A 75 ans, le sénateur français Claude Malhuret est en train de devenir la figure de la résistance à Donald Trump à travers le monde. Son discours du 5 mars a des airs d’Appel du 18 Juin pour ceux qui, aux Etats-Unis surtout, attendaient une parole forte face à la toute-puissance affichée par le président américain et ses équipes.
Le ton de son allocution de 8 minutes 30 prononcée ce jour-là est dans la veine de ses précédentes interventions à la tribune de la Chambre haute: cinglant et, pour ceux qui apprécient le personnage, jouissif. Claude Malhuret est un tailleur de costards hors pair. Tous les importants et demi-importants des révolutions en marche y passent: la gauche LFI, le Rassemblement national, les islamistes, les wokes, Vladimir Poutine, Xi Jinping et maintenant Donald Trump, aucun n’échappe aux coups de ciseaux de ce médecin de profession, cofondateur en 2000 du site Doctissimo.
As de la formule, voici comment il pose le décor, le 5 mars, drapeau ukrainien au revers de sa veste:
Chacun aura traduit: l’empereur incendiaire, c’est Donald Trump, le bouffon sous kétamine, c’est Elon Musk, le planqué du service militaire, à nouveau Donald Trump (qui s’était arrangé pour ne pas devoir faire la guerre du Vietnam), le héros de guerre, enfin, c’est Volodymyr Zelensky.
Aux yeux de Claude Malhuret, le président américain est manifestement un pauvre type. Extraits:
Il ajoute:
Avant de lancer:
Assaisonnant son allocution de nombreuses références à la Seconde Guerre mondiale, aux alliances funestes scellées alors et aux mauvais choix des démocraties capitulardes, le sénateur Malhuret semble surtout s’adresser aux Américains, chez qui il espère un sursaut, tant les voix démocrates et républicaines opposées à Trump sont silencieuses en ce moment. «Dans l’Histoire américaine, les partisans de la liberté l’ont toujours emportée», conclut-il son discours, qui se voulait une réponse à l’humiliation infligée à Zelensky à la Maison-Blanche.
L’appel lancé par Claude Malhuret trouve un écho viral aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, traditionnel et jusqu’ici très proche allié des Américains. Comme l’a relevé le Huffington Post, «parmi les comptes qui diffusent le discours en question, on retrouve par exemple le podcasteur américain Brian Krassenstein (qui affiche presque un million d’abonnés sur le réseau X) ou le député britannique Graham Stuart». Cet ancien ministre de Liz Truss et de Rishi Sunak salue un «discours tout à fait brillant sur l’Ukraine et sur ce que la trahison des Etats-Unis envers leurs alliés et les valeurs occidentales signifie pour nous et pour le monde».
Quite brilliant speech by French senator Claude Malhuret on Ukraine and what the US' betrayal of its allies and western values means for us and the world. https://t.co/4m3iJlVLe4
— Graham Stuart MP (@grahamstuart) March 6, 2025
Repérée par le journaliste français Philippe Corbé, une célèbre éditorialiste du New Yorker, Susan Glasser, applaudit et se désole en même temps:
Powerful speech about Trump’s betrayal of the democratic world.
— Susan Glasser (@sbg1) March 6, 2025
My question watching this — where is the American version? Why hasn’t US’s own opposition to Trump been able to speak out with such clarity and force?
Tempus fugit. https://t.co/eS2by3Z92D
Avant d’être élu sénateur sur une ligne centriste, Claude Malhuret fut longtemps le maire de Vichy, dans l’Allier, la capitale de la collaboration sous l’occupation allemande, ce rappel historique, présent dans toutes les mémoires, pouvant expliquer son attachement répété à la démocratie. Mais le nom de Claude Malhuret reste lié à Médecins sans frontières (MSF), la mythique ONG des «French Doctors» créée en 1971, dont il fut le secrétaire général.
Avec Bernard Kouchner, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, lui-même médecin, il est de cette génération qui forgea la notion de «droit d’ingérence», symbole de cet Occident qui voulait faire le bien dans le tiers monde sans voir toujours qu’il servait aussi des intérêts très peu humanitaires, sans parler de l’accueil souvent hostile des régimes en place. Mais l’objectif de MSF n’en était pas moins de sauver, de soigner, de nourrir des populations en danger, à l’époque de la guerre froide, marquée par des famines et massacres en Afrique et un génocide au Cambodge.
Aujourd'hui l'allure d'un vieux médecin de campagne, Claude Malhuret a gardé de ses idéaux de jeunesse l'enseignement de certaines erreurs et une aversion pour les totalitarismes.