L'abandon soudain de l'Ukraine par l'administration Trump ne suscite pas seulement de grandes inquiétudes à Kiev et dans le reste de l'Europe. A Taïwan aussi, on observe de près le comportement du président américain.
Taipei craint que la Chine ne prenne bientôt exemple sur son allié russe, et ne tente d'annexer par la force cet état insulaire de 23 millions d'habitants. L'unification des deux pays est l'objectif affiché du chef de l'Etat chinois Xi Jinping.
Les Taïwanais gardent pourtant de bons souvenirs du premier mandat de Trump. Ses droits de douane punitifs envers la Chine avaient renforcé la position de Taïwan en Asie. Dans une analyse du groupe de réflexion de l'Institut Montaigne, on peut lire:
Durant son premier mandat, Trump a aussi fortement soutenu Taïwan sur le plan politique. Avant même son entrée en fonction, il avait accepté à la fin 2016 un appel de la présidente Tsai Ing-wen, ce qui avait déclenché de vives réactions en Chine.
Trump a également fourni beaucoup plus d'armes à Taipei que son prédécesseur Barack Obama, qui avait autorisé des exportations pour un montant de 14 milliards de dollars au cours de ses huit années de mandat. En quatre ans, Trump avait envoyé pour 18 milliards de dollars de matériel de guerre, dont des avions de combat F-16, des missiles Patriot pour la défense aérienne, et des armes anti-navires de type Harpoon.
Officiellement, Donald Trump soutient la politique d'une Chine unie, en vigueur depuis 1979, et dans le cadre de laquelle les Etats-Unis avaient transféré leur représentation diplomatique de Taïwan à la Chine. Mais avec le Taiwan Travel Act de 2018, le président américain avait revalorisé Taïwan sur le plan diplomatique, et facilité les voyages officiels et les rencontres entre les représentants des deux pays.
Taipei devrait donc être optimiste quant au second mandat de Trump. Mais ses dernières déclarations risquent d'y susciter des sentiments mitigés, dans le meilleur des cas.
Mercredi à la Maison-Blanche, en réponse à la question d'un journaliste qui lui demandait si la Chine devait éviter de conquérir Taïwan, le président américain a répondu:
Donald Trump dit avoir «une relation formidable» avec Xi Jinping, et souhaite que la Chine investisse aux Etats-Unis. «Nous allons entretenir de très bonnes relations avec la Chine», a-t-il poursuivi.
Pris séparément, les mots de Donald Trump ne semblent pas particulièrement menaçants. Mais dans le contexte de ses déclarations de campagne, elles alimentent à Taïwan la crainte de l'inconstance et de son penchant pour les accords réalisés à la va-vite. En juillet dernier, le milliardaire avait déclaré à Bloomberg:
Ces propos – il ne doit y avoir de soutien militaire que si le bénéficiaire en paie le prix – rappellent ceux que Trump a récemment tenus récemment au sujet de l'Ukraine. A Taipei, on craignait, déjà avant la deuxième investiture de du président américain, que le soutien des Etats-Unis puisse se tarir.
«Nous sommes très inquiets. Il est hautement imprévisible», a déclaré Chen Ming-chi, qui siégeait au conseil de sécurité de l'ancienne présidente Tsai Ing-wen, sur le site weltkirche.de. «Compte tenu de la différence de taille, nous ne sommes pas en mesure d'empêcher la prise de contrôle de Taïwan par la Chine. Nous pouvons seulement y arriver d'une manière ou d'une autre jusqu'à un certain point, mais nous aurons alors besoin d'une aide extérieure». Et de poursuivre:
Daniel Russel, qui était membre du Conseil de sécurité nationale des Etats-Unis sous la présidence Obama, a également exprimé son inquiétude. Il a déclaré:
Trump a renforcé ce message en signalant que son soutien à Taïwan était négociable. Impossible d'affirmer à ce jour que les Etats-Unis se détournent effectivement de Taïwan.
Il est possible que, comme dans le cas de l'Otan, le but de Donald Trump soit de pousser le pays à augmenter ses dépenses de défense. En outre, la stratégie américaine à Taïwan a toujours consisté à laisser la porte ouverte à une intervention en cas d'attaque chinoise sur l'île. Cela devrait laisser le gouvernement de Pékin dans l'incertitude, et finalement le dissuader d'une attaque.
Traduit de l'allemande par Joel Espi