La Serbie est profondément divisée depuis le début de la guerre russe contre l'Ukraine. Pas seulement la population, mais aussi son président, Aleksandar Vucic. D'un côté, la Russie est un allié proche – de l'autre, la Serbie souhaite se tourner davantage vers les pays de l'UE. Et jouer sur les deux tableaux est un travail d'équilibriste. Depuis le début de la guerre, la Serbie a vendu des armes aux pays de l'UE, sachant sans doute que celles-ci seraient livrées à l'Ukraine.
Pour Vucic, il s'agit sans doute avant tout d'une question d'argent. Lors d'une récente interview, il a confirmé que la Serbie avait reçu environ 800 millions d'euros provenant du commerce des armes. L'économie serbe ne se porte pas très bien et les exportations d'armes constituent donc l'occasion parfaite de remplir les caisses de l'Etat.
«Cela fait partie de notre relance économique et c'est important pour nous. Oui, nous exportons nos munitions», a déclaré récemment le président serbe.
Un point de vue qui fait écho en Suisse où le débat de la réexportation des armes est aussi au cœur des discussions politiques. Berne a reçu plusieurs demandes, de l'Allemagne, du Danemark ou de l'Espagne, pour pouvoir réexporter des armes à l'Ukraine. A chaque fois, le Conseil fédéral a dit non, invoquant la neutralité et la loi sur le matériel de guerre.
Le président Serbe, lui, ne s'est trop formalisé de tout ceci et estime que ce n'est pas de son ressort de décider où les armes atterrissent. Il s'en lave les mains, son objectif est plutôt de s'occuper de son pays et de ses citoyens, affirme-t-il.
Le Kremlin semble peu satisfait de cette nouvelle. Comme l'a rapporté le média russe Kommersant, le premier vice-président de la commission des affaires internationales du Conseil de la Fédération, Vladimir Djabarov, a répondu:
La Russie vérifiera les informations, a-t-il ajouté. Le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, a également confirmé que Moscou allait discuter avec Belgrade d'éventuelles exportations.
La Serbie n'est ni membre de l'UE ni de l'Otan, mais elle est candidate à l'adhésion à l'UE. Le rejet de l'Otan s'est déjà manifesté dans le pays lors des manifestations qui ont eu lieu peu après le début de la guerre. Alors que d'autres pays européens descendaient dans la rue en solidarité avec l'Ukraine, les Serbes brandissaient des drapeaux russes et scandaient des slogans hostiles à l'Otan. On peut y comprendre un ressentiment. La Serbie a été bombardée par l'Otan pendant la guerre de 1999. Cette intervention était contestée au regard du droit international. Notons que Vucic a voté, en 2022, en faveur du texte de la résolution de l'ONU contre l'invasion russe – mais la résolution ne contenait pas de sanctions.
La Serbie compte également sur le soutien de la Russie pour ne pas reconnaître le Kosovo au niveau international. Le Kosovo s'est déclaré indépendant de la Serbie en 2008 et est depuis officiellement reconnu par 115 Etats. Mais sur cette question également, la Serbie se rapproche probablement d'autres Etats européens. Dans une interview accordée à l'AFP, le premier ministre Milos Vucevic a déclaré que la Serbie était prête à faire des «compromis».
Les tensions actuelles entre les Etats proviennent notamment du fait que le Kosovo a récemment adopté officiellement l'euro comme monnaie, se détournant ainsi du dinar serbe.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)