«Si la prochaine élection présidentielle en France avait lieu dimanche prochain, pourriez-vous voter pour chacune des personnalités suivantes?» L’institut Harris Interactive, mandaté par le journal L’Opinion, a pioché dans le vivier des célébrités françaises pour connaître non pas les intentions de vote, mais le «potentiel électoral». Des politiciens, mais pas que.
Dans le lot, on retrouve des chefs d’entreprise, des animateurs télé, des chanteurs, des acteurs et des influenceurs. C’est ainsi que...
Qu’est-ce que ça nous dit concrètement? Déjà, que l’institut Harris Interactive aurait très bien pu ignorer Francis Lalanne et rajouter Thomas Pesquet dans ce sondage dévoilé lundi. Mais si ces personnalités rivalisent parfois avec des élus rompus à l’exercice de la chose politique, c’est aussi parce qu’ils ont fait, parfois involontairement, irruption dans le débat sur la prochaine présidentielle française.
Et, à ce petit jeu, Cyril Hanouna et le PDG des magasins Leclerc sont aux antipodes. Alors que le premier souffle constamment le chaud et le froid, Michel-Edouard semble ne plus «constamment penser» à faire de la politique en se «rasant» le matin, comme il le prétendait en 2024.
Cette récente étude nous confirme en tout cas deux choses: la France, à l’instar d’une bonne partie du monde, met l’extrême droite et la droite en tête, et Donald Trump n’est pas étranger au désordre politique qui touche nos voisins, à deux ans de l’élection présidentielle.
L’actuel chef d’Etat américain a beau secouer la planète, armé de ses taxes douanières hystériques, sa réélection en novembre dernier oblige les formations politiques à se positionner en conséquence. Que l’on goûte ou non les manières du milliardaire de Mar-a-Lago, personne ne pourra simplement l’ignorer et se construire un itinéraire en marge.
Si Marine Le Pen, condamnée notamment à l’inéligibilité, est comparée à une fureur à la Donald Trump par le New York Times, d’autres, comme Laurent Wauquiez, semblent sous le charme de ses gesticulations rigoristes. La semaine dernière, le député des Républicains a affirmé vouloir «envoyer les étrangers sous obligation de quitter le territoire français sur l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon», comme le rappelle Le Monde.
Mais cette influence d’outre-Atlantique est sans doute beaucoup plus sournoise qu’une série d’ersatz décomplexés par la puissance et le rejet des institutions affichés par un Donald Trump plus chaotique que jamais. Surtout en France (et plus généralement en Europe) où Donald Trump, aujourd’hui, fait peur à la population.
Le Rassemblement national l’a d’ailleurs bien compris, puisque ses huiles se montrent discrètes (voire très empruntées) face au récent et bruyant soutien du milliardaire à Marine Le Pen, qui serait victime, comme lui, d’une «chasse aux sorcières».
A l’inverse, son statut de premier président des Etats-Unis élu sans expérience politique ou militaire a lentement conforté certains citoyens déçus par le sérail qu’un autre type de chef d’Etat est envisageable. Et pas seulement les sympathisants d’un populisme cathodique qui donne aujourd’hui des ailes à Cyril Hanouna.
Dans l’étude de l’institut Harris Interactive, des personnalités comme Tony Estanguet, président du comité d'organisation de Paris 2024, volent la vedette à un certain nombre de politiciens de carrière. Ses qualités? Populaire, rassembleur, diplomate, compétent et synonyme de grand bol d’air frais, malgré les anicroches qui ont accompagné sa mission olympique.
L’important ici n’est pas de savoir si ces nouvelles têtes issues de la société civile seront en route pour 2027, mais de réaliser qu’elles n’ont plus rien de folklorique. Alors qu’Emmanuel Macron est régulièrement accusé de diriger la France comme une entreprise du CAC40, Xavier Niel ou Michel-Edouard Leclerc trottent dans l’esprit des Français.
Notons d’ailleurs que le premier élu de gauche, Raphaël Glucksmann (PS), n’est classé que septième dans ce classement, à quatre petits points du patron de la grande distribution. Et que Jordan Bardella fait la course en tête malgré une inexpérience politique qui lui est souvent reprochée.
Plus surprenant, dans cette instabilité économico-diplomatique mondiale instaurée par Donald Trump, Emmanuel Macron apparaît comme celui qui s’en tire le mieux. Pourtant condamné à trimballer son impopularité franco-française jusqu’à son terme, le locataire de l’Elysée reprend sa respiration depuis que le monde étouffe.
C’est d’ailleurs le même mécanisme qui, ces dernières semaines, dépoussière quelques vieux briscards. Celui qui a déjà connu les hautes sphères, négocié avec le reste du monde et acquis une expérience géopolitique majeure semble apaiser certains électeurs. Dominique de Villepin, 71 ans, l’a bien compris. L’ex-premier ministre de Jacques Chirac déneige son itinéraire vers 2027 à grands coups de mots à la fois graves, chaleureux et rassurants, alors que les médias parisiens s’agglutinent pour cueillir sa verve télégénique.
Comme le décrit très bien Le Temps, son «ultra-gaullisme international, romantique et expressif» séduit jusqu’à la gauche, notamment depuis sa charge plutôt inédite contre le gouvernement israélien et son analyse grandiloquente et bien synchronisée de l’Amérique de Trump.
Le locataire de la Maison-Blanche, avec tout ce qu’il incarne, va créer de grandes opportunités jusqu’en 2027. Profiter du chaos américain pour le hisser à l’Elysée ou redoubler d’efforts pour le tenir à l’écart des institutions et de la démocratie. Des défis internationaux qui occultent, du moins provisoirement, une économie française en mauvaise posture.
Dans Le Monde, Solenn de Royer pense d’ailleurs que, «malgré lui, Trump invite à nous confronter à deux questions qui tendaient à s’effacer: qui sommes-nous? où voulons-nous aller?» Si Cyril Hanouna ne va sans doute pas succéder Macron en 2027, le prochain président de la République sera, d’une manière ou d’une autre, élu grâce à Donald Trump.