Disney vs DeSantis, c'est un désenchantement qui dure depuis plus d'un an. Un véritable spectacle national dont les protagonistes sont le potentiel rival de Donald Trump aux élections (il ne s'est pas encore déclaré, mais cela ne saurait tarder, selon Politico) et l'un des plus grands pourvoyeurs d'impôts et d'emplois des Etats-Unis. Une lutte de pouvoir et des coups bas sans fin pour s'approprier le contrôle du parc d'attractions le plus rentable du pays.
Game of Thrones, à côté, c'est du pipeau.
Le prochain acte de ce drame floridien se tiendra sur la scène d'un tribunal fédéral. Après avoir «épuisé tous les efforts pour trouver une solution», Disney World n'a «pas le choix»: elle vient d'intenter une action en justice contre le gouverneur de Floride, Ron DeSantis.
La fin d'un conte de fées et de cinquante ans de relations enchantées entre le géant du divertissement et les gouverneurs successifs.
Mais alors, pourquoi ça grippe entre le royaume magique et la coqueluche des républicains de Floride?
Notre histoire commence au printemps dernier, lorsque Ron DeSantis, éminent représentant de l'alt-right américaine et anti-«woke» autoproclamé, lance son projet de loi controversée «Don't say gay» («Ne dites pas gay»). L'acte, aujourd’hui promulgué, interdit aux enseignants d'aborder la question de l'identité de genre et l'orientation sexuelle à l'école primaire.
Pressé par des employés et des militants LQBTIQ+, Disney se positionne contre la législation. Il l'ignore encore, mais le merveilleux royaume de Mickey vient de se faire un ennemi potentiellement mortel. Ron DeSantis, qui le rebaptise déjà du délicat sobriquet «Woke Disney», veut montrer de quel bois il se chauffe. Et qui commande.
Dès lors, le belliqueux gouverneur et son armée de législateurs rivalisent d'ingéniosité pour saper le contrôle de Disney, avec une vaste palette de mesures hostiles.
En février, Ron DeSantis porte le coup de grâce au plus gros contribuable de son Etat: un projet de loi qui met fin à son privilège de plus d'un demi-siècle de pouvoir gérer elle-même son parc d'attractions.
Et comme la vengeance est un plat qui se gobe aussi facilement un pudding au chocolat, Ron DeSantis nomme également un nouveau conseil d'administration trié sur le volet, principalement composé de donateurs de sa propre campagne et de figures du Parti républicain de Floride à sa botte.
Disney, de son côté, est déterminé à ne pas laisser cet énergumène marcher sur ses 10 000 hectares de platebandes. Avant même que les membres du nouveau conseil ne posent leurs postérieurs dans les fauteuils, la firme conclut un accord de dernière minute qui lui permet de poursuivre l'expansion de son immense complexe hôtelier.
Vous pensiez bien que DeSantis n'allait s'arrêter là. La semaine dernière, le républicain le plus hargneux de Floride annonce son intention de soumettre Disney à de nouvelles réglementations en matière d'inspection des manèges.
Ce qui va définitivement mettre le feu aux poudres est un vote du nouveau conseil d'administration: l'annulation des accords de dernière minute censés préserver un tant soit peu l'autonomie de Disney. Pour la compagnie, c'en est trop. Quelques minutes après l'annonce du vote, elle dépose plainte.
Menée par son «mammouth» de directeur, Bob Iger, l'entreprise floridienne s'apprête à dégainer l'artillerie lourde. Outre «un dossier extrêmement solide», la société s'est dotée de la crème des avocats et d'une «équipe juridique extrêmement impressionnante» - dont le ténor du barreau de Los Angeles, Maître Daniel Petrocelli, qui a compté Donald Trump parmi ses célèbres clients.
Pas de quoi impressionner le président du nouveau conseil d'administration, Martin Garcia. «Disney a choisi le combat avec ce conseil d'administration. Ce qu'ils ont créé est un gâchis juridique absolu», s'est-il agacé auprès du Wall Street Journal.
Au tribunal, Disney ne souhaite rien de moins que faire annuler les deux lois promulguées par DeSantis en février dernier et récupérer la main sur son parc d'attractions.
Il y a plus d'un an, lorsqu'il menace pour la première fois Disney de la priver des pouvoirs magiques, Ron DeSantis ne s'imagine sans doute pas qu'il se retrouvera bientôt empêtré dans un interminable conflit, qui le conduira jusqu'aux tribunaux.
Son acharnement lui vaut désormais des critiques au sein de son propre camp. Sous couvert d'anonymat, certains républicains ne mâchent pas leur rogne contre ce qui ressemble de plus en plus à une «vendetta personnelle», note le Wall Street Journal. D'autant que son obsession du géant du divertissement fait au second plan des problèmes plus urgents, à commencer par la crise du logement ou l'explosion des prix des primes d'assurance.
Du pain béni pour ses rivaux présidentiels potentiels. «Tout cela est tellement inutile», se régale Donald Trump sur son réseau Truth Social la semaine dernière. Quant à Nikki Haley, candidate républicaine à la présidence déjà annoncée et ex-gouverneure de Caroline du Sud, elle a suggéré mercredi que Disney déménage dans son propre Etat, où le complexe «serait le bienvenu».