Jusqu'à récemment, l'ambiance était au beau fixe entre Cuba et la Russie. Le président cubain Miguel Diaz-Canel était à Moscou en novembre et avait convenu d'un partenariat plus étroit avec Vladimir Poutine. Mais aujourd'hui, les choses se gâtent soudainement. La raison? Les médias ont révélé que des réseaux de passeurs russes recrutaient de jeunes Cubains pour les envoyer comme mercenaires sur le front russe.
Le ministère cubain des Affaires étrangères a réagi en début de semaine par une déclaration cinglante: il a découvert un réseau de trafic d'êtres humains opérant depuis la Russie et s'emploie à le démanteler.
Russia is recruiting Cubans to take part in the war against #Ukraine
— NEXTA (@nexta_tv) September 5, 2023
The Cuban Ministry of Internal Affairs uncovered a criminal network operating from Russia, which recruited Cuban citizens to participate in hostilities in Ukraine.
It is noted that the Cuban Interior Ministry… pic.twitter.com/oMddzr8pwY
C'est un reportage de la chaîne américaine hispanophone Telemundo qui l'a révélé la semaine dernière. Elle avait réalisé un sujet sur deux Cubains de 19 ans qui s'étaient vu proposer des emplois d'ouvriers du bâtiment en Russie. L'un d'entre eux, Alex Vega, a déclaré à la chaîne qu'on leur avait offert à chacun 2200 dollars et la citoyenneté russe.
Ils devaient reconstruire les villes détruites par la guerre.
L'économie cubaine souffre de l'effondrement du tourisme depuis la pandémie, des sanctions américaines et des pénuries de l'Etat. Les coupures d'électricité et les manques alimentaires font partie du quotidien.
Mais après leur arrivée en Russie le 7 juillet, les deux hommes ont été équipés d'armes et d'uniformes militaires et envoyés à Louhansk, une ville de l'est de l'Ukraine occupée par la Russie. Lorsqu'ils sont tombés malades, ils ont réussi à donner l'alerte via les réseaux sociaux.
D'autres Cubains sont toujours piégés sur place, selon eux. Le Moscow Times a cité un officier russe de haut rang qui a déclaré qu'il y avait de gros bataillons internationaux qui se battaient sur le front.
On ne sait pas exactement qui se cache derrière ces tentatives de recrutement. Les recherches menées par les médias ont conduit à différents groupes Facebook proposant des contrats annuels dans l'armée russe. «Je soupçonnerais qu'il y a un lien avec le groupe Wagner ou un autre groupe de mercenaires», souligne William LeoGrande, chercheur sur Cuba à l'American University.
Il est tout aussi improbable que Vladimir Poutine recrute sur le sol cubain sans l'accord du gouvernement cubain, observe Andrés Albuquerque, expert cubain vivant aux Etats-Unis.
Moscou n'a pas réagi dans un premier temps à ces accusations. Au début de l'année, le président serbe Alexander Vucic avait dénoncé un réseau de passeurs similaire et demandé à la Russie de mettre immédiatement fin à cette pratique illégale. Selon les services secrets britanniques, les recruteurs sont également actifs en Asie centrale. En outre, les migrants qui vivaient en Russie sans papiers valables seraient recrutés de force.
Pour Cuba, le sujet est donc diplomatiquement délicat, car le pays se présente toujours comme une victime de mercenaires financés par les Etats-Unis et d'attentats terroristes. Cuba a présenté à l'ONU de nombreuses propositions visant à mettre le mercenariat hors-la-loi.
L'Etat insulaire et la Russie, deux régimes soumis à des sanctions internationales, se sont à nouveau rapprochés ces dernières années. Rien qu'au premier semestre, quelque 70 000 touristes russes ont visité l'île des Caraïbes et environ 11 000 Cubains ont pris l'avion pour la Russie.
A l'ONU, Cuba s'est abstenu de voter des résolutions condamnant l'attaque russe contre l'Ukraine. Par ailleurs, les médias d'Etat cubains diffusent le récit russe d'une guerre défensive contre les nazis ukrainiens soutenus par l'Otan.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)