«Responsables mais pas coupables»: quatorze ans après le crash du Rio-Paris qui a fait 228 morts le 1 juin 2009, le tribunal de Paris a relaxé lundi Airbus et Air France, tout en reconnaissant leur responsabilité civile, suscitant l'«écoeurement» des proches des victimes.
Les deux entreprises sont donc hors de cause sur le plan pénal, malgré le fait que le tribunal correctionnel de Paris ait jugé que des «imprudences» et «négligences» avaient été commises, mais «aucun lien de causalité certain» n'avait «pu être démontré».
Le tribunal a prononcé sa décision dans une salle d'audience remplie de proches des victimes, des équipes d'Air France et d'Airbus ainsi que de journalistes. A l'annonce de la relaxe, certaines parties civiles se sont levées, stupéfaites, comme pour quitter la salle, avant de se rasseoir quand la présidente a commencé à aborder le volet civil.
Sur ce plan, le tribunal a jugé que les «fautes» des entreprises avaient conduit à une «perte de chance», soit à augmenter la probabilité que l'accident arrive, déclarant Airbus et Air France «responsables civilement» des dommages.
«Il ne reste de ces 14 années d'attente que désespérance, consternation et colère» poursuit-elle.
Le conseil a néanmoins voulu retenir la «responsabilité» civile mise en lumière par le tribunal: «non, cet accident n'est pas dû à la fatalité», «oui, cet accident aurait dû être évité».
«Ca n'a pas de sens pour moi», a réagi, la voix tremblante, Ophélie Toulliou, qui a perdu son frère dans l'accident, partageant son «sentiment d'injustice» et son «incompréhension».
Air France «prend acte du jugement», selon un communiqué. «La compagnie gardera toujours en mémoire le souvenir des victimes de ce terrible accident et exprime sa plus profonde compassion à l'ensemble de leurs proches (...)»
Airbus a estimé que cette décision était «cohérente» avec le non-lieu prononcé à la fin de l'instruction en 2019. Le groupe «exprime» lui aussi sa «compassion» aux proches des victimes, et «réaffirme (son) engagement total (...) en matière de sécurité aérienne».
Les boîtes noires ont confirmé le point de départ de l'accident: le givrage des sondes de vitesse Pitot alors que l'avion volait à haute altitude dans la zone météo difficile du "Pot au noir", près de l'équateur.
Déstabilisé par les conséquences de cette panne, l'un des copilotes a adopté une trajectoire ascendante et, dans l'incompréhension, les trois pilotes n'ont pas réussi à reprendre le contrôle de l'avion, qui a décroché et heurté l'océan 4 minutes et 23 secondes plus tard.
Le constructeur de l'avion, Airbus, a bien commis «quatre imprudences ou négligences», selon le tribunal, notamment ne pas avoir fait remplacer un modèle de sondes Pitot, qui semblait geler plus souvent, sur tous les A330, compte tenu de la multiplication des incidents dans les mois précédant l'accident.
Air France a elle aussi commis des «imprudences fautives», a poursuivi la présidente Sylvie Daunis, liées aux modalités de diffusion d'une note de prévention sur le gel des sondes, adressée à ses pilotes. Cependant, "il doit être démontré que sans" ces fautes, «le décès des victimes ne se serait pas produit», ce qui n'est pas «certain», a estimé le tribunal.
Le 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris s'était abîmé en pleine nuit dans l'Atlantique, quelques heures après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d'équipage.
A bord de l'A330 immatriculé F-GZCP se trouvaient des personnes de 33 nationalités, dont 72 Français et 58 Brésiliens.
Les premiers débris de l'AF447 et des corps avaient été retrouvés dans les jours suivant le crash. Mais l'épave n'avait été localisée que deux ans plus tard, après de longues recherches, à 3'900 mètres de profondeur. (ats/cru)