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Dylan Mulvaney, la femme dont l'extrême droite veut la mort

NEW YORK, NEW YORK - FEBRUARY 10: Dylan Mulvaney wears pink tailored sleeveless silk skirt, bag, heeled sandals outside Kate Spade during New York Fashion Week on February 10, 2023 in New York City. ( ...
Dylan Mulvaney, habillée par Kate Spade, dans les rues de New York, lors de la dernière Fashion Week.Getty Images North America

Elle s'appelle Dylan Mulvaney et l'extrême droite veut sa mort

Cette jeune star conseille Joe Biden, défile à la Fashion Week et influence des millions des gamins. Pourtant, l'alt-right américaine et plusieurs ténors du Congrès en font des cauchemars, au point de fragiliser le porte-monnaie de plusieurs marques prestigieuses, de Nike à Maybelline. Pourquoi? Parce qu'elle n'a pas toujours été une fille et se serait appropriée la «bière des vrais mâles». Enfin, il paraît.
07.05.2023, 16:2907.05.2023, 18:02
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Dylan Mulvaney est une jeune femme de son époque. Obnubilée par son image, soucieuse des avis de ses congénères et scotchée à son téléphone portable. Cette Américaine aurait pu n'être qu'une poussière de plus dans le 15 minutes of fame popularisé par Andy Warhol. Sauf qu'elle est venue au monde dans le mauvais corps. S'il est né 29 décembre 1996 à San Diego, elle est née le 12 mars 2022 sur TikTok.

Et ça change tout. Pas seulement ce que l'on peut avoir dans le slip et notamment la taille de son porte-monnaie, de ses angoisses ou de ses ennemis.

Cette personnalité trans concentre désormais un tel pouvoir d'influence sur la nouvelle génération que les marques les plus imposantes se sont empressées de marier leur budget marketing à sa cause. En vrac, citons Aritzia, Kitchen Aid, Ole Henriksen, mais surtout Nike, Maybelline et Bud Light. Trois tyrannosaures du patrimoine américain qui, aujourd'hui, se mordent sans doute les doigts d'avoir voulu aller plus vite que l'esprit de leurs clients les plus fidèles.

Prenons la bière Bud Light. En moins de deux mois, son chiffre d'affaires a maigri de 20% et des cadres ont été priés de prendre des vacances prolongées. En cause, une vaste opération de sape orchestrée bruyamment par l'extrême droite américaine, furax de voir sa bibine patriotique dans la main d'une «influenceuse transgenre qui nuit aux valeurs du pays». Soit.

Une star, fan de Trump, défonce des canettes de bière Bud Light:

Vidéo: twitter

Une transphobie décomplexée qui s'est étendue au géant du cosmétique Maybelline cette semaine. Et Nike alors? Engagée en avril pour dessiner un nouveau soutien-gorge de sport féminin, Dylan Mulvaney a drainé avec elle un énième torrent de boycott.

L'argent du beurre

Le hic, c'est que ces frondes organisées ne sont pas seulement le fruit de la colère crue d'une poignée de commentateurs avinés. Des ténors de la politique et des stars du sport en ont fait leur piñata. Et ça tape fort. Trop. Jusqu'à Ron DeSantis, le quasi-candidat à la présidentielle. Occupé à chercher des poux sur la tête progressiste de Mickey, le rival républicain de Donald Trump a affirmé ne plus boire de Budweiser, «parce que ces entreprises woke veulent changer les valeurs des Américains». Pour rappel, la maison mère de cette pisse light a financé une partie de la campagne républicaine aux midterms. Oups.

Contre Nike, c'est l'ex-nageuse olympique Sharron Davies qui grogne. Selon la Britannique, «Dylan, peu athlétique, se moque des sportives d'élite en faisant des vidéos dans lesquelles elle décrédibilise les efforts physiques et les sacrifices des championnes». Pour situer le personnage, Sharron milite âprement pour l'exclusion des athlètes transgenres dans les compétitions féminines.

«C'est tellement frustrant, quand on sait que seulement 1% du sponsoring est destiné à de vraies femmes dans le monde du sport. Que Nike fasse ça, c'est comme un coup de pied dans les dents»
Sharron Davies, ex-nageuse olympique britannique.

On le sait, et notamment avec la poussée purulente du green-washing, le marketing a une fâcheuse tendance à prendre tout le monde de vitesse. Y compris ceux qui consolident le chiffre d'affaires. S'associer à une célèbre et dynamique influenceuse transgenre, c'est une bonne chose. Pour sûr qu'Alissa Heinerscheid, gardienne de la réputation de Bud Light, voulait bien faire en décrottant l'ADN de son employeur. Mais ça peut aussi froisser une frange encore dodue de fidèles, parfois moins encline à bouleverser ses principes moraux en deux gorgées de bière.

En cela, Dylan Mulvaney est en passe d'incarner, involontairement et non sans balafres de toutes sortes, ce qu'on appelle bêtement un moment charnière dans l'évolution de la société. Joe Biden l'a bien compris. En octobre 2022, le président des Etats-Unis a accueilli la star de TikTok à la Maison Blanche pour causer droits des personnes transgenres.

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Pourquoi elle?

Pour Dylan Mulvaney, les emmerdes ont enflé quasiment au même rythme que sa poitrine, son vivier de fans et son compte en banque. Plus précisément le 12 mars 2022, au moment de raconter sa métamorphose physique sur son compte TikTok. Au coup de scalpel et à la douleur près. Nom de code de l'opération? Days of Girlhood.

Et c'est peu dire qu'elle a sacrément morflé.

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capture d'écran instagram

Son papa, c'est Cookie Man

Dylan a documenté sa transition sur le même ton que d'autres choisissent de narrer leur problème de poids, leurs vacances à Dubaï, leurs nouveaux abdos, leur bas de laine en crypto ou leur garde-robe. Un journal intime visuel qui, à mesure de son succès, s'est mué en un business aussi scintillant et lucratif qu'une Céline Dion à Vegas. Forcément, ça fait des jaloux. Surtout dans le camp des masculinistes un peu buté.

Les fines fleurs du marketing digital évaluent désormais ses gains à un peu moins de deux millions de dollars par an. Pas mal pour un garçon qui, dans une autre vie, s'efforçait de maintenir à flot un papa en guerre contre la drogue et l'alcool.

La première vidéo de Dylan, pour l'opération Days of Girlhood, diffusée le 12 mars 2022.
La première vidéo de Dylan, pour l'opération Days of Girlhood, diffusée le 12 mars 2022.capture d'écran Tiktok

On raconte que Dylan n'était encore qu'un poupon en Pampers quand James Mulvaney a définitivement rangé la bouteille et la cuillère dans le garage. Comme au moment d'écraser son premier paquet de clope, il faut souvent se dégoter un hobby palliatif, une béquille heureuse ou simplement une nouvelle énergie (si on est sur LinkedIn).

James, lui, a très vite fourré ses narines dans la farine et ses doigts dans le cacao. En quelques petites années, daddy est ainsi passé du rocker débraillé à Cookie Man. Et c'est le fiston qui a permis au paternel de devenir cette micro célébrité de la pépite de choc, sous le soleil gourmand de San Diego.

«Il fabrique 500 cookies par semaine et il n'en a jamais vendu un seul. Mon papa les donne simplement à des inconnus au hasard dans la rue ou sur la plage»
Dylan, fier du paternel, 2020.
Des photos publiées sur TikTok...
Des photos publiées sur TikTok...capture d'écran
A l'occasion de la Fête des pères, en 2020.
A l'occasion de la Fête des pères, en 2020.capture d'écran

Dans le ventre de Dylan, la métamorphose couve depuis l'âge de 4 ans. C'est elle qui l'affirme dès qu'elle en a désormais l'occasion. Eduquée dans une famille chrétienne pratiquante, c'est par peur de maman Donna qu'elle a tardé à devenir une femme. Avant le billard, les douleurs, le fric, le chic et les emmerdes, elle s'est donc contentée d'exister en étant ouvertement gay et naturellement gaie. Parce que la star a suffisamment de joie de vivre en stock pour mettre au chômage un paquet de coachs en développement personnel.

La solitude à millions

Une qualité qui lui permet sans doute de tenir tête aux abrutis qui ne souhaitent ni plus ni moins que sa mort, mais aussi à quelques «traitresses». On le dit pourtant assez: ne jamais ignorer les ennemis de son propre camp. Un temps, une fraction du mouvement LGBTQI+ voyait en Dylan ce type opportuniste, assouvissant ses fantasmes chelous en se fringuant en teenage girl.

Plus récemment, c'est une consœur transgenre qui a hurlé plus fort que les autres. Appelons Kelly Cadigan à la barre. Influenceuse de son état, cette Américaine a choisi de se faire opérer à l'âge de 15 ans. Aujourd'hui, ce n'est pas tant que Kelly regrette, mais elle déconseille sèchement aux filles de marcher sur ses pas, puisque c'est (à juste titre) une «décision médicale irréversible».

Un propos qui peut tenir la route, d'ailleurs partagé par des psychologues ou des structures de soutiens aux adolescents qui n'ont rien de Proud Boys hystériques, mais le débat suscite pas mal de remous. Problème, Kelly a choisi de faire la maline et de s'en prendre à Dylan sans ménagement. Mardi soir, elle est allée jusqu'à commettre une vidéo parodique, se moquant ouvertement de son célèbre Days of Girlhood.

Si Madame se dit désormais conservatrice, elle transpire surtout l'aigreur ordinaire de celle qu'on ne convie pas à la Fashion Week de New York.

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Si les saillies transphobes de la droite américaine sont si endurantes, c'est bien parce que Dylan Mulvaney fait rêver les kids et les griffes de luxe. A parcourir les milliards de commentaires qui fleurissent sous ses vidéos, c'est son courage qu'on porte à bout de bras, bien plus que sa décision de passer sur le billard.

Une sorte de Kim Kardashian du monde d'après, à la fois futile et solide sur ses chevilles, sans Kanye, mais avec des projets de business bien rangés sous la haine. Un bémol la ramène cruellement à la solitude aride, réservée aux célébrités qui divisent: elle n'a encore jamais été embrassée en tant que femme. On n'a jamais dit que 12 millions de followers pouvaient remplacer les yeux doux d'un crush.

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