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Pourquoi les juges ont été intraitables avec Marine Le Pen

French far-right leader Marine Le Pen leaves the National Rally headquarters after a French court convicted Marine Le Pen of embezzlement and barred her from seeking public office for five years, Mond ...
Marine Le Pen, 31 mars 2025. Paris.Image: AP

Pourquoi les juges ont été intraitables avec Marine Le Pen

Les motivations du jugement prononcé lundi contre Marine Le Pen permettent de comprendre les raisons qui ont conduit à une peine d'inéligibilité immédiate. Le Rassemblement national prépare sa contre-offensive.
01.04.2025, 12:0101.04.2025, 12:45
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L’exécution «provisoire», autrement dit, immédiate, de la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen n’était pas automatique. Les juges du tribunal correctionnel de Paris auraient pu choisir d'inclure la peine d’inéligibilité dans la procédure d’appel valant pour ses autres condamnations, soit deux ans de prison ferme sous bracelet électronique et 100 000 euros d’amendes. Ils en ont décidé autrement.

Les juges visés par des «menaces préoccupantes»

Avant d'examiner les motivations des juges, rappelons que les condamnations prononcées lundi sanctionnent un système de détournement de fonds publics mis en place par le Rassemblement national (autrefois Front national) sur une période allant de 2004 à 2016, de 2011 à 2016 s’agissant de la période où Marine Le Pen était présidente du parti. La somme détournée au cours de cette dernière période se monte à 4,1 millions d’euros, ce, via les émoluments des assistants parlementaires RN au Parlement européen.

A présent, les motivations du jugement. Le tribunal correctionnel de Paris a «pris en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public, en l’espèce le fait que soit candidate à l’élection présidentielle une personne déjà condamnée en première instance», a justifié la présidente, visée avec ses collègues par des «menaces préoccupantes» depuis leur jugement rendu contre la dirigeante du RN.

Déni, impunité

Les juges invoquent le risque de récidive dans la mesure où ils estiment que les accusés, à commencer par Marine Le Pen, ont été dans le déni des faits qui leur étaient reprochés, revendiquant une forme d’impunité face à des actes délictueux. Ce que les juges mettent ici en cause, c’est la stratégie de défense du RN lors de ce procès, alors que les actes en question étaient clairement établis. Le député Jean-Philippe Tanguy, l’un des cadres du RN, a vivement réagi à ce reproche des juges, estimant que ce n’est pas à la justice de dicter la stratégie de défense d’un accusé.

Quant au «trouble majeur à l’ordre public», il concerne donc la condamnation en première instance d’une personne potentiellement candidate à l’élection présidentielle. Les juges ont estimé que ce cas de figure, en l’absence d’une condamnation confirmée ou infirmée en appel, était de nature à troubler l’ordre public. Ce serait en effet une première en France qu’une personne concoure, voire accède à la magistrature suprême alors qu’elle est frappée d’une condamnation en cours.

Prévenir un cas de figure inédit

En décidant d’une exécution immédiate de la peine d’inéligibilité, les juges ont voulu prévenir ce cas de figure, anticipant sur les procédures en cascade que sont l’appel, puis le recours en cassation, perçues comme des manœuvres dilatoires, qui permettraient théoriquement à Marine Le Pen de se présenter au scrutin suprême de 2027 avec une condamnation en première instance, mais présumée innocente dans l’attente d’un procès en appel. Qui ne pourrait avoir lieu qu’au terme de son ou ses mandats de présidente de la République si elle était élue à ce poste.

L’affaire est délicate. Elle oppose si l’on veut bien deux principes: celui de l’égalité des citoyens devant la justice et celui de la souveraineté populaire. C’est pourquoi des voix plaident pour que le procès en appel – Marine Le Pen a recouru contre sa condamnation – ait lieu dans des délais rapprochés, sachant les lenteurs de la justice.

Un procès en appel dans des délais rapprochés?

L’institution judiciaire pourrait ainsi programmer un procès en appel aux alentours de la fin de l’année déjà ou au début de l'année prochaine, de manière à ne pas donner l’impression de s’immiscer dans le processus électoral, ce qui permettrait à Marine Le Pen d’entrevoir la possibilité d’une candidature à la présidentielle de 2017.

Lors de ce procès en appel, les juges pourraient confirmer la condamnation à de la prison sous bracelet électronique et à une amende, mais ramener la peine d'inéligibilité, obligatoire en cas de culpabilité reconnue, de cinq ans à un an, par exemple. Ce qui autoriserait Marine Le Pen à se présenter à la présidentielle de 2027, le peuple étant appelé à trancher in fine.

«Le système a sorti la bombe nucléaire»

Sonné, le Rassemblement national, qui ne s'attendait visiblement pas à ce que sa candidate soit privée de présidentielle, organise la contre-offensive politique et médiatique en prenant l'opinion à témoin. Marine Le Pen a affirmé mardi que «le système a sorti la bombe nucléaire». Jordan Bardella appelle à une riposte «pacifique». On peut s’attendre à des manifestations de la part des soutiens de Marine Le Pen. Un tract est prêt:

«Sauvons la démocratie. Soutenons Marine!»
Un tract du RN
Tract du RN.
Tract du RN.

Bayrou: «La France est le seul pays où on fait ça»

Le premier ministre François Bayrou aurait critiqué la peine d’inéligibilité infligée à la cheffe naturelle du RN. «La France est le seul pays où on fait ça», aurait-il dit lors d’un petit-déjeuner ce mardi 1er avril. François Bayrou, sous la menace constante d’une motion de censure, sait qu’il doit de demeurer en place au Rassemblement national notamment.

De son côté, Marine Le Pen n’a a priori pas intérêt à une dissolution de l’Assemblée nationale, qui ne pourrait intervenir au plus tôt qu’en juin. La peine d’inéligibilité qui la frappe ne vaut pas pour son actuel mandat de député, qui peut courir jusqu’à son terme. Mais en cas de dissolution, elle ne pourrait pas se représenter.

Le retour des astronautes Butch Wilmore et Suni Williams
Video: watson
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