«Trump ressemble à un zombie de Walking Dead.» Le 29 juillet 2022, un vétéran de l'armée américaine tombe sur une photo du milliardaire totalement désarmé. Sans maquillage, ni auto-bronzant, Donald Trump, 76 ans, tapait la balle sur son green de Bedminster.
La semaine dernière, en marge de la publication de son mugshot judiciaire, c'est son poids qui refait une entrée fracassante dans le gras du débat. Trump jure alors aux autorités qu'il ne pèse «que» 98 kilos pour 1m90. Il n'a pas été pesé pour, dit-on, optimiser la procédure. Internet se moquera pendant quelques jours d'un mensonge aussi gros qu'il est censé être.
Malgré un régime balisé par la sauce Big Mac, le candidat républicain porte une attention particulière à son apparence et, plus encore, à son apparente santé physique et mentale. Dernièrement, sur X, ses soutiens s'époumonaient devant son agilité à ramasser une balle de golf sans avoir à se baisser.
C'est politique.
Ce mercredi, Mitch McConnell, patron des républicains au Sénat, s'est de nouveau figé en pleine conférence de presse, incapable d'ouvrir la bouche, de prononcer la moindre syllabe. Branle-bas de combat dans son entourage. Sur la séquence, on aperçoit une collaboratrice, en panique, se ruer à son oreille pour tenter de le réveiller, comme on donnerait un petit coup contre un distributeur de barres chocolatées qui refuse de livrer un Snickers.
Ironie du sort, la question portait sur ses projets de réélection.
Look, I don’t especially enjoy watching an old man suffer no matter how endlessly evil he might be, but it’s pretty clear that Mitch McConnell needs to retire.pic.twitter.com/MhgygCRizU
— Jo (@JoJoFromJerz) August 30, 2023
Certes, contrairement à la fois précédente (un petit mois plus tôt), il n'a pas été nécessaire de l'escorter loin des caméras. Un mars est c'est reparti. Mais pour combien de temps? Mitch McConnell a le même âge que le président des Etats-Unis. Et Joe Biden est tout aussi généreux en gaffes, chutes, trous de mémoire, sorties loufoques et signaux alarmants.
Un autre exemple qui dit tout l'embarra de la foule politique américaine. La doyenne du Sénat s'appelle Dianne Feinstein. L'honorable démocrate a 90 ans tout rond. Cette grande dame de la politique californienne ne se déplace qu'en chaise roulante, depuis une récente mauvaise chute. Le visage à moitié paralysé par un zona, elle n'est désormais plus capable de voter ou de s'exprimer sans l'aide d'un entourage constamment sur le qui-vive.
Car les bourdes sont aussi fréquentes que dramatiques. La plus retentissante concerne une question qu'elle n'avait pas elle-même rédigée, adressée à l'ancien patron de Twitter Jack Dorsey et répétée deux fois avec la même intonation. Comme un robot mal boulonné ou un disque rayé.
Immense malaise dans l'assemblée.
Une autre anecdote concerne son zona, qui l'a éloignée du Capitole pendant trois longs mois cette année. Une fois (quasi) sur pied, Slate US a pu s'entretenir quelques minutes avec elle. En amorce de la discussion, lorsque le journaliste s'est enquis des réactions qu'a suscité son retour dans l'hémicycle, Dianne Feinstein s'est soudain braquée: «Ce n'est pas vrai. Vous devriez suivre le… enfin le... Je... Je... Je ne suis pas partie. J'ai travaillé, j'ai voté. A chaque fois, tous les jours».
Or, le 14 février, pour marquer la convalescence de l'élue, le président Biden, un ami de longue date, s'est fendu d'un communiqué officiel pour la couvrir de lauriers et lui souhaiter un bon rétablissement.
Enfin, le 27 juillet dernier, quand il a fallu voter les crédits du Sénat, c'est sa voisine démocrate, Patty Murray, qui a dû prendre le taureau par les cornes: «Dites simplement oui».
Pour ne rien arranger, la nonagénaire est actuellement embourbée dans une guerre d'héritage liée à son défunt mari, où ses propres enfants lui mènent la vie dure en instrumentalisant ses faiblesses de discernement pour amadouer les arbitres juridiques.
Dianne Feinstein a beau avoir atteint sa neuvième décennie, le record historique n'est toujours pas battu. En 2003, le sénateur républicain Strom Thurmond a attendu son centième anniversaire pour consentir à démissionner de ses fonctions. Il mourra une année plus tard. «Disons que pendant les dix dernières années de sa vie, Strom ne savait plus s’il était à pied ou à cheval», osera glisser, dix-sept ans plus tard à un journaliste du magazine New Yorker, l'un de ses plus proches collaborateurs.
Au Sénat, la moyenne d'âge culmine à 64,3 ans. Dans l'hémicycle, on trouve cinq octogénaires (dont le républicain Chuck Grassley, 89 ans), 29 sénateurs qui ont fêté leurs septante printemps, 21 ayant atteint les 78 printemps. En 2016, Donald Trump trônait déjà au sommet des présidents les plus âgés au moment de leur élection. Entre la Maison-Blanche et la maison de retraite, il existe un débat qui embarrasse tout le monde, mais qui ne fait que commencer.
Bien sûr, dans le cadre des élections présidentielles de 2024, l'âge est une arme politique, que Trump braque quotidiennement sur le front plissé de son adversaire démocrate. L'idée étant de prouver que Joe Biden n'a plus les capacités nécessaires pour diriger la plus grande puissance mondiale.
Le hic, c'est qu'il n'a peut-être pas tort. Du moins, pas totalement. Cette obstination politique à prouver qu'on pète le feu est nourrie de toute part. Si l'ancienneté reste aujourd'hui un gage de sérieux et d'expérience, il suffit d'une absence ou d'un mot de travers pour être considéré comme un être sénile, indigne d'honorer la fonction. Mais c'est quoi le Migros data? 70, 80, 90 ans? Biden subit chaque année un examen de santé et on le dit «apte au travail». Jusqu'à quand?
A chaque fois qu'un élu d'un certain âge se prend le pied dans sa propre vigueur, les appels à la démission pleuvent. Jeudi, le député démocrate Dean Phillips a critiqué la famille du pauvre Mitch McConnell, arguant qu'il s'agit d'une sorte de «maltraitance».
Les politiciens cités dans cet article ont à chaque fois été réélus. Comme autant de vieux sages à qui on peut sans crainte confier la bonne marche du pays. Au Sénat, la visite médicale n'est pas obligatoire.
S'il faut avoir 35 ans pour briguer la fonction suprême et 30 pour devenir sénateur, la loi américaine ne pousse aucun politique à s'occuper de son potager. Alors que l'espérance de vie a littéralement explosé depuis la naissance de la Constitution, les dédales du Capitole sont aujourd'hui encombrés d'élus aux CV prestigieux, mais dont les bourdes successives ternissent chaque jour un peu plus leur carrière.
Quitter la tête haute ou s'accrocher au pouvoir? Peut-on gouverner quand on peine à comprendre ce qu'on nous demande? Comment diriger les républicains lorsqu'on se fige durant trente interminables minutes face aux journalistes? Joe Biden pense-t-il vraiment à son peuple, en voulant rempiler jusqu'à l'âge 86 ans? Surtout: à qui revient la responsabilité de tirer ou de faire tirer la prise?
2024 sera décidément une année décisive.