Au sein de l'UE, certains craignent qu'un rapprochement rapide de l'Ukraine ne provoque des tensions et n'irrite surtout les pays des Balkans occidentaux. Comment voyez-vous les choses?
Olga Stefanishyna: L'adhésion à l'UE est un processus clairement défini – il n'y a pas de traitement spécial. C'est sur cette base qu'une décision devrait être prise. En même temps, nous ne surestimons pas non plus les pas qui sont faits. Le chemin est encore long, mais il faut profiter de l'élan actuel.
Mais il y a aussi quelques Etats de l'UE – la Hongrie, par exemple– qui s'opposent à l'élargissement de l'Union.
La Hongrie a pris position à plusieurs reprises. Nous comprenons aussi qu'un dialogue est nécessaire. Nous avons coopéré avec la Hongrie dans certains domaines, par exemple en ce qui concerne les minorités ethniques.
Je pense que les pays de l'UE doivent comprendre qu'il y a actuellement de grands défis. Et je suis sûre que l'Ukraine fera de son mieux pour ne laisser aucun doute au sujet de la question des minorités. La coopération avec les autres pays sur ces questions est bonne. Mais nous attendons aussi de l'UE qu'elle s'assure que tout ne tourne pas autour des doutes d'un seul pays lorsqu'il s'agit de l'Ukraine.
Dans le même temps, d'autres pays exigent que l'Ukraine organise des élections comme condition préalable pour rejoindre l'UE. Qu'en pensez-vous?
Non, cela ne nous a jamais été posé comme condition. Premièrement, notre Constitution interdit la tenue d'élections sous la loi martiale. Deuxièmement, il s'agit d'une question de sécurité, car la Russie attaque des civils en Ukraine. Et troisièmement, la population ukrainienne n'a rien demandé en ce sens. C'est la guerre. Une grande partie de l'Ukraine est occupée par l'armée russe. Des villes ukrainiennes se font attaquer. Et cette guerre a commencé depuis la Biélorussie. Nous sommes donc pratiquement encerclés. Nous devons nous concentrer sur notre sécurité.
On ne sait pas combien de temps cette guerre va durer. Mais des élections devront bien avoir lieu un jour. Quelles sont les perspectives?
Il est très facile de parler d'élections ici à Vienne. Mais imaginez que vous soyez à Soumy. Un bureau de vote à Soumy est une cible potentielle pour des attaques russes. S'acquitter de son devoir de citoyen peut donc signifier que c'est la dernière chose que vous ferez de votre vie. Nous avons plusieurs millions de personnes qui vivent sous occupation et qui ne peuvent absolument pas exercer leur droit de vote. A cela s'ajoutent les obstacles juridiques.
Quelles sont les prochaines étapes?
Nous avons un plan en dix points. Il contient une résolution sur la confiscation des fonds russes, et une résolution sur l'intégrité territoriale de l'Ukraine – y compris avec la Chine. L'Ukraine a fait un pas de géant pour assurer à elle seule l'exportation de ses céréales. Cette guerre n'a pas lieu dans les réseaux sociaux, cette guerre est réelle.
Que se passerait-il si l'UE décidait de ne pas entamer les discussions d'adhésion avec l'Ukraine en décembre?
C'est une option que nous n'envisageons pas. Les attentes des gens sont claires. Je voudrais vous rappeler que l'UE a déjà été fatiguée de l'élargissement. Il ne faudrait pas revenir à cette situation. L'Ukraine est l'un des plus grands débouchés aux frontières de l'UE.
L'adhésion peut en effet être très compliquée, très laborieuse. Le peuple ukrainien est-il conscient que ce n'est que le début des réformes?
Plus de 90% des Ukrainiens soutiennent l'adhésion à l'UE. Nous savons être patients. Et si cela prend plus de temps, les gens attendront aussi. Mais nous devons sentir que les choses avancent.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci