Trump s’acharne sur la dernière vache à lait de Poutine
Il ne serait pas très surprenant que Donald Trump fasse machine arrière d'ici vendredi. Trump a déjà menacé à plusieurs reprises de sanctionner le Kremlin, pour finalement revenir in extremis sur sa décision. Mais dernièrement, tout porte à croire que le trésor de guerre de Poutine va fondre comme peau de chagrin - et pas seulement en raison des menaces de Washington.
Le président des Etats-Unis avait lancé début juillet un ultimatum de 50 jours à la Russie pour qu'elle collabore à un accord de paix avec l'Ukraine. Après plusieurs attaques dévastatrices sur des villes ukrainiennes, Trump a raccourci le délai au 8 août. Cette fois-ci, sa menace ne vise pas directement le Kremlin, mais les principaux pays qui achètent du pétrole russe.
L'Inde en ligne de mire
Les partenaires commerciaux de la Russie s'exposent ainsi à des droits de douane de 100% s'ils continuent à faire affaire avec Moscou. Un projet de loi en ce sens existe déjà au Sénat américain. Il prévoit jusqu'à 500% pour les états qui persistent à recourir au pétrole russe. Récemment, Donald Trump a de plus en plus suivi la ligne du Sénat, et ce alors que l'on ignore pour l'heure si le paquet de sanctions soutenu par les républicains et les démocrates s'appliquera réellement à terme. Mais le milliardaire s'en prend maintenant à un partenaire de la Russie en particulier: l'Inde.
Avec 1,45 milliard d'habitants, le pays le plus peuplé de la planète représente aussi le plus gros consommateur de pétrole russe derrière la Chine: l'Inde couvre de la sorte 35% de ses besoins. Avant l'invasion de février 2022, cette part n'atteignait que 2,5%.
L'Inde a pourtant reçu le feu vert de l'Occident pour accroître ses importations: en Europe et aux Etats-Unis, on craignait des répercussions négatives sur l'économie mondiale si le pétrole russe disparaissait du marché. Le cours du baril aurait pu sérieusement s'envoler. Mais cette inquiétude semble désormais reléguée au second plan.
L’Inde se défend
La semaine dernière, Trump a menacé le gouvernement de New Delhi d'appliquer des droits de douane de 25% si le pays continuait à s'approvisionner en Russie. Le dirigeant est ensuite passé aux reproches lundi:
Ce mercredi, le président américain a mis sa menace à exécution en signant un décret ajoutant 25% de droits de douane. Et il pourrait aller plus loin, évoquant un taux de 100%.
L'Inde a rejeté les critiques américaines les qualifiant d'«injustifiées et déraisonnables». Elle a affirmé qu'elle prendrait toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts nationaux et sa sécurité économique. Mais les quatre raffineries indiennes contrôlées par l'État ont déjà cessé d'acheter du pétrole russe la semaine dernière et se sont tournées vers des sources alternatives sur le marché mondial.
Une question de survie pour Vladimir Poutine
Du point de vue du Kremlin, cette évolution suscite une certaine angoisse. Le pétrole reste le dernier grand pourvoyeur de devises pour Poutine, car les recettes provenant du gaz et du charbon ont déjà nettement diminué.
Même si l'Inde ne cède que partiellement à la pression de Washington et n'arrête pas totalement ses importations, le ministère des Finances de Moscou devrait tout de même accuser une perte de revenus. Dans ce cas, la Russie devrait alors essayer de compter davantage sur la Chine, la Turquie ou le Brésil, ses derniers véritables clients.
Si le gouvernement américain se concentre autant sur l'Inde, c'est parce qu'il estime que les menaces de sanctions contre New Delhi sont celles avec le plus grand impact. Car la Chine a rejeté les récentes demandes des États-Unis et a annoncé qu'elle continuerait à s'approvisionner auprès de la Russie. L'Inde, en revanche, est un partenaire stratégique de Washington, y compris dans sa lutte contre la puissance voisine chinoise. L'influence des Etats-Unis sur la politique indienne est donc incomparablement plus grande que sur la Chine ou la Turquie.
Antécédents favorables
Lors du premier mandat de Trump, l'Inde avait déjà cédé à la pression de Washington et avait stoppé ses importations de pétrole en provenance du Venezuela et de l'Iran. On peut donc s'attendre à ce que New Dehli se rallie une nouvelle fois à la volonté de Washington.
D'autant plus que la première dispose de moins de moyens de pression envers la seconde que la Turquie, partenaire stratégique de Washington au sein de l'Otan, ou la Chine, qui a renversé la vapeur dans le conflit commercial avec les Etats-Unis en limitant ses exportations de terres rares.
Les récentes déclarations du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov prouvent que ces nouvelles annonces ne laissent pas Moscou indifférent. Il a qualifié mardi les menaces contre l'Inde d'illégales:
Selon lui, cela est inacceptable. «Nous pensons que les pays souverains ont le droit de choisir eux-mêmes leurs partenaires», a-t-il ajouté. Voilà qui ne ressemble pas à de l'indifférence.
L'Ukraine attaque à nouveau les raffineries ennemies
Les menaces de sanctions des Etats-Unis ne sont pas le seul problème pour l'industrie pétrolière russe. Depuis fin juillet, les Ukrainiens ont repris leurs offensives sur des dépôts pétroliers et des raffineries. Les attaques de Novokuibychevsk et de Ryazan, qui comptent parmi les plus grandes de Russie, se sont avérées particulièrement lourdes de conséquences.
Selon l'agence de presse Reuters, l'opération a complètement interrompu la production de carburant à Novokuibychevsk. L'usine de Riazan ne peut donc plus fonctionner qu'à la moitié de sa capacité. En Russie, les attaques ont déjà entraîné une nette augmentation du prix de l'essence à la pompe. Cette évolution cause du tort au régime, car l'essence bon marché fait partie des rares avantages qu'il accorde à ses citoyens.
Au début de l'année 2024 déjà, des drones ukrainiens Kamikaze incendiaient presque quotidiennement les installations pétrolières ennemies. Mais en mars de l'année dernière, le gouvernement américain, alors encore sous l'ère Biden, est intervenu auprès de Kiev.
Objectif: mettre fin à ces attaques par crainte d'une flambée des prix de l'essence dans le monde entier. Une pareille situation aurait compromis les chances du démocrate de remporter l'élection de novembre 2024. Le président américain en exercice ne semble, quant à lui, pas s'en inquiéter.
Rappelons que, jusqu'à présent, la Russie a réussi à surmonter tous les défis économiques auxquels elle a été confrontée. Il reste donc à déterminer si les nouvelles sanctions et les opérations ukrainiennes auront réellement la capacité de stopper la machine de Poutine.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)