Affaire Grégory: pourquoi la grand-tante est mise en examen
Soupçonnée d'être l'un des corbeaux qui a menacé la famille du petit Grégory, tué à l'âge de 4 ans il y a 41 ans, sa grand-tante Jacqueline Jacob a été mise en examen mais laissée libre, vendredi à Dijon, ont annoncé ses avocats.
Agée de 81 ans, «Jacqueline Jacob a été mise en examen pour association de malfaiteurs», a indiqué Me Stéphane Giuranna, un des trois avocats de Jacqueline Jacob, après plus d'une heure et demie d'interrogatoire à la cour d'appel de Dijon.
L'octogénaire, déjà soupçonnée en 2017, subissait vendredi sa seconde audition après 41 ans d'une enquête chaotique sur l'assassinat de Grégory Villemin, retrouvé noyé pieds et mains liés à l'âge de 4 ans, le 16 octobre 1984, dans une rivière des Vosges (est).
La grand-tante est soupçonnée d'être l'une des personnes - il y en aurait cinq selon une expertise - qui ont menacé pendant des années la famille Villemin. Elle aurait également revendiqué le crime, selon les juges enquêteurs.
Le juge d'instruction qui a interrogé la grand-tante «nous a dit qu'il n'avait pas le choix» de la mise en examen, a précisé Me Giuranna lors d'un point presse, ajoutant que la défense allait faire appel «sur la forme et sur le fond».
«Ça vaut pas tripette»
Mme Jacob ressort «sans aucune mesure de coercition ni même un contrôle judiciaire», a-t-il ajouté. «C'est donc quand même que la justice se dit qu'effectivement, ça pèse pas bien lourd et que ça vaut pas tripette», a martelé l'avocat, rappelant par exemple qu'une expertise vocale a déjà déterminé que le corbeau est «un homme âgé de 45 à 55 ans».
La famille Villemin avait reçu des dizaines de lettres et appels anonymes dans les années précédant la mort de Grégory. La réussite du jeune père du garçonnet, Jean-Marie Villemin, vite monté contremaître dans son usine et vivant dans une «belle maison», suscitait les jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée syndical CGT, l'aurait traité de «chef de mes couilles» en 1982, selon des témoins.
«La justice n'apprend pas de ses erreurs»
La grand-tante «a répondu à toutes les questions» et «n'a jamais été prise au dépourvu», a-t-il asséné. «L'audition s'est très bien passée», a assuré un autre avocat de Jacqueline Jacob, Alexandre Bouthier, estimant que «la justice n'apprend pas de ses erreurs», notamment quand Mme Jacob avait déjà été mise en examen, en 2017, alors pour «enlèvement et séquestration suivie de mort», et même emprisonnée durant quatre jours.
Cette mise en examen avait cependant été annulée en mai 2018, pour un vice de forme, dans un énième couac de cette laborieuse enquête.
Me Bouthier a qualifié de «gadget» les études de stylométrie, technique qui s'attache à analyser l'orthographe et les tournures de phrases, et qui, selon les juges enquêteurs, attribuent à Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars qui menace directement les Villemin. «Je vous ferez votre peau» (sic), y était-il écrit.
«Dans quelques mois, les experts en ADN ont prévu de dire qu'ils seraient capables de démêler les ADN mélangés» qui se trouvent notamment sur les cordelettes ayant entouré le petit Grégory, retrouvé pieds et mains liés, ainsi que la lettre de revendication, a poursuivi Me Giuranna.
Les juges «auraient pu attendre quelques mois avant de réouvrir ce dossier. Je crois qu'il faut qu'on fasse tous, vous compris d'ailleurs, et nous compris, preuves de prudence dans ce dossier», a-t-il dit. (jah/max/ats)
