«Et là, huit hommes sont arrivés, tous cagoulés. Ils me violent et m'injurient. Moi, j’avais mal et je tentais de repousser mes agresseurs. Je pensais que j’allais vivre ma dernière heure». Jessica est l'une des trois victimes qui témoignent dans le Monde. Le journal a eu accès aux témoignages du dossier Jacquie et Michel, le plus grand site pornographique français. Les récits ont été publiés lundi 27 juin et reviennent sur les sévices subis par plusieurs femmes. Michel Piron, le propriétaire de la plateforme, a été récemment mis en examen pour complicité de viol et traite d'êtres humains en bande organisée.
L'avocat du groupe Ares, qui détient le site web, précise dans les colonnes du journal:
La première victime est appelée Corinne. Elle tombe dans le piège de Jacquie et Michel en 2012. Divorcée et mère de deux enfants, elle s'inscrit à l'époque sur le site de rencontre Badoo. Elle discute alors avec un militaire qui dit s'appeler Bastien et être originaire de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Elle tombe amoureuse et tourne rapidement une première vidéo pornographique avec son nouveau compagnon.
Le Monde explique que le rôle de Bastien dans ce type de réseau est connu: les policiers le qualifient de «lover boy». C’est le recruteur qui séduit des femmes fragiles affectivement et leur fait accepter la prostitution ou les tournages pornographiques comme une preuve d’amour.
Le piège va alors vite se refermer sur Corinne. Le 18 mai 2013, toujours selon le journal, elle a rendez-vous à Paris avec son petit-ami qui lui promet «une surprise». Sur le quai de la gare de Montparnasse, Michel Piron l'attend avec Rick Angel, ancien conseiller technique au ministère de l’intérieur de l’époque de Michèle Alliot-Marie, devenu producteur de porno. Ils se rendent dans un hôtel et la jeune femme se retrouve entourée d'hommes nus en érection. Bastien ne viendra jamais. Ils vont lui infliger des pénétrations anales et vaginales, la fouetter et lui éjaculer ensemble sur le visage en lui demandant de dire la phrase «culte» suivante: «Merci Jacquie et Michel».
La vidéo est diffusée le 24 mai 2013. Les clients de l'entreprise dans laquelle elle travaille la reconnaissent. Elle est en instance de divorce et va perdre la garde permanente de ses enfants.
Deux autres récits sont présentés dans l'article. Celui de Jessica, qui rencontre Dorian, l'un des réalisateurs désormais en détention provisoire, après avoir répondu à une annonce sur internet. A l'époque, elle venait de perdre son travail et n'avait plus rien. Elle accepte donc de tourner un film pornographique pour beaucoup d'argent, dans lequel l'anonymat est garanti.
Durant le premier tournage, les scènes sont réalisées sous la contrainte, et la sodomie et le nombre de partenaires sont forcés. La situation de Jessica va ensuite fortement se détériorer. Elle sera en effet sollicitée pour réaliser des vidéos de plus en plus violentes. Elle mettra des années à se défaire de l'emprise de Jacquie et Michel et fera une tentative de suicide.
Valérie, la troisième victime, a elle aussi mis du temps avant de déposer plainte. En 2009, elle était étudiante et avait besoin d'argent. Elle débute alors avec des photos dénudées – Jack Wood, le photographe, a été mis en examen en même temps que Michel Piron en juin 2022 – puis se fait violer par l'homme à plusieurs reprises. Le Monde explique: le «viol d’abattage», destiné à briser la psyché et la volonté de la victime, est une pratique courante permettant le proxénétisme.
Pendant des semaines, la victime est traînée par son ravisseur dans des appartements où elle subit d'autres viols, souvent filmés.
Le journal conclut en informant qu'une information judiciaire a été ouverte contre le site Jacquie et Michel et confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Paris.