C’est un communiqué qui avait fait polémique, le mot est faible. Le 7 octobre à Paris, bien loin du massacre perpétré le matin même dans le Sud d’Israël, le groupe de La France insoumise (LFI) à l'Assemblée nationale avait publié sur X un texte qui commençait ainsi:
Cette présentation des événements allait faire exploser la Nupes, la coalition des forces de gauche à la Chambre basse. En cause, ces mots: «L'offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas…» La tuerie était qualifiée d’«offensive armée» et ses exécutants de «forces palestiniennes». L’action du Hamas pouvait être comprise comme une opération légitime.
L’emploi de ces termes vaut aujourd’hui à Mathilde Panot, la cheffe du groupe des Insoumis, une convocation à la police pour être entendue dans le cadre d’une enquête pour «apologie du terrorisme».
Selon le quotidien Libération, il est fort probable que cette convocation soit la conséquence d’une plainte déposée, contre Mathilde Panot, dès novembre 2023, par l’Organisation juive européenne (OJE), une association d’avocats.
A moins de deux mois des élections européennes du 9 juin, les annonces de convocation visant des élus, membres ou proches de La France insoumise, s’enchaînent. «C’est la première fois dans toute l’histoire de la Cinquième République qu’une présidente d’un groupe d’opposition à l’Assemblée nationale est convoquée pour un motif aussi grave», dénonce pour sa part Mathilde Panot, sur X. Cette convocation est une «instrumentalisation grave de la justice visant à bâillonner des expressions politiques».
J’ai reçu ce jour une convocation pour être entendue dans le cadre d’une enquête pour « apologie du terrorisme ».
— Mathilde Panot (@MathildePanot) April 23, 2024
Nous ne nous tairons pas. Aucune convocation, aucune intimidation de quelque nature que ce soit ne nous empêchera de protester contre le génocide en cours contre le… pic.twitter.com/E3RCNJZOzx
Le 19 avril, c’est Rima Hassan, l’«égérie palestinienne» de la campagne LFI pour les européennes, qui apprenait sa convocation au commissariat pour «apologie publique d’un acte de terrorisme, commise au moyen d’un service de communication au public en ligne». C’est peut-être lié à sa réponse laconique faite au média Le Crayon, qui lui demandait le 29 novembre si «le Hamas mène une action légitime». Ne devant répondre que par «vrai» ou «faux» à une série de questions, elle avait répondu «vrai» à celle-là.
Joint par watson, l'avocat Gilles-William Goldnadel, qui indique être engagé dans la procédure visant Rima Hassan sans être membre de l'OJE, livre ses «pronostics»:
Toujours selon Libération, des dizaines de plaintes ont été déposées pour «apologie du terrorisme» ou motifs approchants. L’une a abouti à la condamnation à huit mois de prison avec sursis de l’ancien joueur de l’OGC Nice, Youcef Atal, pour avoir relayé une vidéo appelant à «un jour noir pour les juifs» après le 7 Octobre. Décision dont il a fait appel.
Des étudiants de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHSS), sise à Paris, font également l’objet de plaintes pour apologie de terrorisme. Cela fait suite à un communiqué envoyé aux membres de l’EHESS et rédigé, là aussi, dans la foulée de l’attaque du 7 octobre. «Le ton employé était virulent et détestable dans la forme», se souvient un membre de la haute école, joint par watson.
Ces convocations tombent au moment où LFI rencontre des obstacles dans sa campagne qui lui font crier à la censure. Le chef historique du parti, Jean-Luc Mélenchon, n’a pas hésité à comparer la période actuelle avec celle du régime de Vichy sous l’occupation nazie. Dernièrement, des meetings LFI qui devaient avoir lieu dans des salles de la métropole lilloise ont été interdits, respectivement par le recteur de l’université de Lille et par le préfet du département du Nord – Jean-Luc Mélenchon a finalement pu s’exprimer sur une place de la ville.
Ce qui prend l’apparence d’une offensive anti-mélenchoniste sera-t-il au moins favorable à LFI en termes électoraux? Pour l’heure, le parti affiche de faibles scores dans les études d’opinion. Un sondage paru ce 23 avril dans le journal Les Echos le crédite de 7% des voix seulement, à égalité avec les écologistes, contre 13% à la liste socialiste emmenée par Raphaël Glucksmann, son principal concurrent à gauche.