Emmanuel Macron a ouvert ce vendredi le bal des consultations en vue de la formation d'un gouvernement. Les représentants du Nouveau Front populaire (NFP) ont été les premiers reçus à l’Elysée, dans la matinée. Le Rassemblement national (RN) fermera la marche lundi matin. En procédant de la sorte, le président de la République se place au centre du jeu. Après tout, il est celui qui, en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale contre toute attente, a placé la France dans une impasse démocratique. A lui d’agir pour qu’elle en sorte. Mais comment?
La seule solution, pour espérer qu'un gouvernement tienne dans la durée, est la formation d’une coalition. «Aucun des trois camps représentés à l’Assemblée nationale – la gauche NFP, le bloc central macroniste, l’extrême droite RN – ne peut prétendre gouverner seul», observe le politologue Pascal Sciarini, professeur à l’Université de Genève.
Le NFP (insoumis, socialistes, écologistes et communistes) estime qu’il lui revient de gouverner «sur son programme». Depuis un mois, il fait le forcing pour que Lucie Castets soit nommée à l’Hôtel de Matignon, siège du premier ministre. Son argument? Les Français ont placé le NFP en tête à l’Assemblée nationale. Formellement, oui. Avec 193 sièges sur un total de 577, la coalition de gauche pointe à la première place.
Mais il faut être d’une parfaite mauvaise foi pour considérer que le NFP pourrait gouverner seul, qui plus est «sur son programme» (à gauche toute, comme il l’assume). Pascal Sciarini l'assure:
Le NFP sait qu'il ne tiendrait pas longtemps. Pourtant, il persiste. Pourquoi? Explications du politologue genevois:
Mais, aux législatives de 2022, la coalition macroniste non plus n’était pas majoritaire à l’Assemblée nationale, et pourtant, c'est elle qui a gouverné, fait valoir le NFP. Réponse de Pascal Sciarini:
Pour le professeur de l’Université de Genève, le NFP devrait donc accepter de composer avec d’autres forces s’il entend réellement gouverner. «En Europe, dans tous les pays ayant un système parlementaire, la situation de facto en France, dès lors qu’aucun parti n’est majoritaire, on travaille d’abord à la formation d’une coalition, qui débouche ensuite sur un gouvernement. C’est le cas en Allemagne ou en Suède, par exemple.»
Il y a une exception, note le politologue: «Le Danemark, où le gouvernement peut être minoritaire. C’est le cas de celui en place actuellement, mais il sait pouvoir compter sur des soutiens pour gouverner.» Au Danemark, la gauche sociale-démocrate au pouvoir ne pourrait probablement pas gouverner si son programme sur l’immigration n’était pas aussi restrictif.
En France, le NFP pourrait bien, à la rigueur, prétendre gouverner seul, mais il faudrait pour cela qu’il puisse compter sur un allié de l’ombre. Le RN, bien sûr, qui, théoriquement, sur des questions sociales, est proche du NFP. Le politologue français Bruno Cautrès constate à ce sujet:
La seule chance, pour Lucie Castet, d’être nommée première ministre, mais c’est très hypothétique, serait qu’elle accepte le principe d’une coalition sans LFI, les insoumis ayant par ailleurs averti qu’ils rejetteraient tout gouvernement de coalition. On en revient à l’un des enjeux, pour Emmanuel Macron et pour d’autres, de la séquence actuelle: marginaliser La France insoumise. Au parlement, c’est jouable, dans la société, ce n’est pas gagné.