International
France

Un gouvernement de coalition: «seule solution pour la France»

Le NFP reçu vendredi matin à l'Elysée par Emmanuel Macron. A gauche, Marine Tondelier (les Verts), à droite, Lucie Castets, candidate du NFP pour le poste de premier ministre. Paris, 23 août 2024.
Le NFP reçu vendredi matin à l'Elysée par Emmanuel Macron. A gauche, Marine Tondelier (les Verts), à droite, Lucie Castets, candidate du NFP pour le poste de premier ministre. Paris, 23 août 2024.image: keystone/montage

«Un gouvernement de gauche serait très vite renversé en France»

De vendredi à lundi, Emmanuel Macron consulte les partis en vue de la formation d'un gouvernement. L'analyse implacable du politologue suisse Pascal Sciarini, qui se fonde sur des exemples européens.
23.08.2024, 11:5423.08.2024, 16:23
Plus de «International»

Emmanuel Macron a ouvert ce vendredi le bal des consultations en vue de la formation d'un gouvernement. Les représentants du Nouveau Front populaire (NFP) ont été les premiers reçus à l’Elysée, dans la matinée. Le Rassemblement national (RN) fermera la marche lundi matin. En procédant de la sorte, le président de la République se place au centre du jeu. Après tout, il est celui qui, en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale contre toute attente, a placé la France dans une impasse démocratique. A lui d’agir pour qu’elle en sorte. Mais comment?

La seule solution, pour espérer qu'un gouvernement tienne dans la durée, est la formation d’une coalition. «Aucun des trois camps représentés à l’Assemblée nationale – la gauche NFP, le bloc central macroniste, l’extrême droite RN – ne peut prétendre gouverner seul», observe le politologue Pascal Sciarini, professeur à l’Université de Genève.

«Il n’y a pas d’issue hors gouvernement de coalition»
Pascal Sciarini, professeur à l'Uni de Genève

Le NFP (insoumis, socialistes, écologistes et communistes) estime qu’il lui revient de gouverner «sur son programme». Depuis un mois, il fait le forcing pour que Lucie Castets soit nommée à l’Hôtel de Matignon, siège du premier ministre. Son argument? Les Français ont placé le NFP en tête à l’Assemblée nationale. Formellement, oui. Avec 193 sièges sur un total de 577, la coalition de gauche pointe à la première place.

Mais il faut être d’une parfaite mauvaise foi pour considérer que le NFP pourrait gouverner seul, qui plus est «sur son programme» (à gauche toute, comme il l’assume). Pascal Sciarini l'assure:

«Un tel gouvernement serait probablement très vite renversé par une motion de censure»
Pascal Sciarini, professeur à l'Uni de Genève

Le NFP sait qu'il ne tiendrait pas longtemps. Pourtant, il persiste. Pourquoi? Explications du politologue genevois:

«Le NFP se comporte comme dans un système majoritaire de type Ve République: le parti vainqueur gouverne. Sauf qu’on n’est plus du tout dans cette configuration avec la nouvelle Assemblée nationale, celle issue des législatives anticipées du mois juin. On se situe à présent en France dans une configuration de système proportionnel, même si c’est bien un système majoritaire qui a produit cela, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Le NFP ne peut donc pas se prévaloir de sa maigre avance pour gouverner.»
Pascal Sciarini, professeur à l'Uni de Genève

Mais, aux législatives de 2022, la coalition macroniste non plus n’était pas majoritaire à l’Assemblée nationale, et pourtant, c'est elle qui a gouverné, fait valoir le NFP. Réponse de Pascal Sciarini:

«Oui, mais en 2022, la coalition macroniste avait 250 sièges, elle était à 39 sièges de la majorité absolue et savait pouvoir compter sur des soutiens ponctuels à droite comme à gauche. Là, avec 193 sièges seulement pour le NFP, c’est mission impossible.»
Pascal Sciarini, professeur à l'Uni de Genève

«La coalition est la règle en Europe»

Pour le professeur de l’Université de Genève, le NFP devrait donc accepter de composer avec d’autres forces s’il entend réellement gouverner. «En Europe, dans tous les pays ayant un système parlementaire, la situation de facto en France, dès lors qu’aucun parti n’est majoritaire, on travaille d’abord à la formation d’une coalition, qui débouche ensuite sur un gouvernement. C’est le cas en Allemagne ou en Suède, par exemple.»

Il y a une exception, note le politologue: «Le Danemark, où le gouvernement peut être minoritaire. C’est le cas de celui en place actuellement, mais il sait pouvoir compter sur des soutiens pour gouverner.» Au Danemark, la gauche sociale-démocrate au pouvoir ne pourrait probablement pas gouverner si son programme sur l’immigration n’était pas aussi restrictif.

En France, le NFP pourrait bien, à la rigueur, prétendre gouverner seul, mais il faudrait pour cela qu’il puisse compter sur un allié de l’ombre. Le RN, bien sûr, qui, théoriquement, sur des questions sociales, est proche du NFP. Le politologue français Bruno Cautrès constate à ce sujet:

«La cheffe du groupe France insoumise à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, n’est pas claire: elle est prête à prendre les voix du RN, mais elle rejette tout accord avec ce dernier»
Bruno Cautrès, politologue

La seule chance, pour Lucie Castet, d’être nommée première ministre, mais c’est très hypothétique, serait qu’elle accepte le principe d’une coalition sans LFI, les insoumis ayant par ailleurs averti qu’ils rejetteraient tout gouvernement de coalition. On en revient à l’un des enjeux, pour Emmanuel Macron et pour d’autres, de la séquence actuelle: marginaliser La France insoumise. Au parlement, c’est jouable, dans la société, ce n’est pas gagné.

A la rencontre des chiens détecteurs de cancer
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
3 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
3
Pourquoi les juges ont été intraitables avec Marine Le Pen
Les motivations du jugement prononcé lundi contre Marine Le Pen permettent de comprendre les raisons qui ont conduit à une peine d'inéligibilité immédiate. Le Rassemblement national prépare sa contre-offensive.

L’exécution «provisoire», autrement dit, immédiate, de la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen n’était pas automatique. Les juges du tribunal correctionnel de Paris auraient pu choisir d'inclure la peine d’inéligibilité dans la procédure d’appel valant pour ses autres condamnations, soit deux ans de prison ferme sous bracelet électronique et 100 000 euros d’amendes. Ils en ont décidé autrement.

L’article