Jamais le boulot de cette instance n'avait autant été sous le feu des projecteurs. Le Conseil constitutionnel, et ses neufs membres ont la totalité des Français sur leurs épaules, ce vendredi 14 avril. Et pour cause, leur verdict sur la réforme des retraites est attendu par tout le pays, des grévistes à Emmanuel Macron. Un épilogue? Pas forcément. Après plusieurs semaines de grandes tensions chez nos voisins, l'avis des «Sages», menés par Laurent Fabius, pourrait ne pas calmer ni la rue, ni les syndicats et encore moins les élus de gauche à l'Assemblée nationale.
La plupart des observateurs considèrent cette option comme très peu probable. Valider le texte du gouvernement dans son entier reviendrait à dire que tout est parfait, à la ligne près. Et notamment la manière avec laquelle la réforme des retraites a été menée ces derniers mois, le fameux 49.3 en tête. Un scénario impossible pour Paul Cassia, professeur de droit public, cité par BFMTV:
Si la réforme est entièrement validée par le Conseil constitutionnel, le gouvernement dispose de quinze jours pour promulguer la loi, avec une mise en route promise pour cet été déjà.
Un scénario qui ne va pas pour autant apaiser le climat en France, puisque les syndicats et la plupart des élus de la gauche ont déjà annoncé qu'il appellerait à de nouvelles mobilisations.
La voie de la raison et la plus probable. Le Conseil constitutionnel semble avoir tout intérêt à ménager la chèvre et le chou, en censurant quelques lignes du texte de loi. Et probablement celles qui naviguent en marge des questions strictement budgétaire, comme «l'index séniors», prévu pour mesurer l'emploi du troisième dans les entreprises, ou le projet de CDI séniors. On les appelle officiellement les cavaliers budgétaires.
La censure partielle ne serait pas une si mauvaise nouvelle pour l'exécutif. Pour autant que le gros de la réforme passe la rampe. Et, selon La Tribune, «l'article emblématique aux yeux du gouvernement portant sur le report de l'âge légal de 62 ans à 64 ans pourrait être conservé». Ce qui, pour le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, «ne répondra en rien à la conflictualité sociale».
Tout aussi improbable que la validation totale, le rejet en bloc de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel serait néanmoins un échec difficile à digérer pour le gouvernement d'Elisabeth Borne. Un scénario qui ne s'est matérialisé que deux petites fois dans la Ve République.
Mais c'est évidemment le rêve le plus fou de la gauche à l'Assemblée, après avoir demandé pendant de longues semaines à Emmanuel Macron de planquer sa réforme définitivement sous le tapis. Pour la plupart des députés, c'est même la seule solution pour que le climat social puisse avoir une chance de s'apaiser.
Le peuple français, comme en Suisse, pourrait donner son avis. Les parlementaires de gauche ont déposé une demande de référendum d'initiative partagée (RIP), la dernière arme pour contester la réforme du président. Objectif? Proposer une loi afin que l'âge de départ à la retraite ne puisse pas dépasser 62 ans. Et c'est aussi le Conseil constitutionnel qui doit, vendredi, s'exprimer sur cette demande. Ce dernier peut donc tout à fait valider partiellement la réforme ET le référendum.
Pour que cette option soit validée par les «Sages», la consultation proposée par la gauche doit strictement «concerner l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics qui y concourent».
Enfin, si le Conseil donne son aval, le texte devra obtenir le soutien de 10% du corps électoral, c'est-à-dire 4,8 millions de voix en neuf petits mois.
(fv)