédent sur le calendrier électoral. Jamais deux candidats présumés n'auront été désignés aussi tôt. Ce qui nous laisse aux portes de la campagne générale la plus longue de l’histoire politique américaine moderne. Et certainement la plus éreintante.

A l'aube de ce marathon, mardi, alors qu'un Donald Trump à moitié ronchon célébrait une victoire dans le New Hampshire qu'il jugeait «trop peu» éclatante (55% contre 45% pour Nikki Haley) et franchissait une nouvelle (peut-être ultime) étape vers l’investiture, un homme trinquait discrètement, face aux écrans de télévision de la Maison-Blanche. Son vieil adversaire Joe Biden.

Donald Trump, le monstre tout trouvé

Paradoxal, cynique, voire moralement discutable, mais cette course est celle dont rêvait l'équipe du président. Qu'importe si une candidate plus modérée et infiniment moins dangereuse pour le pays, Nikki Haley, volait au même moment vers la scène de Concord pour remercier ses partisans et leur jurer de continuer la lutte. Pour Joe Biden et son équipe, la primaire est déjà pliée. Place au match suivant: l'élection générale.

«Il est désormais clair que Donald Trump sera le candidat républicain. Et mon message au pays est que les enjeux ne pourraient pas être plus élevés»
Joe Biden, mardi soir, à l'issue des résultats de la primaire du New Hampshire.

Joe Biden voulait Donald Trump. Il lui fallait un monstre, un vrai. Un combat entre le sauveur de la nation autoproclamé et le vilain dragon à terrasser. Plus lourde est la menace sur la démocratie américaine, plus grandes sont les chances de victoire de ce héros moderne.

MANASSAS, VIRGINIA - JANUARY 23: U.S. President Joe Biden speaks at a ”Reproductive Freedom Campaign Rally" at George Mason University on January 23, 2024 in Manassas, Virginia. During the first  ...
Donald Trump a longtemps été le carburant de Joe Biden, qui affirme s'être présenté à la présidence en 2020 parce qu’il était horrifié par le danger qu'il représentait.Getty Images North America

Tout héros a son talon d'Achille. Chez Joe Biden, c'est son âge. Pour ce vaillant soldat de 81 ans, tout valait mieux qu'une rivale de presque 30 ans sa cadette, à la cinquantaine et aux facultés éclatantes. Même s'il n'est pas certain que la campagne Biden se risque à manipuler cette boîte de Pandore, un adversaire âgé d'à peine quatre ans de moins, également sujet aux trous de mémoire, aux maladresses et aux approximations verbales, était plus sûr.

Sans compter que le parcours de l’abominable Donald Trump sera jonché d'obstacles juridiques. Comme à une bouée de sauvetage, les démocrates s'accrochent au sondage selon lequel une majorité d'électeurs ne voteraient pas pour le républicain s'il venait à être condamné. Un pari risqué. D'autant que chacune des inculpations du milliardaire a eu jusqu'ici pour seul effet de renforcer sa base.

Fini les gentillesses

Malgré une myriade de vulnérabilités et des taux d'approbation en berne, l'équipe de Joe Biden affiche assurance et optimisme face à un match qui s'annonce déjà extrêmement serré. «Avec une économie qui s'améliore rapidement et Trump comme candidat du Parti républicain, je suis très satisfait des chances de Biden», aime à prédire le représentant démocrate Brendan Boyle. Un optimisme qui confine à l'arrogance.

Comme si le nom de Donald Trump sur le bulletin de vote pouvait à lui seul suffire à inciter les électeurs à voter contre lui.

Les «tout-sauf-Trump» devraient faire la différence. Les derniers républicains modérés comme ceux qui, dans le New Hampshire, ont glissé leur bulletin pour Nikki Haley. Des électeurs dont Donald Trump n'aura pas besoin pour revendiquer la nomination, mais qui s’avéreront indispensables en novembre.

NASHUA, NEW HAMPSHIRE - JANUARY 23: Republican presidential candidate and former U.S. President Donald Trump takes the stage with supporters, campaign staff and family members for a primary night part ...
Joe Biden mise sur la répulsion que suscite Donald Trump pour rafler la victoire.Getty Images North America

Miser sur la seule aversion ou la peur que génère Donald Trump pour déplacer des hordes d'électeurs terrifiés ne suffira pas. Ce serait oublier, sondage après sondage, la déception et la fatigue face au triste duel de vieillards qui se profile. Comme le regrette le journaliste politique Brian Stelter dans Vanity Fair, une grande partie des Américains pourrait être tentée, tout simplement, de détourner le regard.

«Lorsque vous avez un mal de tête, vous vous en préoccupez, mais vous pouvez tout aussi bien essayer de l'ignorer en prenant deux Tylenol»
Brian Stelter.

Maintenant qu'il a obtenu l'adversaire de son choix, le président doit absolument éviter de se vautrer patiemment dans l'assurance que les Américains se battront pour leur démocratie. La bataille est lancée et ne laisse pas de place à la passivité.

Le transfert de deux de ses collaborateurs clés de la Maison-Blanche, pour son fief de campagne dans le Delaware, est un début. Mais le candidat démocrate doit s'activer. Faire davantage. Plus agressif, plus direct, plus saillant. «Chaque déclaration de n'importe quel démocrate au cours des neuf prochains mois mentionnant Donald Trump devrait inclure le mot extrémiste», suggère David Faris dans Slate.

«La campagne Biden doit revoir sa représentation de Donald Trump comme un tyran. Pour l'instant, Joe Biden ne décrit pas Trump comme un extrémiste déséquilibré»
David Faris, professeur en science politiques à l'université Roosevelt, dans Slate cette semaine.

Aussi combattif qu'il soit, le héros Joe Biden ne pourra toutefois rien faire contre une fatalité: l'emprise de leader sectaire et l'attraction irrésistible exercée par son ennemi juré sur une partie de l'électorat. Il faudra attendre les neuf prochains mois de campagne pour en mesurer toute l'ampleur.

Joe Biden tombe de son vélo
Video: watson
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