Ce sont des images troublantes qui nous sont parvenues des Etats-Unis, et qui ont été rendues publiques par le New York Times et l'agence de presse AP. On y voit une femme portant un foulard et un manteau d'hiver clair traversant la rue, mardi soir à Somerville, une banlieue de la métropole de Boston. La femme est une étudiante d'origine turque qui prépare son doctorat à la prestigieuse université Tufts.
Des agents de police habillés en civil, et masqués pour la plupart, se mettent à l'interpeller.
Les images d'une caméra de surveillance montrent comment six personnes provenant de différentes directions s'approchent soudainement de la femme. Ils portent des vêtements sombres, sont partiellement masqués ou ont les capuches de leurs pulls qui masquent une bonne partie de leur visage.
Les six hommes et une femme entourent la doctorante et lui demandent de s'arrêter. Ils lui annoncent ensuite qu'elle est arrêtée. Choquée, elle assure n'avoir rien fait. Elle semble perturbée et implore de l'aide. Puis l'un des hommes cagoulés lui prend son sac à dos, lui demande de se retourner et lui passe les menottes.
Les enquêteurs cagoulés de l'Immigration and Customs Enforcement, le service américain de l'immigration, finissent par emmener la femme complètement apeurée, vers une voiture garée à proximité.
Selon AP et les médias américains, il s'agirait de Rumeysa Öztürk, 30 ans. Son arrestation est le nouveau point culminant d'une vague d'arrestations qui a débuté aux Etats-Unis depuis l'entrée en fonction de Donald Trump, et au cours de laquelle de plus en plus de personnes sans passeport américain, mais avec des permis ou des visas, se retrouvent dans le collimateur de l'ICE.
Interrogée par CNN, l'avocate de Rumeysa Öztürk rappelle la criminalisation des personnes protestant contre les actions d'Israël à Gaza et plus généralement en Palestine:
Alors que, mardi, une juge avait interdit par ordonnance le transfert de l'étudiante depuis Boston, on a appris mercredi qu'elle se trouvait maintenant dans un centre de détention en Louisianne. CNN s'interroge:
Les images de l'arrestation d'Öztürk sont choquantes, car elles rappellent les temps les plus sombres de régimes fascistes. Sur l'enregistrement vidéo, on peut également entendre un passant qui observe la scène confronter directement les enquêteurs cagoulés:
Il n'obtiendra pas de réponse à cette question.
Selon le New York Times, la ministre de la Justice du Massachusetts, Andrea Joy Campbell, a déclaré que les images de l'arrestation étaient profondément perturbantes. Elle a déclaré:
Comme de nombreux autres étrangers vivant aux Etats-Unis qui ont été arrêtés et détenus ces dernières semaines, elle disposait d'un visa valide. Dans une déclaration sur X, le ministère de la Sécurité intérieure a simplement déclaré qu'un visa était un privilège, mais pas un droit.
Les autorités prétendent que l'étudiante pro-paix aurait pris fait et cause pour le terrorisme du Hamas, raison pour laquelle son visa aurait été révoqué.
Selon divers médias, Rumeysa Öztürk était la co-auteure d'un article paru en 2024 dans un journal étudiant, dans lequel il était demandé à l'université Tufts de reconnaître l'existence d'un génocide contre les Palestiniens. Dans le même temps, l'université a été invitée à ne pas investir dans des entreprises ayant des liens avec Israël.
Le Boston Globe a rapporté que des connaissances de la doctorante ont assuré qu'elle n'était pas une dirigeante du mouvement de protestation. Les professeurs de Rumeysa Öztürk se sont également montrés choqués par l'arrestation.
Michael Mathis, un ingénieur en informatique de 32 ans, dont la caméra de surveillance a enregistré l'arrestation, l'affirme:
Il a ajouté «Ils s'approchent d'elle et commencent à la harceler. Ils cachent leurs visages. Ils se déplacent dans des véhicules banalisés».
La représentante démocrate Ayanna Pressley (Boston) a qualifié cette arrestation de «terrible violation des droits constitutionnels de Rumeysa à un procès en bonne et due forme et à la liberté d'expression. Elle doit être libérée immédiatement».
✊🏽NOW: Thousands are rallying at Tufts to demand the release and return of Rumeysa Ozturk, who was disappeared by masked ICE agents in Boston yesterday.
— Party for Socialism and Liberation (@pslnational) March 26, 2025
Trump’s attempts to stifle the pro-Palestine movement with repression are backfiring — the people won’t be silenced! pic.twitter.com/DJ7OHIjAuw
Mercredi, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant l'université de Sommerville pour protester contre l'arrestation de Rumeysa Öztürk. Ils demandaient également la libération immédiate de l'étudiante.
L'arrestation de l'étudiant palestinien Machmud Chalil avait récemment fait grand bruit. Selon son avocate, ce diplômé de l'université de Columbia (New York) possède une green card, et donc un permis de séjour illimité aux Etats-Unis. Le gouvernement étasunien veut néanmoins l'expulser, et lui reproche notamment d'avoir distribué sur le campus des tracts portant le logo du Hamas.
Badar Khan Suri, un universitaire indien, a lui aussi été arrêté à l'université de Georgetown de Washington. Une porte-parole du ministère de la Sécurité intérieure l'a accusé sur la plateforme X d'avoir diffusé de la «propagande pour le Hamas». CNN note que, si le ministère de la Sécurité intérieure l'accuse de s'être «engagé dans des activités de soutien au Hamas», ils n'ont pas voulu préciser quelles étaient ces activités présumées.
Ayana Pressley a déclaré dans un communiqué de presse:
La démocrate n'est pas la seule à reconnaître la systématique dans l'action de l'administration Trump. Les observateurs craignent que le ministère de la Sécurité intérieure soit de plus en plus utilisé comme instrument d'une domination étatique arbitraire.
La chaîne de télévision américaine MSNBC a récemment fait ce constat:
Traduit de l'allemand par Joel Espi