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Drame

France: le meurtre de Philippine met le gouvernement sous pression

Près de l'université Paris-Dauphine, où le corps de Philippine, étudiante, a été retrouvé dans le Bois de Boulogne.
Près de l'université Paris-Dauphine, où le corps de Philippine, étudiante, a été retrouvé dans le Bois de Boulogne.Image: imago/watson

Le meurtre de Philippine, drame explosif pour le gouvernement français

Le Marocain de 22 ans suspecté du meurtre d'une étudiante de 19 ans la semaine dernière à Paris, arrêté mardi à Genève, était sous l'obligation de quitter le territoire français. De quoi alimenter la polémique en France sur le faible taux d'exécution des décisions de renvoi.
25.09.2024, 11:5426.09.2024, 11:24
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Voilà un drame qui pourrait ne pas arranger la cohabitation entre un ministre de l’Intérieur partisan d’un durcissement sécuritaire, Bruno Retailleau, et un ministre de la Justice, Didier Migaud, qui récuse tout procès en laxisme. Le tout jeune gouvernement français va devoir gérer les retombées médiatico-politiques d’un meurtre dont le principal suspect, un Marocain de 22 ans, a été interpellé mardi à Genève.

Les autorités françaises le soupçonnent d’avoir tué Philippine, une étudiante de 19 ans. La jeune femme était inscrite à l’université Paris-Dauphine, située en lisère du bois de Boulogne, où son corps a été retrouvé enterré samedi lors d’une battue. C’est sa famille qui avait signalé sa disparition. L’étudiante avait été vue pour la dernière fois vendredi à l’heure du déjeuner, à l’université.

Dysfonctionnement judiciaire?

Dysfonctionnement de la justice? Le suspect était en fuite et sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au moment des faits. Né en 2002 à Oujda, au Maroc, il était entré en France en 2019 avec un visa de tourisme, à l’expiration duquel il n’avait pas regagné son pays, se plaçant dans l’illégalité.

La même année, encore mineur, il était arrêté dans une affaire de viol commis sur une étudiante de 23 ans dans le Val-d’Oise, en région parisienne, rappelle 20minutes.fr. Des faits pour lesquels il avait été condamné à sept ans de prison en 2021. Il avait été libéré en juin 2024, aux deux tiers de sa peine, détention préventive comprise. Il avait été aussitôt placé dans un centre de rétention à Metz, en Lorraine, en vue de son expulsion vers le Maroc.

Un jour avant l'autorisation d'expulsion

C’est à partir de là que les choses n’ont peut-être pas fonctionné au mieux d’un point de vue judiciaire. Le 3 septembre, un juge des libertés et de la détention validait la sortie du Marocain du centre de rétention, qui intervenait le lendemain. Une mesure assortie d’une obligation de pointer au poste de police. Le 6, le Maroc, apparemment silencieux jusque-là, délivrait l'autorisation d’expulser vers son pays d'origine le jeune Marocain, qui, sans papiers d'identité à présenter, avait entretenu le flou sur sa nationalité, selon la chaîne TF1.

La veille du meurtre, le 19 septembre, le suspect avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu’il ne respectait pas son obligation de pointer, toujours selon cette source.

Le juge n'a-t-il fait qu'appliquer la loi?

Le gouvernement français devra expliquer pourquoi le Marocain sous OQTF a été sorti du centre de rétention pour être placé sous une surveillance moins stricte. Dès l’autorisation d’expulsion parvenue à la France, deux jours après la sortie du jeune homme du centre de rétention administrative, la justice française a-t-elle cherché à mettre en œuvre au plus vite l’arrêté d’expulsion? A quel moment précisément l’intéressé a-t-il échappé à la vigilance des autorités? La veille du meurtre? Plus tôt?

En décidant de sortir le Marocain de 22 ans du centre de rétention administrative pour le placer en régime de liberté surveillée, le juge des libertés et de la détention aurait respecté la loi, selon plusieurs sources. Le Maroc avait tardé à répondre à la demande française d'expulsion. C'est à la suite d'une quatrième demande de prolongement du maintien du jeune homme en centre de rétention que le juge aurait décidé, semble-t-il en conformité avec la loi, du régime de la liberté surveillé.

La loi qui limite à 90 jours le placement d’individus en centre de rétention (sauf en cas d’activités terroristes), a-t-elle pu jouer un rôle? Pas nécessairement, puisque l'individu, placé le 20 juin en centre de rétention, en est ressorti le 3 septembre, mois de trois mois plus tard.

Le Rassemblement national réagit... ainsi que le PS

Comme souvent prompt à réagir face des drames impliquant des personnes en situation irrégulière sur le territoire français, le Rassemblement national, par la voix de son président Jordan Bardella, a déclaré sur X:

«La vie de Philippine lui a été volée par un migrant marocain sous le coup d’une OQTF. Il est temps que ce gouvernement agisse: nos compatriotes sont en colère et ne vont pas se payer de mots»
Jordan Bardella, RN

Olivier Faure pour le Parti socialiste s'est montré ferme, comme si cette partie de la gauche n'entendait pas laisser à l'extrême droite le monopole de l'indignation devant des tragédies qui horrifient l'ensemble des Français. Sur BFMTV/RMC, le premier secrétaire du PS a déclaré:

«Quand on a quelqu'un qui est en détention, qui est un individu dont on peut penser qu'il est une menace pour la société française, on ne devrait pas avoir à le libérer avant même qu'on ait l'assurance qu'il pourra repartir. Le laissez-passer consulaire qu'on devait récupérer auprès des autorités marocaines devait déjà en réalité être récupéré avant même de le libérer ou de le mettre en rétention où les délais, là, sont en fait circonscrits dans le temps.»
Olivier Faure, PS

Le souvenir du meurtre de Lola

Le meurtre de Philippine, possiblement un assassinat si la préméditation devait être retenue et dans le cas où le suspect arrêté à Genève s’avérerait être l’auteur des faits, donnera probablement lieu à des rapprochements avec le meurtre, en octobre 2022 à Paris, dans des circonstances épouvantables, de la petite Lola, âgée de 12 ans. La suspecte, contre laquelle le parquet vient de demander le renvoi en procès, est une Algérienne de 26 ans, également sous OQTF au moment des faits. La mort de Lola avait donné lieu à une forte exploitation politique.

Faible taux d'exécution des décisions de renvoi

Le taux d’exécution des mesures d’éloignement (OQTF) de la France est le plus bas de l’Union Européenne: autour de 7 % contre près de 30 % au niveau européen, indique Le Monde.

- Ces footballeurs ont frôlé le drame lors des festivités
Video: twitter
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