Mardi soir, Donald Trump s’est lancé dans une aventure inédite depuis le début de son second mandat: manger dans un (vrai) restaurant. Histoire de prouver que la très décriée répression fédérale a porté ses fruits dans la capitale américaine, c’est encerclé par les caméras qu’il a relié la Maison-Blanche et le restaurant Joe's Seafood Prime Steak & Stone Crab.
Bon, pas de quoi fanfaronner non plus, puisque le trajet ne représente que 482 petits mètres. Juste de quoi se pavaner devant ses groupies et se faire rudoyer par ses détracteurs.
Ce qui ne l’a pas empêché d’y aller en voiture.
Donald Trump n’a jamais vraiment raffolé des restaurants, surtout lorsqu’ils ne lui appartiennent pas. Enfin... les vrais. Là où l’on s’assied tranquillement avant de commander et où le burger-frites n’est pas la star du menu. Mais avant de profiter de son repas, le milliardaire en a profité pour cribler les journalistes de gasconnades dont il a le secret.
Ce qui, pour Trump, devait se traduire par une mise en scène victorieuse, c’est pourtant transformé en guet-apens. Impopulaire à Washington, le président a été accueilli par des militants anti-Trump et pro-Palestine, bien décidés à le faire avaler le plat de résistance de travers.
A peine arrivée, la petite délégation composée du vice-président JD Vance, du ministre de la Défense Pete Hegseth, du secrétaire d'Etat Marco Rubio et de la porte-parole Karoline Leavitt a été stoppée dans son élan par une volée d’insultes. Sans surprise, la plus amère fut réservée au patron.
Donald Trump a sans doute choisi ce restaurant plutôt qu’un autre à cause de sa proximité géographique avec le Bureau ovale. Mais ce bistro de Washington charrie une histoire exceptionnelle. Car s’il a pu accueillir une petite grappe du pouvoir américain actuel, mardi soir, c’est uniquement parce qu’un certain Joe Weiss, en 1913, a eu la bonne idée de lancer le tout premier restaurant de l’histoire de... Miami Beach.
Joe’s Diner, ouvert avec son épouse Jenny, va très vite devenir Joe’s Stone Crab, lorsque ce couple d’immigrants juifs hongrois décide de tout miser sur une spécialité culinaire qui, au début du moins, dégoûtait les Américains: le crabe de pierre de Floride et, plus précisément, ses pinces.
Aujourd’hui, 112 ans plus tard, l’un des plus mythiques restaurants indépendants des Etats-Unis génère plus de 50 millions de chiffre d’affaires, influence tout le marché du crabe de pierre de Floride et fait vivre la quasi-totalité des pêcheurs spécialisés du Sunshine State. Une pêche qui n’est d’ailleurs autorisée que du 15 octobre au 1er mai.
De quoi attirer les stars, de générer parfois des files d’attente de plusieurs heures et de nouer leurs imposants bavoirs autour du cou de la plupart des présidents américains, au fil des mandats.
Le client le plus fidèle? Un certain Al Capone, planqué sous le pseudonyme Al Brown. Alors qu’il s’était payé une baraque à Miami Beach, dans les années 1920, pour échapper à ses propres crimes commis à Chicago, le célèbre «Scarface» venait manger chez Joe’s Stone Crab tous les jours, à 17 heures tapantes, pour éviter de croiser les premiers clients une demi-heure plus tard.
Si Joe’s Crab Stone a su attirer autant de célébrités au fil des années, c’est apparemment grâce au fils du patron, qui héritera plus tard de cette petite mine d’or.
Selon une ancienne figure du Tout-Miami, Jesse était un «vaurien, un coureur de jupons au centuple, un joueur acharné. Mais tous ceux qui entraient chez Joe's voulaient le voir. Il connaissait tout le monde: stars de cinéma, journalistes, politiciens, sportifs, gangsters», nous narre le site internet du restaurant, entre mythe entretenu et réalité invérifiable.
Une chose est sûre, Donald Trump y a déjà trainé ses papilles. S’il est difficile de retrouver une archive visuelle de sa présence au 11 de l’avenue Washington, à Miami Beach, le patron actuel et arrière-petit-fils du fondateur, Stephen Sawitz, assurait en 2024 que...
S’il est désormais possible de déguster cette étrange spécialité de Floride à Las Vegas, Chicago et, comme le président des Etats-Unis mardi soir, à Washington, c’est parce que les propriétaires se sont rapprochés, en 1999, d’un géant de la restauration, pour propager leur savoir-faire. Résultat, plusieurs franchises ont été ouvertes sous le nom de Joe's Seafood Prime Steak & Stone Crab.
Enfin, et pour tout vous dire, watson avait évidemment prévu de dépenser 84,95 dollars pour s’envoyer trois grosses pinces de crabe de pierre de Floride, en septembre dernier et au beau milieu d’un reportage autour de la campagne présidentielle américaine. Hélas, à l’époque, Joe’s Stone Crab n’avait pas encore rouvert ses portes.
On se rattrapera dans deux mois, promis.