Depuis lundi, c'est officiel: les Etats-Unis ne défendent plus la démocratie et l'Etat de droit. Aux côtés de pays comme l'Iran et la Corée du Nord, ils ont refusé de soutenir une résolution de l'ONU condamnant l'invasion russe de l'Ukraine. «C'est un moment de vérité, un moment historique», a déclaré Mariana Betsa, la vice-ministre ukrainienne des Affaires étrangères, devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Même le quotidien conservateur Wall Street Journal est consterné et fait référence à l'ancienne figure emblématique du parti républicain. «Ronald Reagan voulait lui aussi instaurer la paix, et il y est parvenu», commente le journal.
Le nouvel ordre mondial, selon Trump se dessine de plus en plus clairement. Il ne s'agit plus de protéger la souveraineté des petites nations ni de faire respecter le droit international. Désormais, le monde est divisé en trois blocs de puissance: les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Ces derniers dictent les règles, et les plus petits doivent obéir.
La puissance des grandes nations s'accompagne d'une exploitation à peine dissimulée. L'Ukraine doit céder une partie importante de ses ressources naturelles si elle ne veut pas être totalement dévorée par Poutine. De la même manière, Trump semble prêt à appliquer cette logique à Taïwan.
Ce n'est pas seulement l'ordre mondial qui se façonne selon une logique mafieuse, mais aussi l'organisation interne des Etats-Unis, qui semble s’inspirer du modèle russe. La journaliste renommée Susan Glasser le résume dans le New Yorker sous un titre évocateur:
Et elle sait de quoi elle parle. Ancienne correspondante à Moscou, elle a observé de près l’ascension de Vladimir Poutine. Ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis surprend même les faucons les plus endurcis du Kremlin. Ainsi, Dmitri Medvedev, ancien président russe de façade, a commenté sur X la déclaration de Trump qualifiant Zelensky de dictateur en ces termes:
"A Dictator without Elections, Zelenskyy better move fast or he is not going to have a Country left." If you'd told me just three months ago that these were the words of the US president, I would have laughed out loud. @realDonaldTrump is 200 percent right. Bankrupt clown…
— Dmitry Medvedev (@MedvedevRussiaE) February 19, 2025
Mais Trump aspire sans doute lui-même à être un dictateur et ne s’en cache plus. Récemment, il a même publié une image de lui affublé d’une couronne royale et a justifié ses violations répétées de la loi par une citation attribuée à Napoléon:
Elon Musk, véritable président de l’ombre, mène une purge méthodique au sein de l’administration, ciblant les fonctionnaires qu’il considère comme trop «woke». Fidèle à son style impitoyable, il assume pleinement sa vision du management. Comme le rapporte Walter Isaacson dans sa biographie, Musk affirme: «Ce n’est pas ton rôle d’être apprécié par les autres ou par ton équipe. En réalité, c’est même contre-productif.»
Trump et les idéologues MAGA (Make America Great Again) prétendent que les qualifications ne devraient plus reposer sur la diversité, l'égalité et l'inclusion (DEI), mais sur les performances professionnelles. Cependant, en pratique, cela se traduit par le licenciement de personnes compétentes au profit de ceux qui sont entièrement loyaux, mais souvent moins qualifiés.
Un exemple typique est la récente purge au Pentagone. L'ancien commandant en chef, Charles Brown, a été licencié pour avoir soi-disant mis en œuvre une politique de DEI. Brown est un général quatre étoiles hautement décoré, dont les compétences n'ont jamais été remises en question. Il doit être remplacé par un général trois étoiles moins connu et un admirateur de Trump.
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est le fait que Trump a licencié tous les généraux précédents chargés de veiller au respect de la Constitution. Dans le New York Times, Frank Kendall, l'ancien chef de l'Armée de l'Air, exprime son horreur.
Avec la poutinisation de l'Amérique, les valeurs jusque-là en vigueur sont renversées. A l'instar de l'admiration d'Elon Musk et de JD Vance pour l'AfD allemande. Ironiquement, ce sont justement les populistes de droite qui ont inscrit l'anti-américanisme sur leur bannière.
Alice Weidel, députée allemande, a encore récemment déclaré dans une interview accordée à l'American Conservative que les Allemands étaient les «esclaves» des Américains et que leur pays était «une colonie». Son co-président Timo Chrupalla a, quant à lui, déploré que l'Europe soit «obligée de représenter les intérêts américains». A l'extrême droite, chez les Daniele Ganser et Jürgen Elsässer, l'anti-américanisme est encore bien plus extrême.
La poutinisation de l'Amérique s'accompagne d'une brutalisation de la société qui rappelle les années folles des années 1920. Dans son roman The Great Gatsby, Scott Fitzgerald décrit le comportement de ses deux protagonistes comme suit:
Traduit et adapté par Noëline Flippe