Des gyrophares et des sirènes. Des quartiers bouclés. Des snipers sur les toits et des hélicoptères dans le ciel. C'est un sommet de crise comme Bruxelles n'en a quasi jamais vu, elle qui est pourtant si habituée aux réunions de crise.
Plus de 30 chefs d'Etat et de gouvernement occidentaux étaient présents dans la capitale belge ce jeudi. Leur centre de gravité était le président américain Joe Biden qui, à bientôt 80 ans, a effectué un véritable marathon de sommets. Au programme, une cascade de rencontres avec l'Otan, avec les pays industrialisés du G7 et, enfin, avec le cercle des 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE.
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Objectif principal de Biden: faire preuve d'unité. Unir le «monde libre» contre une Russie agressive qui, avec sa guerre contre l'Ukraine, a renvoyé le Vieux Continent à des heures sombres que l'on croyait révolues depuis longtemps.
Dans ce contexte, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est pas le seul à se poser cette question: l'Occident peut-il rester en dehors de tout ça encore longtemps? Où se situe la fameuse «ligne rouge», où il n'est plus possible d'éviter de se tenir à l'écart?
NATO leaders met today in Brussels — one month since the start of Russia’s unprovoked and unjustified invasion of Ukraine. We will continue to support Ukraine with security assistance to fight Russian aggression and uphold their right of self-defense. pic.twitter.com/F582A9qDJw
— President Biden (@POTUS) March 24, 2022
Même si le Premier ministre britannique Boris Johnson affirme que Poutine a «franchi depuis longtemps la ligne rouge vers la barbarie», on ne sait pas quand le point de départ d'une intervention serait vraiment atteint.
L'alliance de défense occidentale est préoccupée par l'affirmation de la Russie selon laquelle l'Ukraine tente de fabriquer des armes chimiques avec l'aide des Etats-Unis. Pour le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, il s'agit d'un prétexte de la Russie pour préparer sa propre utilisation d'armes chimiques. Jens Stoltenberg met en garde: «Cela changerait fondamentalement la nature du conflit» et aurait «des conséquences importantes» pour la Russie.
Mais quelle est l'épaisseur de cette ligne rouge? Après tout, le président américain Barack Obama avait lui aussi mis en garde le dictateur syrien Bachar el-Assad en 2012 contre l'utilisation d'armes chimiques comme «ligne rouge» – avant de ne rien faire, comme l'a rappelé à juste titre le chef du gouvernement slovène Janez Jansa.
En outre, où se situe le seuil d'utilisation des armes chimiques? Un accident chimique provoqué intentionnellement par la Russie au moyen de bombardements d'usines chimiques ukrainiennes est-il déjà considéré comme une utilisation d'armes chimiques? L'Otan craint que la Russie n'utilise de tels moyens.
Interrogé sur la question de savoir si l'Otan changerait de position et interviendrait en Ukraine si Poutine utilisait des armes chimiques, le président américain Biden a déclaré jeudi: «Nous déciderons en temps voulu si l'Otan franchit cette ligne.»
Au final, personne ne peut savoir si Poutine utiliserait des armes nucléaires contre l'Ukraine. Le fait est que si la Russie attaque l'Occident avec des armes nucléaires, elle doit s'attendre à sa propre destruction. C'est l'essence même de la dissuasion nucléaire mutuelle.
Mais toutes les armes nucléaires ne se valent pas non plus. Les armes nucléaires tactiques ont un autre objectif que les armes nucléaires stratégiques et leur rayon d'action est limité. Comment l'Occident réagirait-il si Poutine faisait exploser une «mini-bombe atomique» quelque part dans une région reculée d'Ukraine ou au-dessus de la mer Noire pour effrayer le monde? Ou s'il lançait par exemple un missile sur la centrale nucléaire endommagée de Tchernobyl, libérant ainsi des radiations radioactives?
Il semble difficile d'imaginer que l'Otan se lance alors dans une guerre nucléaire aux conséquences désastreuses.
C'est surtout en Europe de l'Est et dans les pays baltes que la peur d'une attaque russe est grande. «Personne ne peut plus se sentir en sécurité. La Pologne sera peut-être la prochaine, peut-être les pays baltes», prévient le président lituanien Gitanas Nauseda.
Pour renforcer son flanc est, l'Otan a donc décidé jeudi de déployer quatre groupes de combat et des armes supplémentaires en Hongrie, en Slovaquie, en Bulgarie et en Roumanie. Mais le président américain Joe Biden a beau ne pas se lasser de souligner que les Etats-Unis défendent «chaque centimètre» du territoire de l'Otan: il n'existe pas d'automatisme pour le déclenchement de la clause d'assistance de l'Otan sous l'article 5.
La Russie pourrait tester sa volonté en menant une attaque militaire limitée, par exemple contre un point de transbordement polonais pour les livraisons d'armes en Ukraine ou contre un convoi de camions correspondant. Ce serait le test ultime pour l'unité de l'Alliance.
Le président américain Joe Biden avait déjà qualifié Vladimir Poutine de «criminel de guerre» il y a une semaine. Dans leur déclaration commune, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan utilisent désormais également ce terme en rapport avec les attaques contre les civils. «Nous devons arrêter ce criminel de guerre», a demandé avec insistance la cheffe du gouvernement estonien Kaja Kallas.
Mais comment faire? Pendant les guerres des Balkans dans les années 1990, où les atrocités se sont multipliées et ont duré des années, l'Otan ne s'est aussi décidée à intervenir que tardivement.
Adapté de l'allemand par Jonas Follonier