La gauche est critiquée pour ne pas se démarquer suffisamment du Hamas. D'où vient cette réticence?
De nombreux représentants des partis de gauche sont aveugles d'un œil. Le fait que des parties de la population palestinienne soient des terroristes qui attaquent Israël, massacrent des gens et enlèvent des femmes et des enfants ne correspond pas à leur récit. C'est pour ça qu'ils ont du mal à appeler les choses par leur nom.
Peu importe que les victimes nous plaisent ou non: nous tous, et en particulier la Suisse avec sa tradition humanitaire, devrions toujours être du côté des opprimés, des victimes. Dès que l'on commence à relativiser de tels événements, on affaiblit la position des victimes.
La discussion porte sur la question de savoir si la Suisse devrait officiellement classer le Hamas comme organisation terroriste. Qu'est-ce que cela changerait?
Une attitude claire est essentielle dans ce cas. Il ne faut pas s'accommoder des terroristes violents ou se dérober devant eux. En critiquant insuffisamment ces organisations, voire en les légitimant partiellement, on leur prépare un terrain propice à l'extension de leur pouvoir.
Tant la gauche que la Confédération argumentent qu'une classification comme organisation terroriste n'est pas la bonne voie. Après tout, la Suisse est l'une des rares à entretenir encore des relations avec le Hamas. N'est-ce pas un argument?
Cela n'a rien à voir. Imaginez que la droite dise qu'il ne faut pas condamner ou interdire les organisations d'extrême droite violentes parce qu'on veut encore discuter avec elles. La gauche trouverait cela totalement absurde. L'exemple le montre: il y a deux poids deux mesures, alors qu'il devrait s'agir d'une question de fond.
C'est-à-dire?
Chaque fois qu'il s'agit de désigner des coupables et des victimes, il faut laisser tomber les œillères idéologiques et se ranger résolument du côté des victimes. Après tout, un monde sans victimes est un monde meilleur.
Cette position claire n'exclut d'ailleurs nullement de chercher des solutions diplomatiques avec souplesse, même avec des systèmes totalitaires et des groupes enclins à la violence - au contraire, on est même souvent plus facilement pris au sérieux si l'on ne se courbe pas.
Dans quelle mesure voyez-vous des parallèles avec la guerre en Ukraine, dans laquelle l'UDC en particulier insiste sur la neutralité?
Je vois de grandes similitudes. On observe également cette relativisation dans la guerre en Ukraine. Certains disent que l'Ukraine est en partie responsable de l'attaque de la Russie contre sa voisine. On peut et on doit analyser de manière différenciée et non unilatérale en ayant un large horizon. Mais cela ne change rien au fait que c'est la Russie qui a déclenché la guerre et que dans ce cas, il est clair qui est l'auteur et qui est la victime.
Il faut simplement se placer clairement de leur côté, sinon ce sont les auteurs qui en profitent dans tous les cas.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)