Le drame pour lequel Pierre Palmade est mis en examen en a réveillé un autre, atroce, a priori sans aucun rapport: l’assassinat de Sarah Halimi. Le 4 avril 2017 à Paris, Sarah Halimi, une juive âgée de 65 ans, était rouée de coups dans son appartement, puis défenestrée par un jeune homme musulman de 27 ans, Kobili Traoré. Au terme d’une longue et intense bataille d’experts, la justice française concluait à l’irresponsabilité pénale de l’assassin, tout en reconnaissant le motif antisémite de son crime. Il n’y aurait pas de procès, l’individu était contraint à un internement thérapeutique.
Kobili Traoré avait été pris d’une «bouffée délirante aiguë», amplifiée par la prise de cannabis, dont il était un consommateur régulier. Cela avait conduit à l’abolition de son discernement au moment des faits, estimait la justice dans un arrêté. En l’espèce, la consommation de cannabis pouvait passer pour une circonstance atténuante en termes de responsabilité pénale. D'où l'incompréhension des parties civiles.
Une femme de confession juive se souvient:
«J'étais étonnée qu’on n’ait pas considéré comme facteur pénal aggravant la prise de cannabis par l’assassin de Mme Halimi, alors que dans l’affaire Palmade, la consommation de stupéfiant a tout de suite été tenue pour circonstance aggravante et sans doute à raison», poursuit notre interlocutrice.
Comme elle, ils ont été nombreux sur les réseaux sociaux à juxtaposer les deux affaires, généralement pour s’indigner, rétrospectivement et sur le seul fondement de ce qui précède, d'un «deux poids, deux mesures» à l'avantage de Kobili Traoré.
L’avocat de la famille de Sarah Halimi, Gilles Goldnadel, souvent invité des plateaux de Pascal Praud sur CNews, avait vu en quelque sorte le coup venir, comme il le confie à watson:
Et Me Goldnadel de poursuivre:
Les deux cas, cependant, diffèrent. En quoi? L’avocate française Orly Rezlan précise les choses. «Pierre Palmade, explique-t-elle, est mis en cause pour un délit dit involontaire: il n’a pas voulu tuer ou porter atteinte à l’intégrité physique de quelqu’un. Seulement, il semble avoir provoqué un accident qui a causé des dommages. En la matière, la faute d’imprudence ou d’inattention est aggravée par l’usage de stupéfiants et/ou d’alcool. Ce sont des circonstances aggravantes de la peine pour les infractions d’homicide involontaire.»
A présent, le cas de Kobili Traoré, toujours selon Me Rezlan: «Dans l’affaire Halimi, il s’agit d’un homicide volontaire. Seulement, comme pour toute infraction, la question de la responsabilité pénale de l’auteur se pose lorsqu’il est atteint de troubles mentaux. Le cannabis a pu aggraver un état, mais n’est pas responsable de la bouffée délirante et du trouble psychotique. Le cannabis n’a pas été une cause d’irresponsabilité pénale. » Sinon, comprend-on, tous les tueurs ayant consommé de la drogue ou de l’alcool seraient déclarés pénalement irresponsables.
Me Rezlan reprend:
Me Goldnadel considère de son côté que la justice, dans l'affaire Sarah Halimi, a pris en considération la consommation de cannabis pour déclarer Kobili Traoré irresponsable.
Estimant avoir affaire à un vide juridique, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a fait adopter une réforme sur l’irresponsabilité à la suite de l'affaire Sarah Halimi. Depuis décembre 2021, «il n’y a plus d’irresponsabilité si l’abolition temporaire du discernement résulte de la consommation proche et volontaire de psychotropes dans le but même de commettre une infraction. Cette exception a vocation à s’appliquer par exemple à des terroristes qui se drogueraient juste avant leur passage à l’acte».
Cette circonstance – «dans le but même de commettre une infraction» – ne s’applique probablement pas au cas de Pierre Palmade. Comme le suggère une avocate genevoise s’exprimant à titre anonyme, «on ne voit pas pourquoi la défense de Pierre Palmade, le jour venu, ne ferait pas valoir un état d’accoutumance à des stupéfiants préexistant à l’accident, dans le but d’atténuer sa responsabilité au moment des faits et pour obtenir une peine moins lourde que celle encourue».