Israël a pressé samedi les Palestiniens d'évacuer rapidement le nord de la bande de Gaza avant une nouvelle offensive militaire.
Au huitième jour de la guerre qui a déjà fait des milliers de morts, Israël a annoncé la mort de deux chefs militaires du Hamas: Mourad Abou Mourad, «responsable d'une grande partie de l'offensive meurtrière» contre Israël selon l'armée, et un «commandant de l'unité 'Nukhba'» («élite» en arabe), «qui a mené l'attaque contre les localités israéliennes proches de la bande de Gaza».
Et les frappes se poursuivent sur le territoire palestinien, d'où un barrage de roquettes a été tiré dans la matinée vers le centre d'Israël. Au sud de la bande de Gaza, dans la localité de Khan Younes, une fillette blessée est extraite des décombres, un homme tente d'éteindre un incendie sur un tas de gravats, constate un photographe de l'AFP.
L'armée avait annoncé la veille avoir aussi mené des incursions au sol dans le territoire palestinien où 5540 maisons «ont été détruites» selon l'ONU. «Ce n'est que le début» des opérations israéliennes à Gaza, a prévenu vendredi le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
L'armée israélienne a confirmé samedi avoir identifié «plus de 120 civils» retenus captifs à Gaza, parmi environ 150 otages enlevés par le Hamas qui a menacé de les exécuter. Des centaines de personnes restent portées disparues, et des corps sont toujours en cours d'identification.
Au moins 1300 Israéliens, pour la plupart des civils, ont été tués depuis l'attaque, qui a traumatisé Israël où elle est comparée aux attentats du 11 septembre 2001.
Plus de 2200 Palestiniens, la plupart des civils, dont 724 enfants, selon les autorités locales, sont morts dans la bande de Gaza, un petit territoire pauvre et en état de siège coincé entre Israël et l'Egypte. Parmi ces victimes, 324 ont été tuées entre vendredi et samedi, ont indiqué les autorités.
Selon le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël et au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, 17 otages dont des étrangers ont aussi été tués dans les frappes israéliennes.
Dans l'attente d'une offensive terrestre à laquelle Israël a dit se préparer, l'armée a appelé samedi les civils gazaouis du nord du territoire - 1.1 million de personnes sur un total de 2.4 millions d'habitants - à ne «pas tarder» à évacuer vers le sud. Il y a un «créneau de 10h00 à 16h00» samedi, a déclaré à des journalistes un porte-parole de l'armée, Richard Hecht, sans préciser de date limite.
Si l'armée israélienne s'est félicitée d'un «mouvement significatif» de personnes suivant cette injonction, elle a accusé le Hamas, qui a rejeté l'appel à l'évacuation, de tenter de bloquer les départs. Le mouvement est régulièrement accusé par Israël d'utiliser les civils comme boucliers.
Depuis vendredi, par milliers, des habitants fuient par tous les moyens, quelques biens entassés à la hâte, sur des remorques, charrettes, à moto, en voiture, à travers les rues jonchées de gravats, bordées d'immeubles en ruines.
Mais certains refusent: «l'ennemi veut nous terroriser et nous forcer à l'exil, mais on résistera», affirme l'un d'eux, Abou Azzam.
L'attaque du Hamas et la guerre qu'elle a déclenchée a créé une onde de choc sans précédent dans la région et au-delà, attisant les craintes d'une extension du conflit, et d'une catastrophe humanitaire pour les habitants de Gaza, soumis à un siège complet, privés d'approvisionnements d'eau, électricité ou nourriture, coupés par Israël.
«Même les guerres ont des règles», a rappelé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, réclamant un accès humanitaire «immédiat» à cette petite bande de terre, soumise depuis 2006 à un blocus israélien et désormais en état de siège.
Il a décrit un «système de santé au bord de l'effondrement» et des «morgues qui débordent». Le président américain Joe Biden a aussi érigé en priorité «la crise humanitaire» à Gaza.
Le président russe Vladimir Poutine a, lui, prévenu qu'un éventuel assaut terrestre entraînerait «des pertes parmi les civils absolument inacceptables».
L'évacuation des civils gazaouis demandée par Israël est «totalement impossible à mettre en oeuvre», a jugé samedi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
se lamente Juma Nasser, un quadragénaire, qui s'entasse avec des milliers d'autres déplacés dans la cour de l'hôpital Nasser, à Khan Younès.
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a assimilé un tel «déplacement» à une «deuxième Nakba» («Catastrophe», en arabe), le nom donné à la fuite de quelque 760'000 Palestiniens à la création de l'Etat d'Israël.
Poids lourd du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite, où le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken poursuit une tournée régionale, a pour sa part annoncé samedi suspendre les discussions sur une éventuelle normalisation avec Israël.
La tension est vive aussi à la frontière nord du pays, où l'armée israélienne a annoncé dans la matinée avoir tué «plusieurs terroristes» qui tentaient de s'infiltrer à partir du Liban, après avoir frappé dans la nuit une cible du Hezbollah dans le sud du Liban, en réponse à une «infiltration» aérienne et des tirs.
Un journaliste vidéo de l'agence Reuters a été tué et six autres journalistes de l'AFP, Reuters et Al-Jazeera blessés vendredi dans des bombardements dans le sud du Liban. L'armée israélienne s'est dite samedi «très désolée» de ce décès, indiquant «enquêter», sans reconnaître explicitement une responsabilité.
La colère s'exprime également dans les opinions publiques des pays de la région, où des milliers de personnes ont manifesté vendredi notamment au Liban, en Irak, Iran, Jordanie et à Bahreïn en soutien aux Palestiniens. (dal/ats)