Le réfugié syrien qui a poignardé six personnes dont quatre très jeunes enfants dans un parc d'Annecy a été mis en examen pour tentatives d'assassinat et rébellion avec arme. Il a été placé en détention provisoire, a indiqué samedi la procureure Line Bonnet-Mathis.
Abdalmasih H «n'a pas souhaité s'exprimer», aussi bien lors de sa garde à vue de 48 heures que devant les deux juges d'instruction chargés de l'enquête, a déclaré la procureure en conférence de presse. Elle a ajouté que le pronostic vital n'était «plus engagé» pour les victimes, précisant que la petite Britannique pourrait quitter l'hôpital «dans les prochains jours».
Les enquêteurs s'efforçaient toujours samedi de démêler les motivations du forcené malgré son mutisme.
Jeudi, la magistrate avait estimé que ses motivations semblaient dépourvues de «mobile terroriste apparent», ajoutant ne pouvoir «exclure à ce stade un acte insensé».
Depuis son interpellation, l'assaillant âgé de 31 ans n'a donné aucune explication et fait «obstruction à la garde à vue», notamment en se «roulant par terre». Il est en outre «totalement mutique», ont indiqué des sources proches de l'enquête à l'Agence France-presse (AFP).
Vendredi soir, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a commenté sur BFMTV:
Après deux expertises psychiatriques, l'état d'Abdalmasih H. a été jugé «compatible avec la garde à vue». «Le médecin psychiatre a relevé l'absence d'éléments délirants francs», a ajouté la procureure, avant de nuancer: «Il est toutefois prématuré de se prononcer sur une présence ou absence de pathologies psychiatriques à ce stade».
Abdalmasih H., qui se dit chrétien, avait obtenu fin 2013 un permis de séjour permanent après avoir reçu l'asile, ce qui lui conférait le statut de réfugié en Suède. Mais il avait plusieurs fois échoué à obtenir la nationalité suédoise depuis 2017.
Il a quitté sa femme et sa fille de 3 ans après dix ans passés en Suède, et, avant d'arriver à Annecy, était passé par l'Italie et par la Suisse.
«Je n'ai rien remarqué de déviant chez lui, il semblait être une personne normale», a déclaré à l'AFP Me Moa Englund-Flodström, son ex-avocate en Suède, qui l'a défendu brièvement dans un dossier de délit mineur. Selon le quotidien suédois Dagens Nyheter, il s'agissait d'une fraude à l'aide sociale de faible montant. En dehors de cette petite affaire, il n'était pas connu de la police ni de la justice suédoise.
Abdalmasih H. pouvait voyager librement. Il y avait déposé une demande d'asile, ce qu'il avait également fait en Suisse et en Italie. Sa demande d'asile en France avait été rejetée quatre jours seulement avant l'attaque, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin évoquant une «coïncidence troublante».
A Annecy, il était sans domicile fixe et vivait dans les parties communes d'un immeuble, a indiqué la procureure.
Au lendemain du drame, la journée de vendredi a été marquée par la visite d'Emmanuel et Brigitte Macron au chevet des victimes, avec des «nouvelles positives» sur leur état, a indiqué le chef de l'Etat. Parmi les quatre petits blessés, âgés de 22 à 36 mois, la fillette néerlandaise, hospitalisée à Genève, est «hors de danger», selon le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas.
Sur Twitter, l'ambassadeur de France en Suisse, Frédéric Journès, a remercié au nom du chef de l'Etat français l'équipe des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) qui soigne l'enfant. «Merci à nos amis #Suisse», a-t-il ajouté.
À l’heure où @EmmanuelMacron est avec les soignants et les familles, je remercie pour lui l’équipe des @Hopitaux_unige qui soigne l’enfant néerlandaise attaquée hier à #Annecy. Ma collègue @HeddaSamson est auprès de ses parents. Merci à nos amis #Suisse. pic.twitter.com/luUSo3yns4
— Frederic Journes (@FJournes) June 9, 2023
Emmanuel et Brigitte Macron ont rencontré dans la matinée le personnel soignant et les familles des trois autres enfants, hospitalisés à Grenoble. Le couple présidentiel s'est ensuite rendu à Annecy, d'abord à l'hôpital puis à la préfecture pour saluer tous ceux qui ont apporté «aide et soutien» pendant le drame qui a secoué la ville jeudi.
«Vous avez été formidables», a lancé le chef de l'Etat lors d'une cérémonie qui lui a permis de dire «sa gratitude et sa fierté» aux policiers, pompiers, soignants et aux citoyens qui ont tenté de stopper l'assaillant.
L'attaque, qui s'est produite en public et en plein jour, a profondément traumatisé Annecy, ville habituellement paisible. Choquées, des centaines de personnes ont défilé toute la journée de vendredi devant la petite aire de jeux, le lieu de l'attaque, pour se recueillir et déposer des fleurs.
Emma Cluzel, une Annécienne de 22 ans, explique ressentir «beaucoup de tristesse, de haine, de colère, d'incompréhension. Beaucoup d'émotions mélangées par rapport à ce qu'il s'est passé hier».
«On n'est pas préparé» à de tels événements, a confié de son côté Leo Ganassali, un commercial âgé de 21 ans.
Cette journée d'hommage s'est clôturée par une messe pour les victimes à la cathédrale Saint-Pierre-aux-Liens d'Annecy. Dans son homélie, Mgr Yves Le Saux a déclaré:
Parmi les participants à la messe se trouvait Henri, un jeune catholique devenu en quelques heures une célébrité pour avoir tenté de s'interposer lors de l'attaque au couteau en utilisant son sac à dos. Il a souligné:
Rencontrant vendredi après-midi le président Macron avec d'autres témoins, policiers, secouristes ou soignants, cet amoureux des cathédrales a confié lui avoir fait «une petite demande»: «Pouvoir assister à l'inauguration de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris». «Demande accordée», lui a répondu le chef de l'Etat. (sas/ats)