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L'Iran peut tout perdre en soutenant la Palestine face à Israel

Des centaines d'Iraniens manifestent leur solidarité avec le Hamas et les Palestiniens à Téhéran.
Des centaines d'Iraniens manifestent leur solidarité avec le Hamas et les Palestiniens à Téhéran.

Pourquoi l'Iran a tout à perdre d'une escalade au Proche-Orient

L'Occident considère l'alliance entre la Russie et l'Iran comme un «nouvel axe du mal». En fait, avec Poutine derrière lui, le régime des mollahs aurait une grande marge de manœuvre pour prendre l'initiative stratégique dans le conflit au Proche-Orient, mais ses réticences à s'impliquer s'expliquent.
26.10.2023, 06:0026.10.2023, 11:58
Thomas Seibert, Istanbul/Téhéran / ch media
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L'Iran mobilise ses troupes auxiliaires contre Israël et les Etats-Unis. Le Hezbollah pro-iranien attaque Israël depuis le Liban, les rebelles pro-iraniens Houthi au Yémen tirent des missiles sur des cibles dans l'Etat hébreu, les miliciens pro-iraniens en Irak tirent sur des bases militaires américaines. Le guide de la révolution Ali Khamenei menace que si les attaques aériennes israéliennes sur Gaza ne cessent pas, «personne ne pourra arrêter la colère des musulmans».

Mais les menaces sont trompeuses: les dirigeants de Téhéran veulent éviter une escalade incontrôlable qui ferait de l'Iran la cible de représailles de la part d'Israël et des Etats-Unis.

En tant que principal soutien du Hamas, la République islamique a célébré l'attaque des combattants islamistes contre Israël le 7 octobre comme un grand succès. Le régime de Khamenei rejette l'accusation selon laquelle l'Iran était au courant des plans d'attaque du Hamas, mais ne cache pas ses liens étroits avec le groupe terroriste. Le ministre des Affaires étrangères Hossein Amirabdollahian s'est entretenu à plusieurs reprises avec les dirigeants du Hamas au cours des deux dernières semaines.

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L'hostilité envers Israël et les Etats-Unis fait partie des fondements idéologiques du régime iranien. Khamenei fait l'éloge de ce qu'il appelle «l'axe de la résistance» contre l'Etat juif, composé de groupes et de gouvernements pro-iraniens au Proche-Orient. Tout cela avec l'accompagnement bienveillant de la Russie. Lundi dernier encore, le président Ebrahim Raïssi a reçu à Téhéran le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Le président iranien Raïssi reçoit le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Téhéran.
Le président iranien Raïssi reçoit le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Téhéran.

Téhéran espère en outre que la guerre entre le Hamas et Israël empêchera une alliance des Etats du Proche-Orient contre l'Iran en raison du sentiment anti-israélien dans la région. Le rapprochement entre les Etats arabes et Israël est «irrémédiablement» endommagé, affirme le ministre des Renseignements Esmaïl Khatib.

Le Hezbollah ne peut attaquer Israël que localement

Mais les dirigeants iraniens voient aussi dans la nouvelle guerre au Proche-Orient de grands risques pour la République islamique. La réaction de Khamenei à la guerre est «soigneusement calibrée et prudente», explique Arash Azizi, expert de l'Iran et auteur de livres aux Etats-Unis. Le Hezbollah et d'autres milices pro-iraniennes, qui répondent aux ordres de Téhéran, veulent montrer «qu'ils sont pertinents sans trop provoquer» en lançant des «petits coups» contre Israël et les Etats-Unis, a déclaré Azizi.

L'agence de presse Reuters a rapporté, en citant des sources sécuritaires, que Téhéran avait autorisé ses forces auxiliaires dans la région à mener des attaques limitées contre des positions israéliennes et américaines, mais qu'il voulait éviter une escalade qui pourrait entraîner l'Iran dans le conflit.

Khamenei s'en tient au principe de la «patience stratégique», dit Azizi: il évite une confrontation directe avec Israël, dans laquelle les troupes iraniennes comme les Gardiens de la révolution pourraient subir de lourdes pertes. Au cours des dernières décennies, Israël a prouvé qu'il pouvait venir à bout des défenses aériennes et du contre-espionnage iraniens en attaquant les installations nucléaires iraniennes et en s'en prenant aux scientifiques nucléaires iraniens.

Les porte-avions américains et les destroyers américains dans la région pourraient attaquer les milices pro-iraniennes et le territoire iranien avec des avions de combat et des missiles. En d'autres termes, si la guerre s'étend, elle pourrait affaiblir l'Iran et ses alliés dans la région pour les années à venir.

L'Iran risque également des revers politiques. Il y a quelques semaines seulement, Téhéran avait obtenu, lors d'un échange de prisonniers avec les Etats-Unis, la promesse que six milliards de dollars d'avoirs à l'étranger jusqu'ici gelés seraient transférés sur des comptes au Qatar et débloqués. Mais après l'attaque du Hamas contre Israël, les Etats-Unis et le Qatar ont de nouveau bloqué cette somme.

Les liens étroits entre l'Iran et le Hamas réduisent également les chances d'un nouvel accord nucléaire avec l'Occident, qui permettrait à l'Iran de réduire les sanctions économiques.

Pas de mercenaires iraniens pour Gaza

Khamenei pourrait en outre être victime de sa propre rhétorique anti-israélienne. Le succès du Hamas contre Israël a plongé les partisans du régime en Iran dans une «frénésie anti-israélienne», dit Azizi. Certains veulent s'engager comme combattants volontaires pour la guerre à Gaza — Téhéran ne veut en aucun cas autoriser la mise en place de troupes de mercenaires iraniens pour Gaza. Les premières critiques de la part de la ligne dure à l'encontre de la décision de Khamenei de ne pas attaquer Israël commencent à se faire entendre, explique Azizi.

Selon Azizi, il existe également un risque pour Téhéran que des groupes pro-iraniens aillent trop loin dans leurs attaques contre des installations israéliennes ou américaines et provoquent des représailles massives. Le gouvernement américain connaît le dilemme des dirigeants iraniens et leur rappelle les dangers. Il a un conseil à donner à tous les groupes et pays qui veulent étendre le conflit de Gaza, déclare le secrétaire à la Défense Lloyd Austin: «Laissez faire».

Traduit et adapté par Noëline Flippe

Gaza après les bombes
Video: watson
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