Il est 14 heures pile, ce jeudi après-midi. Le président du Conseil national, le Grison Martin Candinas, entame un court discours destiné à introduire un invité très spécial. Quelques secondes plus tard, les écrans disposés dans la chambre basse du Parlement s'allument. Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, apparaît.
Durant une dizaine de minutes, il offre son message aux parlementaires helvétiques. Il rappelle les valeurs communes entre la Suisse et l'Ukraine, remercie les autorités d'avoir appliqué les sanctions de l'Union européenne (UE) contre la Russie, évoque la réexportation d'armes suisses en Ukraine. Et puis, cette phrase, formulée de manière un peu vague – mais assurée:
«Je pense qu'il s'agit plus d'une stratégie diplomatique et de communication publique que d'une vraie proposition», estime Jussi Hanhimäki, professeur en politique extérieure et historien des relations internationales au Graduate institute de Genève.
Le professeur rappelle d'ailleurs que l'on ne dispose d'aucun détail sur l'organisation de cette conférence. Il analyse: «Il faut se rappeler que d'autres pays, dont la Chine, se sont mis à disposition pour accueillir un sommet de ce genre.»
Car Volodymyr Zelensky n'a jamais caché que son objectif était la victoire totale sur la Russie et la reprise de tous les territoires occupés. Dans son esprit, des pourparlers de paix seraient la porte ouverte à des concessions territoriales à Poutine. Un scénario impossible pour le président ukrainien, qui déclarait encore il y a quelques semaines aux Pays-Bas:
Le président ukrainien a-t-il changé d'avis et est-il désormais ouvert aux négociations? «Je pense que non», rétorque d'emblée Jussi Hanhimäki. «Mais la porte à cette idée reste ouverte.» Il nuance:
Pour autant, le contexte dans lequel cette proposition a été lancée ne convainc par le professeur: «Des pourparlers destinés à signer la paix, cela commence d'habitude en secret via des canaux diplomatiques fermés, et pas de manière ouverte lors d'un discours public comme celui-ci en proposant à un pays organisateur une conférence.»
A partir de ce point, on tombe dans la politique-fiction. Pourtant: souvenez-vous de la conférence entre Joe Biden et Vladimir Poutine, en mars 2021, à Genève. Pourrait-on s'imaginer la même, mais avec Zelensky à la place de l'Américain?
«Pour la Suisse, ce serait la continuation d'une histoire ancienne, d'un pays qui accueille toute sorte de diplomatie multilatérale de haut niveau», explique Jussi Hanhimäki. «Pour l'Ukraine et la Russie, cela pourrait vite tourner en guerre de la propagande sur une plateforme considérée comme neutre. La Suisse serait alors utilisée pour servir leurs intérêts nationaux.» Il tient cependant à être clair: