Vous avez peut-être vu Lord of War, le film d'Andrew Niccol sorti en 2005. C'est l'histoire d'un trafiquant d'armes international, interprété par Nicolas Cage. Cet homme existe vraiment. Il ne s'appelle pas Yuri Orlov, comme dans le film, et, contrairement au personnage joué par Cage, il porte une moustache. Son vrai nom est Viktor Bout et, bien que très romancé, le film s'inspire fortement de sa vie.
Surnommé le «Marchand de mort», Viktor Bout croupit dans une prison américaine depuis dix ans. Il pourrait bientôt en sortir, et pas parce qu'il a fini de purger sa peine, qui doit durer encore une bonne dizaine d'années. La raison est plus rocambolesque: le trafiquant pourrait participer à un échange de prisonniers entre Washington et Moscou.
C'est ce qu'a révélé le journal américain Forbes, qui affirme que l'administration Biden a offert au Kremlin d'échanger Viktor Bout contre Brittney Griner, une basketteuse professionnelle détenue en Russie pour simple possession d'huile de THC.
Les négociations ne seraient qu'à leur début. La possibilité d'un échange a été rapportée le 13 mai par l'agence de presse russe Tass et confirmée pour Forbes par «une source non gouvernementale en position de savoir». Aucune autorité n'a officiellement commenté l'affaire. Si les parties arrivent à s'accorder, cet échange sera digne d'un film. Voici quelques détails sur les deux personnes impliquées.
Viktor Bout n'est pas né en Russie, mais dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Tadjikistan, pendant la Guerre froide. D'abord traducteur dans l'armée de l'Union soviétique, il commence sa véritable «carrière» après l'implosion de cette dernière, en 1991.
Exploitant ses contacts au sein de l'ancienne armée rouge, il commence à vendre le vieux matériel soviétique un peu partout dans le monde. Les ventes sont colossales. Pour ce faire, il monte même une sorte de compagnie aérienne qui exploite jusqu'à 50 avions.
Cela lui permet d'abreuver d'AK-47, de lance-roquettes, d'hélicoptères ou de véhicules toutes les milices et mouvements armés d'Afrique ou d'Asie: Angola, Liberia, Sierra Leone, Soudan,... Bout devient un mythe, avant d'être rattrapé par la justice internationale en 2008. Extradé aux Etats-Unis en 2010, il y sera condamné deux ans plus tard.
Brittney Griner, 31 ans, est la plus connue de la douzaine d'Américains détenus par la Russie au cours de la dernière décennie. Et pour cause: elle est une basketteuse de très haut niveau. Seulement voilà, infiniment moins payée que ses collègues masculins, elle faisait des extras en Russie hors-saison pour arrondir ses fins de mois. Elle a joué plusieurs années pour l'équipe d'Ekaterinburg.
Interpellée le 17 février à l'aéroport de Moscou pour ce qui lui aurait valu une simple amende dans certains Etats américains, la basketteuse s'est retrouvée dans une prison russe.
Selon le département d'Etat américain, elle est «détenue à tort», ce qui ouvre la porte à des négociations d'échange. En tant que lesbienne noire, Griner est davantage menacée, dans un pays comme la Russie, très hostile envers la communauté LGBT+.
Plusieurs questions restent encore ouvertes. Etant donné que Joe Biden a qualifié Poutine de «criminel de guerre», certains craignent qu'il n'hésite à libérer un infâme trafiquant d'armes russe. Surtout, on peut se questionner sur le déséquilibre moral provoqué par le fait d'échanger une basketteuse contre l'un des criminels les plus célèbres. Affaire à suivre. (asi)