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Orbán se la joue Poutine et «veut faire chanter l'UE»

Orbán se la joue Poutine et «veut faire chanter l'UE»

L'Ukraine veut entrer dans l'UE - et quelqu'un s'y oppose: Viktor Orbán. Il insiste sur les droits des minorités de ses compatriotes. Les experts y voient un prétexte populiste.
24.11.2023, 18:4524.11.2023, 19:20
Clara Lipkowski / t-online
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Alors que Viktor Orban était en début de semaine en Suisse pour une visite de courtoisie auprès d'Ignazio Cassis et d'Alain Berset, il tirait à boulets rouges sur l'Union européenne. Une sortie qui fait écho à son veto au sujet de l'éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'UE.

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Switzerland's President Alain Berset, center, and Switzerland's Federal Councilor Ignazio Cassis, right, welcome Hungary's Prime Minister Viktor Orban during a working visit, in Bern, S ...
Keystone

En novembre, l'Ukraine a fait un grand pas en avant vers l'adhésion à l'UE: après une recommandation formelle de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, la décision d'entamer des discussions dans ce sens doit être prise dès décembre. Ursula von der Leyen n'a pas tari d'éloges lorsqu'elle a rencontré Zelensky. Kiev a fait des efforts considérables pour se conformer aux exigences, a-t-elle déclaré.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen est arrivée samedi matin à Kiev pour discuter avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky de l'élargissement de l'UE.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen était le 5 novembre à Kiev pour discuter avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky de l'élargissement de l'UE.

Mais quelqu'un s'en offusque: Viktor Orbán. Le premier ministre hongrois, ami du Kremlin, menace d'opposer son veto et pourrait faire capoter le début des discussions, si importantes pour l'Ukraine.

L'Ukraine n'est «pas encore prête» à adhérer à l'UE, a-t-il déclaré à la mi-novembre, et les premiers pourparlers formels, comme il est d'usage dans la procédure d'adhésion, sont prématurés. La raison invoquée par Orbán est que Kiev met en danger les droits de la minorité hongroise en Ukraine. Il faisait référence à une région particulière située à la pointe sud-ouest de l'Ukraine: la Transcarpatie. Environ 120 000 Hongrois de souche y vivent.

Transcarpatie
En rouge, la Transcarpatie: région ukrainienne qui touche la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Hongrie. Sa population est passée de 1,2 million d'habitants avant la guerre à 1,6 million aujourd'hui.

Alors qu'Orbán se présente comme un protecteur soucieux de ses compatriotes en Ukraine, les observateurs considèrent son comportement comme un calcul politique. On reproche à Orbán d'utiliser la minorité comme un pion politique. En fait, son veto peut paralyser l'ensemble du processus qui conduirait l'Ukraine dans l'alliance. Toutes les décisions pertinentes concernant l'adhésion requièrent l'unanimité des Etats membres de l'UE.

Les horloges tournent à l'heure de Budapest

Les Hongrois dont il est question vivent à proximité directe de la frontière hongroise, parlent hongrois au quotidien, dans les démarches administratives, au travail et à l'école. Même les horloges de Transcarpatie fonctionnent différemment du reste de l'Ukraine: à l'heure hongroise. Il y est donc une heure plus tôt que dans le reste du pays. On s'oriente vers Budapest, a déclaré un habitant de la région à un journaliste du quotidien espagnol El País. L'identification avec le pays voisin est également élevée parce qu'Orbán présente, depuis des années, la minorité comme particulièrement vulnérable et ne cesse de faire feu verbalement contre l'Ukraine.

Kiev rejette les reproches de Budapest, mais le conflit a déjà généré de graves tensions diplomatiques par le passé. Cela est également dû à la démarche effrontée de la Hongrie: Budapest accorde depuis des années des passeports à des personnes de la région, bien que l'Ukraine interdise la double nationalité et de telles ingérences dans ses affaires intérieures.

La Hongrie envoie des millions à la région

Le soutien financier de la région fait également l'objet d'un litige. Depuis 2020, Budapest a investi l'équivalent de plus de 250 millions d'euros en Transcarpatie, écrit Dmitro Tuzhanskii du think tank slovaque Globsec: mais souvent, le financement n'a pas été transparent avec les autorités ukrainiennes.

Budapest insiste pour que le territoire soit désigné comme zone hongroise et que la symbolique hongroise soit présente dans la vie quotidienne, par exemple avec des drapeaux sur les bâtiments administratifs. L'autonomie territoriale des Hongrois doit être reconnaissable, dit-on.

Mais le différend entre les deux pays est particulièrement houleux concernant une loi sur l'éducation de 2017. Elle n'autorise l'enseignement scolaire dans les langues des minorités en Ukraine que de manière limitée. L'Ukraine avait adapté cette loi afin d'endiguer l'influence russe dans les régions orientales, traditionnellement bilingues – russe et ukrainien. La volonté de faire partie de l'UE était également à l'origine de cette décision. Cela a également eu des conséquences pour la Transcarpatie: l'enseignement des matières scolaires ne devait plus être dispensé en hongrois ou du moins être nettement limité. Budapest s'est insurgée.

L'enseignement en hongrois reste autorisé

Cela a eu un effet à Kiev et la loi sur l'éducation a été annulée. Jusqu'à présent, les enseignants de la région peuvent tout enseigner en hongrois. Pourtant, Orbán estime que Kiev veut «effacer» l'identité hongroise dans la région. Kiev a cédé. En septembre, le Parlement a décidé que la loi ne serait pas appliquée jusqu'en septembre 2024 au moins.

En raison du comportement de la Hongrie, le chercheur Tuzhanskii met également en garde contre un «piège ethnique» dans lequel l'Ukraine pourrait tomber dans le processus d'adhésion à l'UE. Selon lui, Orbán joue «un jeu géopolitique» et s'efforce d'attiser les tensions régionales. Par le passé, la Hongrie a toujours affiché sa proximité avec la Russie, dont elle continue à s'approvisionner en pétrole et en gaz, et s'oppose sans cesse aux sanctions que l'UE impose à l'agresseur.

Mais pour l'Ukraine, qui doit justement faire face au fait que l'agresseur, la Russie, a annexé quatre régions et la péninsule de Crimée en violation du droit international, y a introduit des lois russes, distribué des passeports, occupé des postes et s'est imposé comme nouveau gouvernement, un autre foyer de conflit arrive au mauvais moment.

Pour la députée européenne des Verts, Viola von Cramon-Taubadel, il est donc clair que «la Transcarpatie n'est qu'un outil pour Orbán». Les affirmations d'Orbán selon lesquelles la minorité serait opprimée sont vivement contestées par von Cramon-Taubadel, qui s'est rendue plusieurs fois dans la région:

«Si l'on regarde les droits dont disposent les Hongrois dans la région, vous ne trouverez pas une minorité qui en a autant»

«Les gens y vivent très bien, peuvent tout faire en hongrois, même aller étudier en Hongrie.» Il n'est pas question d'ukrainisation forcée, a-t-elle ajouté.

En effet, la région est considérée comme prospère et sûre. Depuis le début de l'invasion totale le 24 février 2022, la région n'a été touchée qu'une seule fois par un missile russe. Selon les rapports, il n'y a pas de couvre-feu à Oujhorod, la capitale de la province, et l'économie se développe bien, car des entreprises de l'Est contesté s'installent en Transcarpatie. El País a calculé que le nombre d'habitants de la région est passé de 1,2 million avant la guerre à 1,6 million aujourd'hui.

«Il veut faire chanter l'UE»

Orbán utilise la minorité hongroise pour ses intérêts de politique intérieure, estime von Cramon. Car Orbán viserait l'argent bloqué de l'UE:

«Il veut faire chanter l'Union européenne et réactiver les fonds que nous avons gelés dans l'UE»

Parce que l'UE exige de la Hongrie des réformes, par exemple dans le domaine judiciaire et dans la lutte contre la corruption, les versements de soutien au pays sont actuellement gelés pour un montant de plusieurs dizaines de milliards. «De l'argent qu'Orbán a déjà en grande partie dépensé», explique von Cramon. Des sommes importantes devaient être versées à la Hongrie par le fonds de reconstruction Covid, des entreprises publiques ont pris les devants, dit-elle. La pression sur le gouvernement hongrois est donc élevée.

Mais le chercheur Tuzhanskii voit aussi dans ce conflit une chance pour l'Ukraine. Les pays qui ont abordé la question des minorités ethniques dans le cadre des négociations d'adhésion, comme la Slovaquie ou la Roumanie, se sont rapprochés plus rapidement de l'UE que ceux qui ont négligé le sujet, comme la Macédoine du Nord.

En décembre, un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE décidera de l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Ukraine. L'UE se penchera également sur la manière dont l'Ukraine traite les minorités. C'est donc aussi une question d'interprétation de l'Alliance de savoir si l'Ukraine remplit les conditions pour entamer des discussions sur l'adhésion. Le président du Conseil de l'UE, Charles Michel, a récemment fait preuve d'optimisme, tout comme von der Leyen. Il s'est prononcé pour que l'UE soit prête à accueillir des pays comme l'Ukraine d'ici 2030.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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