Chaque fois qu'Elene Khoshtaria descend dans la rue pour protester, elle s'attend à être arrêtée. Mais cela ne l'empêche pas de lutter contre le gouvernement prorusse.
Sa dernière arrestation remonte à moins d'une semaine. Cela s'est produit après une action contre la fille du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Celle-ci assistait à un mariage au bord du lac Kwareli, dans le nord-est de la Géorgie. A l'origine, Elene Khoshtaria ne participait pas à la protestation. Ce n'est que lorsqu'elle a appris que de jeunes activistes avaient été arrêtés et privés du droit d'être représenté par un avocat que la quadragénaire s'est rendue à Kwareli.
La confrontation s'est terminée par son arrestation. Elle n'a pas non plus pu voir un avocat pendant son séjour en prison. «Je n'ai absolument aucun problème à être à l'isolement», a-t-elle fait savoir sur Twitter après avoir été relâchée.
🇬🇪 Neither I nor my lawyer will cooperate with this Russian system and their court servants.
— Helen Khoshtaria (@Helenkhosh) May 21, 2023
My statement from the detention facility today:
"This morning, the prison administration came and told me that I should follow the police. Obviously, I refused.
1/3 pic.twitter.com/I9VZeLdoAw
Elene Khoshtaria est la cheffe de file du mouvement d'opposition libéral Droa (en français: «Il est temps»). Ses opposants politiques qualifient cette mère de quatre enfants aux méthodes parfois rebelles de «radicale». La politicienne géorgienne ne se contente pas d'organiser des manifestations. Elle s'est déjà battue en première ligne contre les forces de sécurité. Fin 2022, elle a fait la une des journaux en entamant une grève de la faim en solidarité avec Mikheil Saakachvili, l'ancien président de la Géorgie, actuellement en prison.
La Géorgie, qui faisait autrefois partie de l'Union soviétique, n'a pas repris les sanctions occidentales après l'invasion russe de l'Ukraine. Sous le régime du parti au pouvoir Rêve géorgien, le pays d'Europe de l'Est s'est de plus en plus tourné vers Moscou. Et ce, bien que 85% de la population soutienne une adhésion à l'Union européenne (UE).
En 2008, la Russie a brièvement envahi le pays. Aujourd'hui encore, près de 20% du territoire est occupé par les Russes. Les Géorgiens ont attendu en vain une réaction de l'Occident, à l'instar de la population ukrainienne en 2014, lorsque la Russie a occupé la péninsule de Crimée. «L'erreur de l'Occident a été de croire que la Russie pouvait changer et devenir une démocratie», explique Elene Khoshtaria.
Cela aurait changé avec l'invasion de l'Ukraine.
Selon elle, une chance historique s'est ainsi ouverte pour la Géorgie d'être admise dans l'alliance de défense et dans l'UE. «Poutine pourrait à nouveau envahir notre pays à tout moment», soutient Elene Khoshtaria. Elle juge donc la rhétorique prorusse du gouvernement dangereuse.
Elene Khoshtaria a pu constater à quel point les idées en Russie sont impérialistes lors de ses études à Moscou au début des années 1990. Peu après la chute de l'Union soviétique, il n'y avait guère de possibilités d'étudier à l'Ouest. «Les professeurs qualifiaient constamment les pays voisins d'arrière-cour de la Russie», dit-elle, toujours aussi indignée.
Depuis la guerre, le rapprochement avec la Russie s'est intensifié de la part du parti au pouvoir, assure Elene Khoshtaria. «Ils diffusent les mêmes messages que les Russes», déplore-t-elle. Entre autres, l'affirmation que l'Occident veut la guerre avec la Russie. Une lueur d'espoir: malgré la propagande, les intimidations et les arrestations, le parti ne serait pas parvenu à changer l'état d'esprit pro-occidental dans le pays.
Les dernières élections législatives ont été truquées, elle en est sûre. C'est pourquoi Elene Khoshtaria n'a même pas entamé son mandat actuel.
Lors des élections de l'année prochaine, il s'agira donc de changer le gouvernement.
La politicienne rebelle a déjà noté la prochaine manifestation: «Le 20 juin, nous descendrons dans la rue». Ce sera l'anniversaire de la manifestation antirusse à Tbilissi (la capitale) déclenchée par le discours d'un député russe au parlement. «J'étais dans la salle quand il a voulu parler. Il y avait un drapeau russe à côté de lui», se souvient-elle. Elle a alors mis un drapeau géorgien sur ses propres épaules.
Si le gouvernement devait mener une action prorusse avant le 20 juin, elle descendrait directement dans la rue. «Nous sommes toujours prêts», conclut-elle en riant.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder