Quelques jours avant leur mort, Saleh Mirhachemi, Madjid Kasemi et Saïd Jakobi ont lancé un appel désespéré au peuple iranien: «Ne les laissez pas nous tuer. Nous avons besoin de votre aide», pouvait-on notamment lire sur une feuille de papier déchirée, diffusée par l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International.
Les trois hommes iraniens avaient réussi à diffuser illégalement leur appel à l'aide depuis une prison d'Ispahan. Mais en vain. Vendredi 19 mai au matin, le régime de la République islamique les a exécutés. Ils étaient accusés d'avoir tué trois membres des forces de sécurité lors des manifestations nationales contre le gouvernement iranien en novembre.
Les trois Iraniens font partie des plus de 200 personnes qui, selon les Nations unies, ont été exécutées dans le pays depuis le début de l'année pour leur participation aux manifestations nationales ou pour d'autres délits présumés. Et la fin des atrocités n'est guère en vue.
Suite aux exécutions, les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont certes annoncé, lundi, de nouvelles sanctions contre des responsables et des organisations en Iran. Cependant, des doutes subsistent parmi les observateurs quant à l'efficacité de ces sanctions pour dissuader le régime de la brutalité et de la torture.
En effet, l'UE avait déjà imposé des sanctions à l'Iran avant les dernières exécutions. Et pourtant, le pays est aujourd'hui rattrapé par une véritable vague d'exécutions.
Les chiffres de l'organisation de défense des droits de l'homme Hawar le montrent clairement. Selon elle, le régime des mollahs a exécuté 24 personnes en plus des trois hommes à Ispahan depuis le 18 mai. «De nombreux cas restent (...) cachés», commente la fondatrice Düzen Tekkal.
Ce sont de nombreux destins individuels qui émeuvent les gens, tant au niveau national qu'international. Gilda Sahebi, experte de l'Iran et politologue, a écrit dimanche à propos d'une photo publiée sur Twitter:
So sieht Leid und tiefster Schmerz aus, wenn man den Sohn und den Bruder verloren hat.
— Gilda Sahebi (@GildaSahebi) May 21, 2023
Nicht weil er krank war, einen Unfall hatte oder etwas verbrochen hätte, sondern weil er aus purer Machtgier ermordet wurde.
Die Familie des hingerichteten Saleh Mirhashemi an seinem Grab. pic.twitter.com/o2rot9HfCh
On y voit des femmes assises, parfois allongées, en pleurs devant une tombe. Il s'agirait des proches de Saleh Mirhachemi, exécuté la semaine dernière. Gilda Sahebi ajoute:
Selon des estimations indépendantes, le régime aurait arrêté environ 20 000 manifestants depuis septembre dernier. L'inculpation de certains prisonniers est inconnue, tout comme le lieu où ils sont détenus. Beaucoup d'entre eux risquent toujours d'être exécutés – ils sont notamment condamnés à mort pour «guerre contre Dieu».
Leur sort ne cesse d'attirer l'attention. En Allemagne, par exemple, plus de 230 députés du Bundestag, l'assemblée parlementaire, ont accepté un parrainage.
L'une d'entre elles est Ye-One Rhie (SPD). Depuis fin novembre, elle attire l'attention sur le célèbre rappeur iranien Toomaj Salehi, emprisonné depuis des mois dans une prison iranienne après avoir critiqué publiquement le régime.
Rhie veut lui donner une voix. La semaine dernière, elle a partagé sur Twitter une vidéo censée montrer le rappeur. Ses yeux sont bandés, il est agenouillé sur le sol et semble impuissant. De telles images ont déjà été publiées par divers prisonniers détenus par le régime et probablement contraints de faire des aveux par la torture et la violence.
⚠️ CN: Torture. Until now, we did not share any videos the Islamic Republic of Iran forced #Toomaj to do. But with his court date still unknown but drawing closer, we - together with people close to Toomaj - decided to show how the regime has mistreated him. #FreeToomaj /1 pic.twitter.com/36gmmkqR94
— Ye-One Rhie (@YeOne_Rhie) May 18, 2023
Les parrains et marraines attirent l'attention sur l'emprisonnement, la torture et les exécutions imminentes aussi bien par des lettres adressées à l'ambassade iranienne que par les réseaux sociaux.
«Depuis qu'il y a autant de parrainages, certaines exécutions déjà annoncées n'ont pas été mises à exécution» a déclaré la députée. Si des enquêtes internationales devaient être menées à l'avenir contre le régime, les parrainages pourraient également contribuer à l'enquête. «Il viendra un temps où l'Iran aura un autre gouvernement», a conclu la politicienne du SPD.
Le chef du groupe parlementaire du FDP, Christian Dürr, a lui aussi accepté un parrainage fin 2022. Le sort de son «enfant» parrainé montre toutefois que les voix de la politique allemande sont en partie impuissantes face au régime iranien: Dürr s'était engagé en faveur de Madschid Kasemi, exécuté la semaine dernière.
Pendant ce temps, le régime a encore renforcé les règles concernant la vie quotidienne des Iraniennes. Les fameux «gardiens des mœurs», qui patrouillaient autrefois dans les rues pour faire respecter les règles vestimentaires islamiques et qui seraient responsables de la mort de la Kurde Jina Mahsa Amini, ont presque totalement disparu des villes. A la place, les autorités poursuivent désormais les infractions par le biais de la vidéosurveillance. Les femmes qui ne portent pas du tout le hijab ou qui ne le portent pas «correctement» sont identifiées, reçoivent des SMS d'avertissement – et sont punies.
En vertu de la charia islamique introduite en 1979, les femmes iraniennes sont tenues de couvrir leurs cheveux d'un foulard et de porter des vêtements longs et amples afin de dissimuler leurs formes. Celles qui enfreignent cette règle s'exposent à des amendes ou à l'arrestation.
«Le retrait du voile est synonyme d'hostilité envers (nos) valeurs», a déclaré le chef de la justice de la République islamique, Gholamhossein Mohseni Edschei, en avril. Les coupables seront «poursuivis sans pitié».
Pourtant, le fait de ne pas porter le foulard est devenu le symbole central de la résistance après la mort d'Amini. De nombreuses femmes se montrent publiquement sans couvre-chef et brûlent leur foulard. Elles veulent ainsi le montrer: la résistance ne s'arrête pas - quoi que fasse le régime.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)