Les Européens contribuent-ils à la tentative de Vladimir Poutine de diviser le front occidental opposé à la Russie? La question se pose au vu de la discorde entre les dirigeants français et allemands. Les divergences entre les deux parties n'ont certes pas de lien direct avec l'Ukraine, mais elles affectent l'unité européenne dans la guerre.
Les gouvernements de Berlin et de Paris devaient se rencontrer, mercredi prochain, dans l'ancienne ville royale de Fontainebleau pour une réunion commune. Mais Emmanuel Macron l'a fait annuler à la dernière minute – et sans concertation. Cela ne s'était jamais produit auparavant.
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Le président français fait part de son mécontentement quant au fait que le chancelier Olaf Scholz n'ait pas discuté avec Paris du plan d'investissement allemand de 200 milliards d'euros – désormais appelé «Doppel-Wumms». Du temps d'Angela Merkel, il était encore d'usage de trouver une position commune avant les sommets européens et de rencontrer ainsi de manière solidaire les 27 Etats membres. C'était la base du leadership franco-allemand dans les principaux dossiers européens.
En outre, comme l'a titré le journal Le Monde il y a quelques jours, Macron était carrément «en colère» contre Scholz. La raison: le chancelier allemand déploie, avec 14 partenaires de l'UE, un bouclier antimissile face à la Russie, sans que la France puisse y participer. La radio parisienne France-Inter a commenté jeudi:
Par ailleurs, deux projets communs franco-allemands de plusieurs milliards d'euros pour un avion de combat et un char d'assaut n'avancent toujours pas. Les groupes d'armement des deux pays ne s'accordent pas plus que Macron et Scholz.
Le gazoduc pyrénéen Midcat, qui doit acheminer le gaz d'Afrique du Nord vers l'Europe du Nord et de l'Est via l'Espagne, est également source de conflits. Sans consulter l'Allemagne, qui avait manifesté un grand intérêt pour ce gazoduc, Macron a modifié le projet avec l'Espagne et le Portugal lors du sommet européen de Bruxelles. Le gazoduc, appelé «BarMar», doit désormais relier Barcelone à Marseille en passant par la Méditerranée.
Avant le sommet de Bruxelles, Scholz et Macron se sont rencontrés pour un bref échange. Mais face aux journalistes, ce dernier a déclaré de manière plutôt peu diplomatique que l'Allemagne était «isolée» au sein de l'UE. Les médias parisiens critiquent également le «cavalier solitaire allemand».
Les diplomates européens se consolent en se disant que l'Allemagne et la France tirent au moins sur la même corde à propos du sujet le plus important: la guerre en Ukraine. L'esclandre entre les deux poids lourds de l'UE affaiblit tout de même, par la force des choses, le front uni européen face à Moscou. C'est précisément ce à quoi le président russe Vladimir Poutine travaille depuis le début de la guerre. Il sait que si l'axe central européen Berlin-Paris ne tient plus, l'union occidentale soutenant Kiev ne demeurera pas longtemps.
Traduit de l'allemand par Léon Dietrich