Le mois dernier, la Russie s'était invitée lors du Steadfast Defender, l'exercice géant de l'Otan, envoyant dans le même temps nombre de ses troupes dans un grand exercice. Le 21 mai dernier, le ministère de la Défense russe a annoncé la première partie de celui-ci dans le district militaire du sud, qui a son siège à Rostov-sur-le-Don. Il comprend le Caucase du Nord ainsi que la flotte de la mer Noire. Mardi dernier, la deuxième partie de l'exercice a eu lieu, comprenant des opérations menées conjointement avec la Biélorussie.
Mais mercredi, les choses ont pris une tournure surprenante. Sur Telegram, les autorités russes ont déclaré que le district militaire de Leningrad est lui aussi inclus dans «le cadre des exercices de manœuvres stratégiques». Cette entité de l'Etat-major russe couvre une grande quantité de territoire au nord de la partie occidentale de la Russie, à proximité directe et indirecte de Saint-Pétersbourg. Elle inclut aussi la flotte russe de la mer Balte, dont la base se situe dans l'enclave de Kaliningrad.
L'exercice comprend des entraînements aux opérations de combat, mais aussi la mobilisation de missiles balistiques Iskander. Les soldats russes s'entraînent à charger les missiles et à les déployer dans des lieux secrets. L'exercice prévoit également le déploiement d'«ogives spéciales», apprenait-on encore à cette occasion.
Des ogives spéciales, c'est-à-dire? L'exercice prévoit la livraison de têtes nucléaires factices à des points de stockage, y compris un aérodrome. Elles y sont ensuite chargées sur des bombardiers, explique un communiqué du ministère de la Défense.
Le lieu de l'exercice et le déploiement de ces missiles nucléaires ne sont pas innocents. Le message passé par Poutine est qu'il est capable de déployer des trucs et des engins explosifs en grande quantité à proximité de la frontière avec les pays baltes, c'est-à-dire les frontières de l'Otan.
Ces simulations ont eu lieu après d'autres, dans le sud de la Russie, à la frontière avec l'Ukraine et la participation de soldats du district militaire de Leningrad. Ils impliquaient également des lanceurs de missiles mobiles, l'armée de l'air et la marine. Le président Vladimir Poutine a ordonné ces exercices nucléaires après avoir reçu des signaux selon lesquels l'Ukraine avait reçu l'aval des pays de l'Otan pour attaquer des cibles sur le territoire russe avec des armes occidentales.
La 12e direction principale du Ministère russe de la Défense en a la charge. Elle surveille, entretient, transporte et livre l'arsenal nucléaire. S'exprimant d'habitude rarement en public, elle a cette fois-ci confirmé le caractère nucléaire des manœuvres. Elle a expliqué que les exercices étaient analysés afin d'apporter des améliorations aux procédures militaires. Enfin, elle a confirmé la livraison de munitions nucléaires d'exercice aux entrepôts de la brigade de missiles et à la base aérienne d'attaque.
La réorganisation du large district militaire de Leningrad, en février 2024, est importante pour la Russie car c'est le long de celui-ci que se trouvent les «frontières» baltes de l'Otan. Selon l'Institute for the study of war (ISW) américain, c'est le signe que la Russie se prépare à un conflit avec l'Otan.
Les spécialistes de l'ISW considèrent la région comme une zone stratégique du flanc ouest de la Russie, à proximité des états baltes que sont la Lettonie, l'Estonie, la Finlande et la Lituanie. Et c'est bien dans ce dernier pays que l'Otan a déployé ses troupes en exercice lors de Steadfast Defender.
Lors de son gigantesque exercice, l'Otan s'était surtout entraînée au transfert de troupes. La Bundeswehr allemande y a par ailleurs joué un rôle important, les troupes de l'Otan étant déployées depuis son territoire vers divers pays alliés, dont la Lituanie, au sein de son propre exercice, nommé Quadriga.
En janvier, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius prévenait: «Nous devons prendre en compte le fait que Vladimir Poutine attaquera un jour un pays de l'Otan». Il juge cependant qu'à l'heure actuelle, une attaque russe demeure peu probable. «Selon nos experts, elle n'aurait pas lieu avant cinq à huit ans».
Mais les messages menaçants se multiplient. Comme ces signaux GPS brouillés au-dessus de la mer Baltique, probablement par un ou plusieurs émetteurs russes. Le Kremlin a aussi fait retirer récemment des bouées qui marquaient la frontière avec l'Estonie. Il a en outre déclaré vouloir revoir la carte maritime.
Les mises en garde contre une éventuelle attaque de la Russie contre des pays de l'alliance se sont multipliées ces derniers mois. L'historien Philipp Ther a ainsi estimé:
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)