Vendredi 14 octobre 2022, 19e arrondissement de Paris, un quartier animé et commerçant de la capitale, apprécié des familles. Au 119 de la rue Manin, immeuble aux façades grises «bien tenu, dans un quartier plutôt bobo», le gardien et son épouse sont inquiets: leur fille Lola, douze ans, n'est toujours pas rentrée.
Il est 15h20 et la collégienne devrait déjà être sortie des cours. Son collège, Georges-Brassens, se trouve tout près. Le vendredi, la petite famille originaire du Pas-de-Calais a pour coutume de prendre la direction de Béthune pour le week-end.
Ses parents, «des gens chouettes et attachants» très appréciés des habitants du quartier, se lancent à sa recherche. Peut-être Lola s'est-elle attardée dehors pour jouer avec des copines. Pour s'en assurer, le père traverse le trottoir jusqu'au foyer d'aide à l'enfance, juste en face, où Lola a plusieurs amies. Les éducateurs présents sur place confient leur impuissance.
Pas de trace de Lola, personne ne l'a vue.
Paniquée, sa mère prend la direction du commissariat du 19e arrondissement, situé à cinq minutes. Une plainte pour «disparition inquiétante» est déposée. La brigade de protection des mineurs est saisie. Pendant que la police ratisse la zone et met à contribution ses chiens pisteurs, le gardien du 119 Rue Manin consulte la vidéosurveillance du bâtiment.
Lola est bien rentrée chez elle, cet après-midi-là, à 15h15. Les images le prouvent. Troublantes.
Cette jeune femme de 24 ans s'appelle Dahbia B. Sans domicile fixe, sans emploi, sans antécédent judiciaire. Entrée légalement en France en 2016 avec un titre de séjour d'étudiant, elle avait été interpellée dans un aéroport français le 21 août pour défaut de titre de séjour.
«Manifestement dérangée» selon les gens du coin, elle n'aurait toutefois pas de «fragilité psychologique», selon ses avocats. Plusieurs habitants affirment l'avoir croisée l'après-midi dans le quartier, trimballant une lourde malle en plastique.
Les heures passent, Lola reste introuvable, les recherches vaines.
Il est 23h20 ce vendredi soir, lorsqu'un SDF est intrigué par une valise en plastique, dans la cour intérieure de l'immeuble. Il y découvre, recroquevillé, enroulé dans une couverture, le corps sans vie de Lola. Son cou présente des plaies importantes, sa peau est striée d'inscriptions. Sur ses pieds, les chiffres «1» et «0» inscrits en rouge.
A 2 heures du matin, la brigade criminelle récupère l'affaire.
A l'aube, la nouvelle tombe à l'heure du premier café sur les journalistes parisiens et habitants éberlués de la Rue Manin. Reclus dans leur appartement, les parents de Lola n'ont pas dormi. L'autopsie a révélé que leur fille est morte d'une «défaillance cardio-respiratoire avec manifestation asphyxique et signe de compression cervicale».
Pendant ce temps, au terme des recherches qui ont duré toute la nuit, six personnes sont placées en garde à vue dès 6 heures du matin:
Les deux hommes sont relâchés samedi après-midi, sans qu'aucune charge ne soit retenue. Suivis de la sœur et d'un des hommes, dont la garde-à-vue prend fin dans la nuit de dimanche à lundi, peu après 1 heure du matin, d'après une source proche de l'enquête à BFMTV.
Lundi 17 octobre au matin, le parquet de Paris annonce officiellement l'ouverture d'une information judiciaire pour «meurtre sur mineure de moins de quinze ans en lien avec un viol commis avec actes de torture et de barbarie».
Mise en examen, la principale suspecte, Dahbia B., oscille «entre reconnaissance et contestation des faits». Au cours de son interrogatoire, la jeune femme se livre dans un premier temps à des aveux jugés «détaillés et circonstanciés».
Dans un second temps, Dahbia B. se rétracte.
Plusieurs éléments la mettent en cause. A commencer par les images de vidéosurveillance de l’immeuble, sur lesquelles on la voit manipuler la malle en plastique dans laquelle Lola a été retrouvée. Son état de santé mental reste sujet à interrogations. Dans l’attente des futures expertises psychiatriques, Dahbia B. reste considérée comme étant en pleine possession de ses moyens.
Le mobile du crime reste également inexpliqué. Lundi, les enquêteurs évoquent au Parisien une dispute entre la principale suspecte et les parents de Lola, qui auraient refusé de fournir à Dahbia B. un badge d’accès au bâtiment. Si la police n'exclut pas la piste de la vengeance, elle n'écarte pas non plus l’hypothèse d’un acte gratuit ou en lien avec le profil psychologique de la suspecte.
Sollicité, son avocat, Alexandre Silva, a démenti toute rumeur relative à un trafic d'organes ou à un rituel sur des enfants.
Aux côtés de la jeune femme sur le banc des suspects: son ami, âgé d'une quarantaine d'années, soupçonné de l'avoir aidée à déplacer le corps de Lola.
Au collège Georges-Brassens, sous les yeux inquiets de leurs parents, les élèves ont repris le chemin de l'école. Visages fermés et bouquets sous le bras, entassés à l'entrée de l'établissement. Plusieurs cellules de soutien ont été mises en place pour les élèves et le personnel. Une minute de silence a été observée dans la matinée.
Dans le 19e arrondissement, où une cellule psychologique a également été proposée pour les habitants du quartier, «l'émotion est à son comble», selon François Dagnaud. Le maire a tenu à rassurer les familles: «Ce qui est important, c’est que la principale suspecte, a priori, soit interpellée».
Sur les réseaux sociaux, les réactions s'accumulent à la vitesse des fleurs déposées sur les marches du n°119. Un terreau fertile sur lequel plusieurs élus d'extrême droite ont choisi de planter leur colère, sous forme de tweets et de publications ulcérées.
Nous apprenons à l’instant, par TF1, que l’acte de barbarie commis contre Lola a été perpétré par une femme algérienne en situation irrégulière.
— Jordan Bardella (@J_Bardella) October 17, 2022
La responsabilité de l’Etat, donc celle du gouvernement, est désormais engagée.
Trois jours après le drame, une seule certitude: la disparition de la petite Lola n'a pas fini de remuer la France.