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L'attaque du Hamas en Israël aura des conséquences sanglantes

Des militants crient leur soutien au Hamas en brandissant leurs armes.
Des militants crient leur soutien au Hamas en brandissant leurs armes. Keystone
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L'attaque du Hamas contre Israël aura des conséquences sanglantes

Les attaques lancées ce samedi par le Hamas contre Israël ont déclenché une forte riposte de la part de l'Etat hébreu. Ces événements pourraient déclencher les affrontements les plus sanglants depuis des décennies.
09.10.2023, 10:2809.10.2023, 12:16
Eyal Mayroz / the conversation
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Un article de The Conversation
The Conversation

Il y a presque 50 ans jour pour jour, Israël n'avait pas su anticiper le déclenchement de la guerre du Kippour de 1973, qui avait démarré par une attaque inattendue contre ses frontières par une coalition d'Etats arabes.

Aujourd'hui, il semble que les services de renseignement du pays aient à nouveau été victimes d'un faux sentiment de sécurité.

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Une attaque surprise

La conviction, largement partagée dans la société israélienne, que le Hamas ne chercherait pas à se lancer dans une confrontation militaire à grande échelle avec Tsahal pour se protéger et pour épargner de nouvelles souffrances aux habitants de Gaza a été anéantie par l'assaut surprise déclenché samedi matin, par voie aérienne, terrestre et maritime.

L'attaque a commencé par un tir de barrage de plusieurs milliers de roquettes tirées sur Israël. Sous le couvert de ces roquettes, une opération terrestre de grande envergure, soigneusement coordonnée, est partie de Gaza et a pris pour cibles plus de 20 villes israéliennes et bases militaires adjacentes à la bande de Gaza.

Les pertes israéliennes, estimées actuellement à plus de 700 morts et 2150 blessés, vont certainement augmenter dans les heures et les jours à venir.

Une mobilisation massive des réservistes de l'armée israélienne a été entamée, et des bombardements aériens ont frappé les installations et les postes de commandement du Hamas à Gaza. Plus de 493 victimes palestiniennes ont été signalées jusqu'à présent à Gaza, et 2750 personnes ont été blessées.

La stratégie Hamas

Comme dans le cas de la guerre du Kippour, de nombreuses analyses et enquêtes seront menées dans les semaines, les mois et les années à venir, sur les échecs en matière de renseignement, d'opérations sécuritaires et de politique qui ont permis au Hamas de prendre ainsi Israël à défaut. L'assaut n'a apparemment pas été détecté par les services israéliens dans un premier temps, puis a pu se dérouler avec succès pendant des heures, les combattants du Hamas se retrouvant face à des forces israéliennes insuffisantes ou non préparées.

Comme en 1973, l'assaut a été lancé durant le sabbat et lors de la fête juive de Souccot. Les objectifs stratégiques du Hamas sont incertains à ce stade. Toutefois, la sévérité certaine des représailles israéliennes contre le mouvement - et, par conséquent, contre la population civile de Gaza - rend probable l'existence de considérations allant au-delà d'une simple vengeance contre les actions israéliennes.

L'enlèvement d'Israéliens en vue de les échanger par la suite contre des militants du Hamas emprisonnés en Israël est depuis longtemps un objectif majeur des opérations militaires du mouvement islamiste.

En 2011, un soldat israélien, Gilad Shalit, qui était détenu à Gaza depuis 2006, avait été échangé contre plus de 1 000 prisonniers palestiniens. Parmi ces prisonniers se trouvait Yahya Sinwar, l'actuel chef du Hamas à Gaza, qui avait passé 22 ans dans une prison israélienne.

Les rapports faisant état de dizaines d'Israéliens - dont de nombreux civils - capturés par le Hamas lors de l'assaut de ce week-end suggèrent qu'il pourrait s'agir là d'un motif central de l'attaque. Un nombre indéterminé d'otages détenus pendant des heures par des militants du Hamas dans deux villes du sud d'Israël ont été libérés par la suite par les forces spéciales israéliennes.

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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à gauche, lors d'une réunion d'évaluation de la situation.Keystone

Des négociations de paix en danger

Un autre objectif de l'organisation, plus large, pourrait être de saper les négociations en cours entre les États-Unis et l'Arabie saoudite sur un accord visant à normaliser les relations entre le royaume et Israël.

Un échec de ces pourparlers serait une aubaine pour l'Iran, l'un des principaux soutiens du Hamas, et pour ses alliés. Téhéran a déclaré qu'il soutenait les attaques du Hamas contre Israël, mais on ne sait pas encore si l'Iran ou le Hezbollah (le groupe libanais chiite qui entretient un partenariat croissant avec le Hamas) ouvriront d'autres fronts dans les jours à venir, même si ce dernier a déjà tiré des obus contre le territoire israélien le 8 octobre.

Environ 475'000 colons vivent en Cisjordanie, où vivent également 2,8 millions de Palestiniens (photo). La colonisation par Israël de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est annexée est illéga ...
Environ 475 000 colons vivent en Cisjordanie, où vivent également 2,8 millions de Palestiniens.Keystone

Toute escalade du conflit en provenance de l'Iran ou du Liban serait très problématique pour Israël. Il en irait de même si la guerre contre le Hamas venait à exacerber les tensions déjà très sensibles et les affrontements violents entre Israël et les groupes militants palestiniens en Cisjordanie.

Et maintenant ?

Baptisée «Glaives de fer», l'offensive de représailles d'Israël contre le Hamas à Gaza risque de durer longtemps.

Outre la nécessité de restaurer la confiance de la société israélienne dans son armée et de ressusciter la dissuasion militaire d'Israël face au Hamas et à d'autres ennemis, le gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou devra probablement faire face à d'autres défis qu'il lui sera compliqué de relever: le sort des dizaines d'otages israéliens; les risques que courront les forces israéliennes en cas d'incursion terrestre, à Gaza; et les menaces d'escalade sur d'autres fronts, notamment au Liban, en Cisjordanie et dans les villes mixtes juives et palestiniennes à l'intérieur d'Israël.

En outre, le soutien international pourrait rapidement s'éroder en cas d'opération majeure à Gaza, à mesure que le nombre de victimes palestiniennes, déjà élevé, s'accroîtra.

Les violences actuelles viennent à peine de commencer, mais elles pourraient devenir les plus sanglantes depuis des décennies, peut-être même depuis la guerre entre Israël et les Palestiniens au Liban dans les années 1980.

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Une inspection de la tour Al-Aklouk, détruite suite aux frappes aériennes israéliennes dans la ville de Gaza.Keystone

Comme nous l'avons indiqué, les Israéliens considéreront sans aucun doute qu'il est essentiel de restaurer leur pleine capacité de dissuasion militaire face au Hamas - ce qui, aux yeux de beaucoup, pourrait nécessiter une prise de contrôle militaire de la bande de Gaza. Cela aurait des conséquences encore plus dévastatrices pour la population civile de Gaza.

Aux yeux de nombreux Palestiniens, les événements de ce week-end ont offert aux Israéliens un petit aperçu de ce qu'a été leur propre vie pendant des décennies d'occupation. Toutefois, les premières célébrations se transformeront probablement bientôt en colère et en frustration, car le nombre de victimes civiles palestiniennes continuera d'augmenter. La violence engendre la violence.

Israël secouée en interne

À court et à moyen terme, le traumatisme causé par l'attaque surprise du Hamas ne manquera pas d'avoir des conséquences considérables sur la politique intérieure d'Israël.

Dans ses mémoires de 2022, Bibi : Mon Histoire, Benyamin Nétanyahou a évoqué sa décision, lors de l'opération israélienne «Pilier de défense» menée contre le Hamas en 2012, de ne pas lancer un assaut terrestre israélien à Gaza.

Une telle attaque, explique-t-il dans le livre, aurait pu causer plusieurs centaines de victimes parmi les forces de défense israéliennes et plusieurs milliers de victimes parmi les Palestiniens, ce à quoi il s'opposait catégoriquement. Il a autorisé des incursions terrestres à deux autres occasions (opérations «Plomb durci» en 2008 et «Bordure protectrice» en 2014). Mais la prudence l'a emporté dans d'autres cas, parfois du fait des fortes pressions dont il a pu faire l'objet.

Au vu de la combinaison du traumatisme national de ce week-end et de la composition du gouvernement de Nétanyahou, considéré comme le plus à droite de l'histoire du pays, il semble très peu probable qu'il fasse preuve de la même retenue dans les jours à venir.

Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

L'attaque du Hamas contre Israël, en images
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L'attaque du Hamas contre Israël, en images
Des habitants de la ville d'Ashkelon, dans le sud d'Israël, évacués par la police.
source: ap / tsafrir abayov
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