Aux yeux de Joe Biden, les choses sont claires. L'accord sur Gaza, dévoilé mercredi après des mois de négociations, est le fruit des efforts de son administration. «Cet accord repose sur un plan que j'ai présenté en mai», a déclaré le président depuis la Maison-Blanche. Lorsqu'une journaliste lui a demandé si son successeur, Donald Trump, méritait également un certain crédit, le président démocrate sortant a répondu:
Trump, quant à lui, estime avoir brisé le blocus des négociations au Qatar. C'est uniquement grâce à sa «victoire historique» lors des élections présidentielles que les armes vont bientôt se taire à Gaza, a écrit le futur président en substance sur son site Internet.
Il est vrai que Biden et Trump ont tous deux une part de responsabilité dans l'avancée des négociations au Qatar. Bien qu'ils ne puissent pas se supporter personnellement, les deux présidents ont tiré sur la même corde ces derniers jours — notamment pour obtenir la libération des trois otages américains encore en vie, détenus depuis le 7 octobre 2023 par le Hamas.
Cette coopération a été rendue possible par la bonne entente entre deux des figures les plus influentes de l'entourage de Biden et de Trump. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité du président actuel, et Mike Waltz, qui lui succédera à partir de lundi, ont trouvé un moyen de surmonter le fossé politique entre démocrates et républicains.
Depuis novembre, Sullivan et Waltz sont en contact régulier l'un avec l'autre. Ils voulaient éviter que les Etats-Unis ne se rendent vulnérables pendant la phase de transition entre les deux présidents. Les deux responsables de la politique de sécurité échangent donc des informations sur la situation en Syrie après la chute de Bachar al-Assad ou sur la situation sécuritaire en Amérique après l'attentat terroriste de la Nouvelle-Orléans la nuit du Nouvel An.
Dans ce contexte, Sullivan, le technocrate froid, et Waltz, le parlementaire au langage acéré, semblent se faire confiance. «Je voudrais remercier Mike pour son professionnalisme», a glissé cette semaine le conseiller à la sécurité de Biden lors d'une table ronde à Washington.
C'est grâce à ce partenariat surprenant qu'un arrangement assez unique a été conclu ces quatre derniers jours au Qatar. Brett McGurk, le négociateur de l'administration Biden, n'était pas le seul à être présent lors de la phase finale des négociations sur l'accord de Gaza. Steve Witkoff, le futur envoyé spécial de Trump pour le Proche-Orient, a également participé aux discussions.
Une telle collaboration entre l'administration sortante et l'administration future n'a jamais eu lieu dans l'histoire des Etats-Unis, a précisé mercredi un collaborateur de haut rang de la Maison-Blanche. Il a également souligné que McGurk et Witkoff ont collaboré de manière parfaitement complémentaire pour aboutir à un accord.
Ainsi, c’est Witkoff qui a informé le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou du résultat des négociations. McGurk, le véritable chef de la délégation, est resté en retrait. C’était une manœuvre habile. En effet, la relation entre Netanyahou et le gouvernement Biden est tendue depuis longtemps: à Washington, on estime que le premier ministre israélien a délibérément saboté les efforts de l'ancien président pour mettre fin à la guerre de Gaza. En revanche, Netanyahou est lié à Trump par un partenariat de longue date.
Witkoff a probablement bénéficié du fait qu'il soit l'un des rares véritables amis de Trump. Israël et le Hamas savaient ainsi que l'investisseur immobilier new-yorkais avait une ligne directe avec le futur président, qui devait mettre en œuvre l'accord. Trump avait réaffirmé la semaine précédente que la Hamas «paierait cher» s'il ne consentait pas à la libération des otages avant son investiture.
Comme dans un mauvais film policier américain, Trump a joué ces derniers jours le rôle du «bad cop», tandis que Biden a incarné celui du «good cop», cherchant à permettre une percée diplomatique. On peut se demander si cela avait été planifié, mais une chose est certaine: la tactique a fonctionné.
Il est indéniable que Trump a des arguments pour revendiquer le succès des négociations à Doha. Cependant, sans la coopération de l’administration actuelle, cette démarche n’aurait pas pu aboutir. «C’est ce que font les présidents américains», a assuré Biden mercredi, soulignant sa satisfaction de pouvoir annoncer une telle réussite peu avant la fin de son mandat.
Traduit et adapté par Noëline Flippe