Les scènes devant les sièges des partis conservateurs et socialistes à Madrid ont dû irriter plus d'un Espagnol dimanche soir après les élections législatives. Les deux partis se sont félicités de leur victoire.
Que s'est-il passé lors des élections? L'Espagne a choisi le centre politique. Le virage dramatique à droite que beaucoup prédisaient n'a pas eu lieu. Le grand perdant des élections est Vox. Les populistes de droite espagnols ont perdu 19 des 52 mandats qu'ils détenaient jusqu'à présent.
Bien que Vox reste le troisième groupe parlementaire, la droite affaiblie ne peut plus servir de «faiseur de roi» pour les conservateurs, car les deux partis ne parviennent pas à obtenir une majorité suffisante pour former un gouvernement.
Le vainqueur des élections, le conservateur Alberto Nuñez Feijoo, jusqu'ici leader de l'opposition, devrait avoir du mal à former un gouvernement malgré les 47 mandats qu'il a gagnés. En dehors de Vox, il ne dispose pratiquement d'aucun partenaire de coalition au Parlement.
Les partis régionaux, qui pourraient tout de même l'aider à accéder au pouvoir, sont loin d'être enthousiastes à l'idée d'une coalition de la droite conservatrice avec Vox – un parti qui se prononce ouvertement pour l'abolition des autonomies espagnoles et pour un Etat fort et non fédéral.
Alberto Nuñez Feijoo se doute de ce qui se prépare. C'est ainsi qu'il a demandé au chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez, pendant la cérémonie électorale, de laisser le parti le plus élu gouverner et de ne pas bloquer à nouveau le pays.
En 2016 déjà, Pedro Sánchez s'était entêté à bloquer un gouvernement minoritaire du conservateur Mariano Rajoy, jusqu'à ce que son propre parti le destitue de son poste de chef, afin de ne pas rendre ingouvernable le pays en crise.
Mais Pedro Sanchez s'est battu pour revenir à la tête du parti. Il a destitué Mariano Rajoy par une motion de censure et a fait le ménage dans son parti. Aujourd'hui encore, le chef du gouvernement socialiste n'envisage pas d'accepter un gouvernement minoritaire conservateur.
Pedro Sanchez, dont on disait qu'il était «politiquement mort» avant les élections, se considère lui-même comme le vainqueur des élections. Ses socialistes ont certes perdu leur position de leader, mais ils ont gagné près de 970 000 voix et deux mandats supplémentaires. Devant les partisans de son parti réunis dans la Calle Ferraz, il a parlé d'un mandat clair des Espagnols pour «former un gouvernement». Il a d'ailleurs plus de chances qu'Alberto Nuñez Feijoo de trouver suffisamment de partenaires de coalition.
Il a, toutefois, également un problème: le mouvement de rassemblement populiste de gauche Sumar et le parti indépendantiste de gauche ERC au pouvoir en Catalogne ont perdu de nombreux sièges.
Pour être réélu, Pedro Sanchez dépend donc désormais aussi des séparatistes basques EH Bildu et des nationalistes catalans Junts, dont le chef officieux Carles Puigdemont vit en «exil» en Belgique depuis le référendum illégal sur l'indépendance de la Catalogne en 2017, fuyant la justice espagnole.
Pour rappel, le chef du gouvernement espagnol avait avancé les élections, prévues en décembre, à la fin du mois de juillet, après la défaite de ses socialistes lors des élections municipales et régionales espagnoles fin mai.
C'était un coup audacieux de placer ces nouvelles élections au milieu des vacances d'été, alors que la moitié de l'Espagne est à la plage. D'autant plus que lors de la débâcle électorale de fin mai, la faible participation avait déjà été l'une des raisons de la défaite des socialistes.
Cela aurait été la première fois depuis la fin de la dictature fasciste de Franco en 1975 qu'un parti d'extrême droite accède à nouveau au pouvoir en Espagne. Le plan de Pedro Sánchez a donc fonctionné.
De plus, les conservateurs semblaient trop sûrs de leur victoire. Un peu trop confiant, Alberto Nuñez Feijoo n'a même pas participé au duel électoral télévisé entre les quatre grands partis.
Traduit et adapté par Noëline Flippe