A la télévision d'Etat russe, le récit de Poutine sur le succès de son intervention en Ukraine a essuyé un sérieux coup de frein. L'ancien colonel Mikhaïl Khodarenok a profité hier de l'une des émissions les plus regardées pour faire une évaluation étonnamment honnête et sombre de la situation actuelle.
Avant qu'il ne puisse poursuivre, la présentatrice Olga Vladimirovna Skabejeva l'interrompt brusquement. En Russie, elle est réputée pour détester entendre les voix critiques à l'égard du Kremlin: ses détracteurs qualifient cette femme de 37 ans «de poupée de fer de la télévision poutinienne».
Avec cette réponse déguisée de propagande, elle tente de masquer l'image d'une armée russe à la peine face à l'armée ukrainienne. Ce sont ces cas individuels qui déterminent ce qui se passe dans l'ensemble, objecte-t-elle. Et si diverses unités ont déjà dit qu'elles ne recevaient pas assez de soutien financier et d'armes, cela a aussi son importance. On ne peut pas ignorer ce facteur.
Un contre-argument que Khodarenok entend et comprend. Avant de poursuivre sans se désunir sa critique:
«Bien sûr, cela ne serait pas possible tout seul», admet Khodarenok. Mais l'homme de 68 ans explique qu'il faut pour cela prendre en compte le programme de soutien américain qui sera bientôt adopté.
Cette loi permet au président américain de fournir rapidement une aide militaire importante à l'Ukraine. Une loi similaire était déjà en vigueur lors de la Seconde Guerre mondiale pour soutenir les Alliés. Toutefois, la loi n'a pas encore été adoptée. La semaine dernière, le paquet de 40 milliards a d'abord échoué en raison de l'opposition du sénateur républicain Rand Paul du Kentucky.
Mais le soutien militaire des Etats-Unis ne fait pas tout, prévient l'ex-colonel russe. Il ose ensuite dresser un avenir peu reluisant pour l'armée russe:
Avant qu'il ne puisse ensuite s'exprimer sur l'élargissement de l'Otan, il est interrompu par une Skabejeva remontée:
L'argument avancé est clair pour la présentatrice: l'armée ukrainienne est plus faible car elle est principalement composée de combattants volontaires. Mais Khodarenok n'accepte pas cet argument. Le professionnalisme d'une armée n'est pas déterminé par le nombre de soldats professionnels, argumente-t-il. Il est plutôt déterminé par le niveau de formation, le moral et la volonté de verser son sang pour la patrie.
Ce qui est pertinent, c'est le besoin de vouloir protéger sa propre patrie jusqu'au dernier homme - comme c'est le cas en Ukraine.
Avant qu'il ne puisse développer ce point, Skabeyeva revient à la charge et lui demande, l'air moqueur: «Le besoin de mourir pour son propre pays, c'est du professionnalisme?»
Khodarenok maintient son argument : «C'est l'une des composantes les plus importantes pour une grande disponibilité au combat dans l'armée». Selon le stratège militaire, le marxisme-léninisme a eu raison sur ce point:
Avant de rebondir sur le sujet Otan:
Il faut cesser de brandir le sabre avec des missiles russes en direction de la Finlande, prévient Khodarenok. Car cela a un effet plutôt «amusant».
La semaine dernière déjà, Khodarenok avait osé un discours négatif sur la stratégie militaire à la télévision nationale: il doutait de l'efficacité d'une éventuelle mobilisation, étant donné qu'il n'y aurait probablement pas de nouveaux chars, navires ou avions avant le Nouvel An.