La Russie a engrangé 93 milliards d'euros (96 milliards de francs) de revenus tirés de l'exportation d'énergies fossiles durant les 100 premiers jours de sa guerre contre l'Ukraine, dont une majorité vers l'UE, selon le rapport d'un centre de recherche indépendant publié lundi. Il épingle particulièrement la France.
Cette publication du Centre for research on energy and clean Air (Crea), basé en Finlande, survient alors que l'Ukraine presse les Occidentaux de rompre tout commerce avec la Russie pour cesser d'alimenter le trésor de guerre du Kremlin.
L'Union européenne a récemment décidé d'un embargo progressif - avec des exceptions - sur ses importations de pétrole. Le gaz russe, dont elle est très dépendante, n'est pour l'instant pas concerné:
Les recettes d'exportation de la Russie baissent depuis mars, mais restent à un niveau record:
La manne ne s'est pas tarie, même si les exportations ont reculé en mai et que la Russie est obligée de vendre à prix bradés sur les marchés internationaux.
Si certains pays ont fait des efforts importants pour réduire leurs importations (Pologne, Finlande, Pays baltes), d'autres ont au contraire augmenté leurs achats : Chine, Inde, Emirats arabes unis ou... la France, selon le Crea.
Il s'agit d'ailleurs d'achats au comptant et non dans le cadre de contrats de long terme, ce qui signifie que la France a décidé sciemment de recourir à l'énergie russe malgré l'invasion de l'Ukraine, estime le spécialiste.
«La France doit aligner ses actes sur ses paroles: si elle soutient véritablement l'Ukraine, elle doit mettre en place immédiatement un embargo sur les énergies fossiles russes et rapidement développer les énergies propres et les solutions d'efficacité énergétique», juge-t-il.
A noter que l'Inde est devenue un important importateur de pétrole brut russe, achetant 18% des exportations du pays. Une part importante du brut est réexportée sous forme de produits pétroliers raffinés, y compris vers les États-Unis et l'Europe, une échappatoire importante à combler.
Alors que le pétrole russe est de plus en plus expédié vers des marchés plus éloignés, une capacité de pétroliers plus importante que jamais est nécessaire. Il s'agit d'une vulnérabilité clé – des sanctions sévères contre les pétroliers transportant du brut russe limiteraient considérablement les possibilités de ce type de réacheminement des exportations russes, estime le Crea.
En avril-mai, 68% des livraisons de pétrole brut russe ont été effectuées par des navires appartenant à des sociétés européennes, britanniques et norvégiennes, les pétroliers grecs en transportant à eux seuls 43%. Pour les livraisons vers l'Inde et le Moyen-Orient, la part était encore plus élevée à 80%. 97% des pétroliers étaient assurés dans seulement trois pays, le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède. (jah/jch/ats)