Une chose restera particulièrement gravée dans la mémoire de James Elder: l'odeur de la chair en décomposition. James Elder est porte-parole international de l'Unicef; il est rentré cette semaine de la bande de Gaza. Il y a visité des hôpitaux, a surtout vu des enfants, et lui aussi tire la sonnette d'alarme: la situation s'aggrave considérablement.
C'est à l'hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, qu'il a senti cette odeur. Un jour, un bus est arrivé du nord avec des enfants blessés. Ils avaient voyagé pendant deux ou trois jours alors qu'il n'y avait que 30 kilomètres à parcourir.
Parmi les enfants se trouvait un petit garçon dont une jambe a été arrachée par une bombe. Il était dans un état critique, raconte James Elder. Quand il l'a retrouvé plus tard à l'hôpital, il était mort.
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L'Unicef et d'autres organisations humanitaires mettent sérieusement en garde contre la détérioration massive de la situation à Gaza. Les médicaments, la nourriture et l'eau potable manquent. Les maladies diarrhéiques se propagent, le système de santé est au bord de l'effondrement, de nombreux hôpitaux ne peuvent plus fonctionner. Le personnel est contraint de fixer des priorités: parmi les nombreux patients, lesquels faut-il sauver? «Dans les hôpitaux, il y a des enfants avec des blessures de guerre à perte de vue», affirme le porte-parole.
Il fait état de violents bombardements, également dans le sud de la bande de Gaza. Il n'y a pratiquement plus d'endroits sûrs, les hôpitaux sont surchargés. «Le personnel médical fait ce qu'il peut, mais le stress et la peur ne font qu'empirer», confie James Elder. «C'est inexorable.» Comme d'autres organisations humanitaires, l'Unicef fait pression pour un cessez-le-feu. Le seul moyen d'aider réellement les enfants.
Mais une pause dans les combats semble bien loin. Depuis la fin du premier cessez-le-feu le 1er décembre, au cours duquel plus de 100 otages israéliens et détenus palestiniens ont été libérés, l'armée israélienne attaque intensivement Gaza, depuis les airs et au sol. Les troupes sont en train de repérer et de détruire les tunnels, les armes et les autres infrastructures des terroristes, a annoncé l'armée israélienne vendredi.
De son côté, le Hamas, et ça ne date pas de la dernière escalade, utilise des civils comme boucliers humains. L'organisation terroriste se cache dans des quartiers résidentiels, forçant ainsi les combats dans des régions densément peuplées.
Dans la bande de Gaza, les intérêts sécuritaires se heurtent ces jours-ci de manière particulièrement brutale à la réalité du terrain. Depuis que le Hamas a perpétré un massacre qui a fait 1200 morts en Israël le 7 octobre, le gouvernement israélien s'est fixé l'objectif d'éradiquer l'organisation terroriste.
Les Etats-Unis aspirent eux aussi à un nouvel ordre pour la bande de Gaza sans le Hamas, afin d'instaurer la stabilité et la paix. Car le groupe terroriste continue de tirer des roquettes sur Israël depuis la bande de Gaza, souvent directement depuis des quartiers résidentiels.
Si le Hamas tient bon, il pourrait continuer à attaquer Israël sans relâche. En outre, la crainte d'une guerre sur plusieurs fronts augmente si, en plus du Hamas, d'autres forces comme le Hezbollah libanais venaient, elles aussi, à intensifier leurs offensives. Ces dernières semaines déjà, de petits combats ont eu lieu à la frontière israélo-libanaise. Et le Hezbollah, tout comme le Hamas et d'autres groupes terroristes dans la région, est financé entre autres par l'Iran. Le régime de Téhéran ne cache pas son but: anéantir Israël.
La situation dans la région est explosive. Mais la critique de l'action d'Israël, et notamment des violents bombardements dans la bande de Gaza, est de plus en plus forte au niveau international. Les combats au sol se sont entre-temps étendus au sud, là où de nombreuses personnes se sont réfugiées pour échapper aux combats qui font rage plus au nord.
Khan Younès est considéré comme un bastion du Hamas. De violents combats s'y déroulent actuellement. Israël soupçonne de nombreux terroristes de s'être retranchés dans des maisons d'habitation de la ville. L'armée israélienne avait auparavant appelé la population à quitter certains quartiers. Mais de plus en plus de gens ne savent pas où aller.
En outre, ils dénoncent des informations trop tardives à propos des attaques israéliennes – un reproche presque normal quand il n'y a ni électricité ni Internet. Selon un journaliste de la BBC, à Rafah, à la frontière avec l'Egypte, tant de personnes cherchent refuge que la ville n'a plus assez de nourriture, d'électricité et d'eau potable pour les accueillir.
Face à cette catastrophe humanitaire, les Etats-Unis ont, eux aussi, haussé le ton. Le gouvernement américain soutient le droit d'Israël à l'autodéfense après l'attaque terroriste du Hamas. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a toutefois de nouveau appelé Israël à faire davantage pour la protection des civils. Les dirigeants israéliens ont certes pris des mesures importantes dans ce sens. Mais il y a toujours un fossé entre ce qu'il a suggéré lors de sa récente visite à Tel-Aviv et les résultats observés, déplore Blinken.
Il ne s'agit pas seulement d'établir des zones de sécurité, mais aussi de communiquer quand et par quel moyen les gens peuvent s'y rendre en toute sécurité. Dans ces zones, il doit en outre y avoir de l'eau, des médicaments et de la nourriture, selon le secrétaire d'Etat.
Seules les autorités sanitaires contrôlées par le Hamas connaissent le nombre de victimes. Il aurait dépassé les 17 000. Des doutes subsistent toutefois sur ces chiffres, l'organisation terroriste ne distinguant pas les civils des combattants. Le porte-parole de l'armée israélienne Jonathan Conricus a déclaré mercredi à la chaîne américaine CNN qu'environ 5000 terroristes du Hamas avaient été tués depuis le début de l'opération.
Il a aussi fait remarquer qu'il s'agissait d'un «conflit en zone urbaine entre une armée et une organisation terroriste qui utilise les civils comme boucliers humains».
Toujours en réponse aux critiques, Israël a en outre annoncé l'ouverture dans les prochains jours d'un autre point de contrôle pour les transports d'aide à Kerem Shalom. Israël craint que les camions ne transportent des armes vers Gaza et les inspecte donc avant leur entrée via l'Egypte et le point de passage de Rafah. Ainsi, davantage d'aide devrait désormais arriver plus rapidement.
Malgré cette annonce d'Israël, l'Unicef se montre sévère dans ses critiques. Selon James Elder, un acheminement d'aide plus conséquent ne couvrira qu'une infime partie des besoins réels. Et cela ne change rien au fait que les bombardements continuent de manière intensive.
Il décrit des gens de plus en plus en colère et frustrés. «Cela fait quinze ans qu'ils n'ont pas décidé qui les gouvernerait, et depuis les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre, l'enfer s'abat sur eux.»
Adaptation française: Valentine Zenker