Des centaines de personnes ont évacué samedi le plus grand hôpital de Gaza où s'entassaient plus de 2000 malades, médecins et réfugiés pris piégés par la guerre entre le Hamas et Israël.
Au 43e jour de guerre, au moins 2300 patients, soignants et déplacés se trouvaient dans l'hôpital al-Chifa, un immense complexe situé dans l'ouest de la ville de Gaza, selon l'ONU, et l'inquiétude internationale va grandissante pour leur sort.
Ils sont sortis à pied de l'hôpital, selon un journaliste de l'AFP sur place, mais des responsables médicaux ont souligné que 120 patients étaient encore présents, incapables de se déplacer. Parmi eux figurent des bébés prématurés, a affirmé le ministère de la Santé du Hamas.
Ces colonnes de déplacés, de personnel médical et de patients, certains blessés et très faibles, ont pris la direction de la route Salaheddine, qui mène vers le sud de Gaza où l'armée israélienne enjoint la population de se réfugier.
Les soldats israéliens qui mènent pour le quatrième jour consécutif un raid sur l'hôpital al-Chifa avaient ordonné via haut-parleur samedi matin son évacuation «sous une heure».
L'armée israélienne, dont les chars encerclent l'hôpital, fouille «bâtiment par bâtiment» le complexe abritant, selon elle, un repaire du Hamas installé notamment dans un réseau de tunnels souterrains. Le mouvement islamiste palestinien dément catégoriquement ces allégations, accusant Israël de s'en servir comme prétexte pour cibler l'hôpital.
Des soldats interrogent également les personnes présentes à l'intérieur de l'établissement.
L'électricité a cessé d'y fonctionner il y a plusieurs jours et ses chefs de service rapportent que plusieurs dizaines de patients sont décédés:
Les bombardements de représailles sur la bande de Gaza sont incessants depuis que le Hamas a mené le 7 octobre une attaque d'une ampleur inédite sur le sol israélien qui a fait 1200 morts, en majorité des civils, et enlevé avec d'autres groupes armés environ 240 personnes, selon les autorités israéliennes.
Des pourparlers en vue de la libération des otages se tiennent via une médiation du Qatar, mais Israël refuse tout cessez-le-feu tant qu'ils n'auront pas tous été relâchés.
Les corps de deux femmes otages, dont une jeune soldate de 19 ans, ont été retrouvés cette semaine dans des bâtiments près de l'hôpital al-Chifa. L'armée a également perdu 51 soldats, morts au combat à Gaza.
Selon le ministère de la Santé du Hamas, les frappes israéliennes ont tué au moins 12'000 civils palestiniens, dont 5000 enfants.
Dans la nuit de vendredi à samedi, une frappe contre trois immeubles de Khan Younès a encore fait 26 morts et 23 blessés graves, selon le directeur de l'hôpital Nasser de cette ville du sud de la bande de Gaza.
Israël, qui a juré «d'anéantir» le Hamas, mène en parallèle aux bombardements des opérations terrestres depuis le 27 octobre. Elles se concentrent dans le nord du territoire, dans la ville de Gaza transformée en champ de ruines et autour des hôpitaux. L'armée accuse le Hamas de les utiliser comme des bases et de se servir des malades comme de «boucliers humains».
Le territoire est placé depuis le 9 octobre en état de «siège complet» par Israël, qui a coupé les livraisons de nourriture, d'eau, d'électricité et de médicaments passant par le terminal de Rafah, à la frontière avec l'Egypte dans le sud de Gaza. Selon le Hamas, 24 des 35 hôpitaux de Gaza ont cessé fonctionner.
Face aux pénuries, la population est confrontée «à un risque immédiat de famine», a averti le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.
Le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a critiqué «l'échelle de la réponse d'Israël de plus en plus injustifiable». Il a souligné que son agence était:
Selon l'ONU, plus des deux tiers des 2.4 millions d'habitants de la bande de Gaza ont été déplacés par la guerre. La plupart ont fui vers le sud en emportant le minimum et survivent dans le froid qui s'installe.
A la demande des Etats-Unis, Israël a autorisé vendredi l'entrée quotidienne de deux camions-citernes dans la bande de Gaza. Une première livraison de 17'000 litres de carburant est arrivée en soirée au terminal de Rafah afin de redémarrer les générateurs électriques des hôpitaux et des réseaux de télécommunications, selon l'autorité de la partie palestinienne du terminal.
Israël refusait jusqu'ici de laisser passer le carburant, affirmant que cela pourrait profiter aux activités militaires du Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et est classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël.
Mais ces livraisons ne représentent qu'une petite partie des quantités de carburant, soit 50 camions, qui pénétraient quotidiennement à Gaza avant le début de la guerre, selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
Selon l'Unrwa, 70% de la population n'a pas accès à l'eau potable dans le sud du territoire, où les égouts ont commencé à se déverser dans les rues, les stations d'épuration ayant cessé de fonctionner faute de carburant.
Samedi matin, des enfants palestiniens blessés ont pu quitter Gaza via Rafah pour être évacués vers des hôpitaux des Emirats arabes unis, selon des images de l'AFP.
Les tensions sont aussi vives en Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, où environ 200 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.
Cinq combattants du Fatah, mouvement du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ont été tués tôt samedi dans une très rare frappe aérienne sur le camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse, connu pour héberger de jeunes combattants des différents groupes armés, selon le Croissant-Rouge palestinien et des sources au sein du Fatah.
A Jénine, autre bastion des mouvements armés palestiniens, l'armée israélienne a annoncé vendredi avoir tué «cinq terroristes». Le Hamas a pour sa part évoqué la mort de trois de ses combattants. Et à Hébron, deux Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne, selon le ministère palestinien de la Santé. (dal/afp)