A Mazan, on dénonce un tourisme morbide: «Où est la maison des Pelicot?»
«Où est la maison des Pelicot?» Un an après le procès des «viols de Mazan», le malaise persiste parmi les habitants de cette commune de Provence, propulsée malgré elle sur le devant de la scène.
Et le procès en appel qui débute le 6 octobre à Nîmes braque à nouveau les projecteurs sur ce charmant bourg de 6000 habitants, situé à une trentaine de kilomètres d'Avignon.
Car c'est ici, dans un pavillon que Gisèle Pelicot, devenue une icône féministe mondiale, a été droguée aux anxiolytiques pendant une décennie par son ex-mari Dominique Pelicot, puis violée par celui-ci et des dizaines d'hommes qu'il recrutait sur internet.
Signe de l'embarras, le projet de plaque lui rendant hommage, porté par des associations et élus de l'opposition, ne s'est pas concrétisé.
«Un tourisme de curiosité», s'est développé, déplore l'élu. «Où est la maison des Pelicot?» L'indiscrète question est devenue le quotidien d'habitants las de cette situation.
«Mazan ne saurait être résumée à un procès ou à des titres sensationnalistes. Nous invitons les journalistes à cesser l'amalgame entretenu entre notre commune et cette affaire», a écrit dans un communiqué le maire (divers droite) Louis Bonnet, qui refuse désormais les interviews.
Au moment du premier procès, l'édile avait dû présenter des excuses après avoir déclaré à la télé britannique BBC: «Après tout, personne n'est mort» dans cette histoire.
Cette sortie, «je l'ai vécue un peu comme une honte», témoigne Maria Dufour, élue d'opposition.
Lors du conseil municipal suivant, «on a proposé aux élus femmes et hommes de se lever s'ils n'étaient pas d'accord avec les propos du maire. On a été que l'opposition à sortir», regrette cette mère de famille.
Signe de la fébrilité des Mazanais, sa fille, étudiante à Avignon, préfère dire qu'elle vient de Carpentras, ville voisine, de «peur d'être questionnée, d'être jugée». Elle explique:
Donner une autre image de Mazan
Joseph Barruol, historien local, s'emporte:
Ce dernier préfère qu'on s'attarde sur les joyaux de son village au pied du Mont Ventoux comme le château de la famille de Sade, devenu hôtel, ou encore l'église Saint-Nazaire-et-Saint-Celse construite au XIIe siècle dans un style «gothique méridional».
Non loin, à l'entrée du centre équestre Lucky Horse, un imposant coeur en bois porte l'inscription «Amour, Empathie (...) G.P.»
«Guillaume de Provence... ou une autre», lance d'un air espiègle Daniel Silvestre, fondateur de la ferme pédagogique qui souhaite montrer «une autre image», de sa ville, «plus humaniste».
Depuis plus d'une dizaine d'années, ce psychothérapeute accompagne des femmes victimes de violences conjugales à travers l'«équihomologie».
Lors du premier procès, il a d'ailleurs initié ici une marche blanche réunissant 500 personnes pour «saluer le courage» de Gisèle Pelicot.
«Touchée» par cette initiative, elle s'est rendue au centre équestre pour «échanger avec des femmes victimes de violences», raconte l'éleveur de chevaux.
Elle, qui avait l'habitude de se promener dans les vignes et champs d'oliviers aux alentours, fera même un don de 20 000 euros obtenus après un accord à l'amiable avec Paris Match qui avait publié des photos volées d'elle.
Et le directeur de la structure s'en réjouit:
Priscilla, 39 ans, victime d'un ex-compagnon violent, témoigne tout en caressant son équidé:
«Ici, je me suis sentie écoutée», témoigne l’auxiliaire de vie qui a repris depuis un an «le travail, une vie normale»: «On sait qu'on va être bien accueilli, qu'on ira mieux quand on va repartir. C'est un petit paradis.»
