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Israël: les bergers palestiniens racontent leur calvaire

Suleiman Zawahri et Guy Hirschfeld nous racontent la réalité des bergers palestiniens depuis l'attaque du Hamas, le 7 octobre 2023.
Suleiman Zawahri et Guy Hirschfeld nous racontent la réalité des bergers palestiniens depuis l'attaque du Hamas, le 7 octobre 2023. felix wellisch

«On est chassés de partout»: les bergers palestiniens racontent leur calvaire

Depuis l'attaque du Hamas contre Israël, la violence s'est également intensifiée en Cisjordanie. Des centaines de bergers palestiniens auraient fui leurs communautés par peur des attaques de colons israéliens.
11.11.2023, 11:5111.11.2023, 17:43
Felix Wellisch, Cisjordanie / ch media
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De sa tente, Suleiman Zawahri peut tout voir: le chemin qui mène à la source dans la vallée, les contours de l'avant-poste des colons israéliens sur la crête caillouteuse de la colline et les restes du village de Raschasch, où il a vécu avec sa famille pendant 30 ans – jusqu'à il y a deux semaines.

Les cabanes en tôle ondulée et les abris pour les chèvres se trouvent à peine à deux kilomètres de là, et pourtant ils sont inaccessibles.

«Les colons lorgnent sur la région, ils ne nous laisseraient pas y retourner»
Suleiman Zawahri, chef de la communauté, âgé de 52 ans

L'homme au foulard palestinien enroulé autour de la tête semble fatigué. Raschasch comptait environ 85 habitants, raconte-t-il. Cela fait des mois que les menaces des colons se sont multipliées, mais depuis l'attaque du Hamas contre Israël début octobre, ils ont commencé à véritablement craindre pour leur vie.

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Lorsqu'ils ont appris que des colons extrémistes, accompagnés de soldats, avaient attaqué le village de Wadi As-Sik, non loin de là, et retenu et maltraité plusieurs habitants pendant des heures, les habitants de Raschasch ont pris une décision.

«Nous avons fait nos bagages et transporté secrètement, de nuit, nos troupeaux et nos cabanes ici, près du village de Duma»

Les Bédouins sont plus faciles à expulser

Les attaques de colons contre les communautés bédouines et pastorales palestiniennes se multiplient depuis des années. Il y a cinq mois, des partisans de ces groupes auraient tenté de mettre le feu à une maison à Raschasch.

«A plusieurs reprises, ils sont arrivés dans le village armés de fusils d'assaut, ont détruit des installations solaires, brisé des fenêtres ou se sont introduits dans des maisons»
Suleiman Zawahri

Depuis l'attaque du Hamas sur le sud d'Israël le 7 octobre, au moins treize communautés palestiniennes ont fui leur village, fait savoir l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem. Cela porte à près de 20 le nombre de localités abandonnées au cours des deux dernières années. D'autres localités seraient gravement menacées.

«C'est une stratégie simple», explique Guy Hirschfeld. Il est l'un des militants judéo-israéliens qui, en soutien aux Bédouins de la vallée du Jourdain, tentent de protéger les habitants par leur présence et en documentant les agressions des colons.

«Les colons extrémistes construisent délibérément des avant-postes près des villages bédouins»

Les colonies bédouines ne se composent souvent que de quelques huttes, de baraques en tôle et d'étables pour les moutons et les chèvres. «Ils sont plus faciles à expulser que les Palestiniens des villages et les colons le savent.»

Ces marginaux extrémistes ont pris le pouvoir

Guy Hirschfeld dirige son 4x4 vers la route d'Alon, qui traverse du nord au sud les collines rocailleuses entre Ramallah et Jéricho. Par la fenêtre, il pointe un ensemble de maisons au sommet d'une colline: le village de colons «Malachei Haschalom». «Le chef de cet avant-poste l'a nommé "l'ange de la paix", n'est-ce pas cynique», demande notre guide. Il ajoute que jusqu'en mai dernier, plus de 60 avant-postes de ce type ont été créés dans les environs de villages bédouins, dont la majeure partie après 2018.

Les avant-postes des colons ressemblent en de nombreux points aux communautés bédouines. Leurs habitants mènent une vie simple de bergers, poussés par l'idée religieuse que la Cisjordanie, qu'ils appellent Judea et Samaria d'après les noms bibliques, doit être peuplée de juifs. Ils ont longtemps été considérés comme des marginaux extrémistes au sein de la société israélienne. Mais depuis près d'un an, ils font partie du gouvernement.

«Avec la guerre, tout est devenu bien pire»
Guy Hirschfeld

Il n'y a presque plus de Palestiniens sur les 15 000 hectares entre Jéricho et Ramallah. Les colons profitent du fait que toute l'attention se porte actuellement sur Gaza. De plus, une grande colère contre les Palestiniens règne actuellement en Israël en raison des massacres atroces perpétrés par le Hamas.

Peu après les attaques, la plupart des quelque 200 habitants de Wadi As-Sik, à 20 minutes de route au sud de Raschasch, ont décidé d'abandonner leur maison. Les colons avaient menacé de les attaquer s'ils ne partaient pas dans les plus brefs délais.

Le village d'Ein Samiya aurait également été abandonné par crainte de la violence des colons.
Le village d'Ein Samiya aurait également été abandonné par crainte de la violence des colons.felix wellisch

Le 12 octobre, alors que dans le sud d'Israël les soldats reprenaient peu à peu le contrôle du territoire. Les derniers habitants du village faisaient leurs bagages en compagnie de plusieurs activistes judéo-israéliens.

Maltraités plusieurs heures

Ce jour-là, des militants auraient fait savoir par téléphone qu'un grand nombre de colons, dont certains cagoulés et accompagnés de l'armée, avaient débarqué dans le village.

«Ils ont capturé et séquestré cinq activistes et trois Palestiniens»
Guy Hirschfeld

Il ajoute que les Palestiniens auraient été maltraités pendant plusieurs heures. Le journal israélien Haaretz a fait état de coups, de brûlures de cigarettes et d'une tentative d'agression sexuelle contre les Palestiniens. Une photo circule en ligne de personnes déshabillées jusqu'aux sous-vêtements et ligotées, les yeux bandés.

L'armée israélienne a confirmé avoir mené une opération dans la région de Wadi As-Sik ainsi que plusieurs arrestations – et a avoué qu'elle a commis des erreurs. Elle reconnaît que le comportement des forces d'intervention était «en contradiction avec les normes attendues des soldats et des commandants». Le commandant en charge de l'opération aurait été démis de ses fonctions et une enquête a été ouverte.

Près de deux semaines après l'attaque, Abdelrahman Abu-Baschar, l'un des anciens habitants de Wadi As-Sik, attend à quelques kilomètres à l'ouest de son village. L'homme à l'épaisse moustache se tient un peu à l'écart de la route départementale, dans une oliveraie, à l'entrée du village palestinien chrétien de Taibeh. La famille de ce Bédouin de 48 ans vivait à Wadi As-Sik depuis les années 70.

Actuellement, la famille Zawahri est hébergée à Douma.
Actuellement, la famille Zawahri est hébergée à Douma.felix wellisch

Avant cela, ils avaient fui le désert du Néguev, comme de nombreux Bédouins de Cisjordanie, après la création de l'Etat d'Israël et la guerre qui s'en est suivie avec les Etats arabes voisins en 1948.

«Nous avons été chassés de partout, tantôt par les Israéliens, tantôt par d'autres Palestiniens»
Abdelrahman Abu-Baschar

Il serait volontiers resté à Wadi As-Sik. Mais en février, des colons ont construit un avant-poste juste au-dessus de la localité. Peu à peu, ils ont coupé les bergers des pâturages et des sources d'eau et volé leurs animaux. «Nous vivons de nos animaux, ce faisant, ils ne détruisent pas seulement nos troupeaux, mais aussi notre mode de vie», affirme Abu-Baschar.

Les habitants n'ont souvent pas d'autre choix que d'appeler les forces de sécurité israéliennes. Selon les accords d'Oslo conclus dans les années 1990, la Cisjordanie occupée est divisée en trois zones. Dans les zones B et C, qui représentent environ 80% du territoire, c'est Israël qui est responsable de la sécurité.

Une solution temporaire

C'est là que se trouvent la plupart des colonies considérées comme illégales par la majeure partie de la communauté internationale, et c'est là aussi que se trouvent de nombreuses communautés de bergers.

«Quand nous appelions la police, ce sont nos agresseurs qu'ils aidaient, jamais nous»
Abu-Baschar

De retour à Douma, les enfants sont rentrés de l'école du village. Suleiman Zawahri leur sert du thé sucré. «Au moins, le chemin de l'école est plus court maintenant», plaisante-t-il. Il aimerait bien ramener sa communauté à Raschasch, mais c'est trop dangereux. Ils ne peuvent toutefois pas rester définitivement à Douma – il n'y a pas assez de pâturages. Les villageois ne les tolèrent que jusqu'à la fin de la guerre:

«Après cela, je ne sais pas où nous irons»

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

Des rats jetés dans des McDo en Angleterre pour protester contre Israël
Video: watson
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